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Les artisans du « Sapin Verre » de Bordeaux

BORDEAUX · Commandé à l’artiste Arnaud Lapierre par le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, en 2020, le « Sapin Verre » a mobilisé une myriade d’entreprises locales. Avec des retombées notables pour certaines, à l’instar de la Métallerie Bordelaise.

Sapin Verre, bordeaux

Le "Sapin Verre" installé sur la place Pey-Berland © DR

Le « Sapin Verre » devant la cathédrale Saint-André de Bordeaux © DR

Il avait défrayé la chronique lors de son annonce en 2020, puis de sa présentation en 2021. Le « Sapin Verre », œuvre du designer Arnaud Lapierre réalisée par la Métallerie bordelaise, est de retour devant l’hôtel-de-ville et la cathédrale Saint-André de Bordeaux, place Pey-Berland, depuis le 8 décembre. « Représentation créative du sapin de Noël traditionnel », selon les mots d’Arnaud Lapierre, le « Sapin Verre » est une sculpture conique de verre et d’acier. Haute de 11 mètres, d’un diamètre de 5 mètres, d’un poids de 2 tonnes, elle est composée de 600 éléments différents, dont 176 miroirs reflétant la lumière changeante. « Pierre Hurmic souhaitait mettre fin et pointer une forme d’aberration, celle de couper des arbres matures pour Noël. Le « Sapin Verre » est la réponse à ces enjeux écologiques et économiques, via une création artistique », rappelle Dimitri Boutleux, adjoint au maire en charge de la Culture.

Le designer du « Sapin Verre », Arnaud Lapierre, avec le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, lors de la présentation de l’oeuvre en 2021 © DR

DES ÉCONOMIES SUR LA DURÉE

Correspondant à un investissement de 130 000 euros, le « Sapin Verre » représentera une dépense d’environ 22 000 euros par an sur les 6 années de mandat municipal, auxquels il faut ajouter les coûts annuels induits de gardiennage, nettoyage et remontage, dont le montant n’est pas communiqué. « Le coût du sapin mort, lui, était de 60 000 euros par an pour une durée de vie de seulement 3 semaines », précise Dimitri Boutleux, soit 360 000 euros par mandat. Près de trois fois plus que pour le sapin de verre. L’œuvre « répond a i nsi aux enjeux contemporains d’éviter de multiplier les coûts », conclut l’adjoint en charge de la Culture. « De plus, c’est un objet artistique dont la valeur perdure dans le temps », ajoute-t-il. Le sapin bordelais est également créateur d’emplois sur le territoire, les artisans choisis par le designer Arnaud Lapierre étant girondins.

CONTRAINTES TECHNIQUES

Fabien Coste et Guillaume Percheron, cofondateurs de la Métallerie Bordelaise, dans leur atelier de Latresne © DR

C’est la Métallerie Bordelaise qui a réalisé l’œuvre à partir d’un dessin 3D de l’artiste et d’une photo de sa première version, présentée à Saint-Pétersbourg en taille réduite. Fondée à Latresne par les deux techniciens, Fabien Coste et Guillaume Percheron, l’entreprise est spécialisée dans la réalisation d’ouvrages fins, menuiseries métalliques à rupture de pont, agencement haut de gamme et artisanat d’art, au service d’architectes et de designers. « La difficulté pour ce projet a été de tout orchestrer à deux, de l’étude de coût à la coordination du montage avec le service événementiel de la mairie, en passant par la fabrication, en seulement 6 semaines », se remémore Guillaume Percheron, gérant de la Métallerie Bordelaise. Les contraintes étaient nombreuses. « Nous avons enchaîné les heures de conception pour assurer l’esthétique et la résistance de l’ouvrage. Réceptionné, façonné et protégé les tonnes d’acier, prémonté les 600 éléments de la structure pour validation. Prototypé un système de pinces de serrage pour les verres que nous avons fait qualifier aux normes en vigueur. Trouvé des solutions de lestage au sol, la place ne pouvant être percée. Ou encore gravé des repères de montage et des détrompeurs pour chaque trou de fixation et positionnement découpé avec la technologie laser, afin que chacun des éléments trouve sa place dans ce Lego », détaille l’artisan.

CIRCUITS COURTS

Heureusement, le réseau local de sous-traitants travaillant pour la Métallerie Bordelaise « en découpe laser tôle et tube, cintrage en com- mande numérique, produits verriers, vitrophanie, thermolaquage, fonderie, menuiserie et ébénisterie ou encore contrôle dimensionnels, etc. a été très réactif. Sans eux, l’échéance n’était pas tenable. Le circuit court était un challenge que nous souhaitions relever », assure Guillaume Percheron. C’est notamment pour « sa démarche créative intégrant l’écoconception, l’upcycling ou la réduction de l’empreinte carbone » qu’Arnaud Lapierre a été choisi. « Il était important que ce projet soit le plus minimal dans son empreinte carbone (…) et de choisir des matières prônant le réemploi et le local. Tout a ainsi été sourcé dans un périmètre de 40 km autour de Bordeaux. Et en fin de vie, le verre et l’acier seront retraités pour alimenter d’autres futurs projets », détaille le designer.

Tout a été sourcé dans un périmètre de 4o km autour de Bordeaux

La structure du « Sapin Verre » est ainsi constituée d’acier 100 % recyclable et de verre recyclé issu de l’industrie des déchets architecturaux, recouvert d’une vitrophanie sans tain vert émeraude, réalisée par la société locale Press Citron.

L’ÉCRIN D’UN BIJOU

Si l’accueil du sapin de verre a été mitigé au départ, les habitants et touristes semblent s’y être habitués. « Nous avons ouvert un chemin que d’autres collectivités commencent à suivre, comme La Rochelle », estime Dimitri Boutleux. Attirant de nombreux visiteurs et très photographié et publié sur les réseaux sociaux, le « Sapin Verre » offre « un contraste intéressant : il traduit un sentiment de modernité dans une ville au décorum classique du XVIIIe siècle, qui fait un très bel écrin pour ce bijou de Noël », poétise l’adjoint au maire.

Au-delà de faire parler de la ville de Bordeaux et de son édile, le sapin a également eu le mérite de donner un écho à la carrière d’Arnaud Lapierre, qui a par la suite été très sollicité. Mais aussi à la Métallerie Bordelaise, qui assemble notamment les luminaires de Vincent Poujardieu, exportés de New York à Dubaï, et dont une lampe a été offerte au roi Charles III lors de sa visite à Bordeaux, en septembre dernier. Un succès qui a permis à la Métallerie d’embaucher un premier collaborateur diplômé des Beaux-Arts de Toulouse. Avant d’autres recrutements à venir.