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Le départ à la retraite : les principales règles

LE CYCLE DU DROIT SOCIAL (3/4) : En constante mutation, le droit du travail reçoit des applications quotidiennes que chacun, employeur ou salarié, expérimente au fil de sa carrière. Dans une série de quatre chroniques, les avocats de l’Institut du droit social du Barreau de Bordeaux décryptent les différentes actualités de la matière.

départ à la retraite

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Depuis les années 1990, et face au vieillissement de la population, le régime des retraites a fait l’objet de plusieurs réformes d’ampleur, tendant notamment à augmenter le nombre de trimestres requis pour bénéficier de la retraite « à taux plein ».

Si l’instauration d’un régime universel de retraite a été abandonné par Emmanuel Macron, suite à la crise sanitaire, la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (dite « Loi Retraites ») a été publiée au Journal officiel le 15 avril 2023, après un examen parlementaire accéléré et dans un climat social tendu. Loin de mettre en place un régime universel de retraite, cette loi consacre toutefois la suppression de 4 régimes spéciaux (RATP, industries électriques et gazières, clercs et employés de notaires et Banque de France)1 et comporte d’importantes modifications du système de retraite. Subordonnées à la publication de décrets d’application (adoptés en majorité pendant l’été), la plupart des mesures sont entrées en vigueur le 1er septembre 2023. Sans revenir sur l’intégralité des mesures issues de cette loi, seront ici exposées les principales règles entourant le départ à la retraite.

LE RECUL PROGRESSIF DE L’ÂGE DE LA RETRAITE ET L’ALLONGEMENT DE LA DURÉE DE COTISATION

En application de la « loi Retraites », l’âge d’ouverture des droits à la retraite est reporté à raison de 3 mois par génération à compter de la génération née après le 31 août 1961 jusqu’à atteindre 64 ans. Parallèlement, le rythme de relèvement de la durée de cotisation requise pour pouvoir liquider sa retraite (issu de la réforme Touraine de 2014) est accéléré et débute à compter du 1er septembre 2023 pour la génération née après le 31 août 1961. La « loi Retraites » a maintenu à 67 ans l’âge ouvrant droit à une pension de retraite à taux plein sans décote, même si le nombre de trimestres requis n’est pas atteint.

LES CAS DE DÉPARTS ANTICIPÉS À LA RETRAITE

Il existe des dérogations à l’âge légal de départ à la retraite. Sont concernés :
• Les travailleurs handicapés (ayant une incapacité permanente d’au moins 50 %) : ils peuvent, s’ils justifient d’un nombre de trimestres cotisés, partir à la retraite à compter de 55 ans.
• Les assurés ayant un taux d’incapacité permanente supérieur ou égal à 20 % (au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle) : ils peuvent partir à la retraite à compter de 60 ans. Les assurés ayant un taux d’incapacité permanente compris entre 10 % et 19 % (ayant été exposés à des facteurs de risques pendant au moins 17 ans) peuvent, quant à eux, partir deux ans avant l’âge légal de droit commun.
• Les salariés ayant été reconnus inaptes au travail : ils peuvent partir à la retraite à compter de 62 ans. De même en cas d’invalidité.
• Les assurés ayant une carrière longue : ils peuvent, s’ils justifient d’un nombre de trimestres cotisés, partir à la retraite à compter de 58 ans s’ils ont commencé à travailler avant 16 ans ; 60 ans s’ils ont commencé à travailler avant 18 ans ; 62 ans s’ils ont commencé à travailler avant 20 ans et 63 ans s’ils ont commencé à travailler avant 21 ans.
Par ailleurs, la loi prévoit désormais une surcote pour les assurés titulaires d’au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance du fait de la parentalité qui justifient, à un an de l’âge minimum de départ à la retraite, de la durée nécessaire pour avoir le taux plein : majoration de 1,25 % de la pension de retraite pour chaque trimestre cotisé, dans la limite de 4 trimestres par an et de 5 % de majoration au total.

L’employeur ne peut imposer une mise à la retraite au salarié qu’à compter de ses 70 ans

départ à la retraite

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LA RETRAITE PROGRESSIVE

Il s’agit d’un dispositif d’aménagement de fin de carrière permettant aux personnes actives, deux ans maximum avant l’âge légal de départ à la retraite, de passer à temps partiel tout en bénéficiant d’une partie de leur retraite. La pension de retraite est alors calculée provisoirement et un nouveau calcul du montant de la pension est effectué lors de la cessation définitive de l’activité professionnelle, en tenant compte de la période de travail à temps partiel. Les conditions pour bénéficier du dispositif sont les suivantes :
• Être à temps partiel ou temps réduit (durée du travail comprise entre 40 et 80 % de la durée légale ou conventionnelle de travail) ou pour les assurés sans durée de travail définie et dont le revenu annuel est d’au moins 40 % du SMIC brut, avoir une diminution de revenus entre 20 et 60 %.
• Avoir 2 ans de moins que l’âge minimal de départ à la retraite.
• Justifier d’une durée de 150 trimestres de cotisation. L’assuré qui souhaite obtenir une retraite progressive doit adresser sa demande de liquidation provisoire à chaque organisme de retraite concerné. La CNAV recommande de déposer la demande 4 mois avant la date choisie comme point de départ de la retraite progressive. Cette date doit nécessairement se situer le 1er jour d’un mois. Lorsque cette demande a une incidence sur la durée du travail au sein de l’entreprise, le salarié doit également adresser à son employeur, par lettre recommandée, une demande de passage à temps partiel, 2 mois avant la date envisagée de retraite progressive. Désormais, l’employeur ne peut refuser cette demande qu’en cas d’incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise (notion qui n’a pas encore été définie par la loi). En l’absence de réponse dans le délai de 2 mois, l’accord de l’employeur est réputé acquis. Cette option peut s’avérer très intéressante pour les salariés qui sont déjà à temps partiel puisqu’elle permet un complément de revenu avant le départ à la retraite mais elle n’a aucun impact sur le montant de la retraite définitive.

À noter que l’accès à ce dispositif a été élargi par la « loi Retraites » : assurés sociaux titulaires d’une pension d’invalidité, fonctionnaires, professionnels libéraux et avocats sont désormais concernés au même titre que les salariés, artisans et commerçants.

LA MISE À LA RETRAITE PAR L’EMPLOYEUR

En l’absence de départ volontaire, l’employeur ne peut « mettre à la retraite » le salarié qu’à compter de ses 67 ans (sauf dispositions conventionnelles plus favorables au salarié). De 67 à 70 ans, l’employeur doit respecter une procédure particulière impliquant l’accord du salarié. Autrement dit, l’employeur ne peut imposer une mise à la retraite au salarié qu’à compter de ses 70 ans. Un préavis doit être respecté : sauf dispositions conventionnelles plus favorables au salarié, il est égal au préavis de licenciement légal. À noter que l’employeur ne peut pas mettre à la retraite un salarié qui avait, lors de son embauche, l’âge de mise à la retraite.

LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE

Si, par principe, il est nécessaire de cesser toute activité professionnelle pour percevoir sa pension de retraite, plusieurs dispositifs légaux permettent de percevoir la pension de retraite en continuant une activité professionnelle. À partir de 45 ans, chaque assuré peut bénéficier d’un entretien sur les droits à retraite et sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite.

Le cumul emploi retraite intégral
Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, l’assuré doit justifier :
– un départ à taux plein par la durée d’assurance ou par l’âge ;
– avoir liquidé toutes ses pensions de retraite de base et complémentaire, à l’exception de celles en cours de constitution dans le cadre de la reprise ou poursuite d’activité2 . Depuis la « loi Retraites » du 14 avril 2023, la reprise d’activité dans le cadre de ce dispositif permet la création de nouveaux droits à la retraite, à savoir une deuxième liquidation à taux plein ne pouvant dépasser 5% du plafond annuel de la sécurité sociale3, étant précisé qu’aucune majoration, supplément ou accessoire ne pourra être octroyé au titre de cette nouvelle pension. La création de nouveaux droits ne commence, en cas de reprise d’activité chez le dernier employeur, qu’à l’issue d’un délai de 6 mois suivant la liquidation de la retraite mais ce délai de carence n’est pas applicable aux assurés ayant liquidé leur pension de retraite avant le 15 octobre 2023. À noter toutefois qu’une seule indemnité de départ ou de mise à la retraite ne pourra être versée (celle versée lors de la première liquidation complète).

Le cumul emploi retraite plafonné
Les assurés ne remplissant pas les conditions pour bénéficier d’un cumul intégral peuvent toutefois prétendre à un cumul emploi retraite plafonné. Il s’agit des assurés ayant liquidé une des pensions de retraite auquel ils ont droit ou les assurés ayant liquidé la totalité des pensions de retraite sans avoir le taux plein. Le cumul des revenus (d’activité et de retraite) ne doit pas dépasser le dernier salaire d’activité perçu avant la liquidation (moyenne des revenus perçus au cours des 3 derniers mois d’activité4 ) ou 160 % du SMIC5 , selon l’option la plus avantageuse. En cas de dépassement de l’un de ces seuils, la pension de vieillesse est réduite proportionnellement au dépassement constaté. Là aussi, un délai de carence de 6 mois est applicable avant toute reprise d’activité, s’il s’agit d’une activité chez le dernier employeur. À noter : ce dispositif ne permet pas l’acquisition de nouveaux droits à la retraite, contrairement au cumul intégral.

À SAVOIR

L’âge légal de la retraite est l’âge à partir duquel l’assuré est en droit de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein ou avec une décote. La durée de cotisation fixée par la loi correspond, quant à elle, à la durée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein.

LES CONDITIONS DU DÉPART VOLONTAIRE À LA RETRAITE DES SALARIÉS

Pour pouvoir partir à la retraite, les salariés doivent remplir 3 conditions :
• Avoir atteint l’âge légal de la retraite.
• Avoir demandé la liquidation de leur retraite.
Pour bénéficier de l’indemnité de départ à la retraite, le salarié qui quitte l’entreprise doit prouver qu’il a effectivement fait valoir ses droits à pension. Il est conseillé d’entamer les démarches environ 6 mois avant le départ en retraite.
• Manifester clairement leur volonté de partir à la retraite. Si aucun formalisme particulier n’est prévu par la loi, certaines conventions collectives prévoient une procédure spécifique. Quoi qu’il en soit, il est recommandé à l’employeur de solliciter un écrit du salarié puisqu’en cas de contentieux, il lui appartient de prouver que le salarié a pris l’initiative du départ à la retraite. À noter que le salarié doit respecter un préavis égal à celui prévu en cas de licenciement, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables

L’INSTITUT DU DROIT SOCIAL

Émanation de l’Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux, l’Institut du Droit social (IDS) a pour mission principale de renseigner les employeurs (des secteurs privé et associatif) ainsi que les salariés, sur toutes les questions de droit social. Il regroupe les avocats ayant développé une compétence spécifique dans ces domaines. L’IDS intervient, tant en conseil qu’en contentieux, sur des problématiques concernant le Droit du travail, le Droit de la sécurité sociale, et le contentieux URSSAF. Les avocats de l’IDS participent régulièrement à des ateliers, conférences et événements organisés par le milieu économique local et régional.
Contact : ids@barreau-bordeaux.com

 

1 Cette suppression ne concerne que les salariés recrutés à compter du 1er septembre 2023 qui seront donc affiliés au régime général. En vertu de la clause du « grand-père », les salariés actuels resteront affiliés à leur régime spécial. Visé également par la réforme, le Conseil économique, social et environnemental est enjoint, par la Première ministre, à modifier le règlement de sa caisse de retraite.
2 Les personnes ayant fait liquider leur retraite à taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite, dans le cadre de dispositifs de retraite anticipée ne pourront bénéficier du cumul emploi retraite intégral qu’une fois atteint l’âge de départ à la retraite.
3 Jusqu’ici, ces revenus soumis à cotisation n’ouvraient pas droit à une pension supplémentaire.
4 Si l’assuré a exercé, pendant la période de référence, plusieurs activités à temps partiel, le total des rémunérations à prendre en compte ne peut être inférieur à la rémunération correspondant à l’activité à temps complet la plus élevée.
5 SMIC horaire en vigueur au 1er janvier de l’année en cours x 1 820 heures.

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