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Whisky : Arômes girondins

Spiritueux préféré des Français, le whisky gagne des parts de marché. En France, la filière se structure avec la création de distilleries. En Gironde, producteurs, affineurs et distributeurs tirent leur épingle du jeu.

Whisky, Gironde

Le whisky doit vieillir au moins 3 ans dans des barriques © Arnaud Brukhnoff

Pour fabriquer du whisky, il faut des céréales, de l’eau de source et des tonneaux pour le faire vieillir (au moins 3 ans). Rien d’étonnant alors que les Français se lancent dans la production (le pays compte actuellement une centaine de distilleries). Surtout quand on considère qu’ils sont également les premiers consommateurs au monde : 200 millions de bouteilles sont vendues par an, devant l’Uruguay et les États-Unis*.

LES WHISKIES FRANÇAIS SUR LA 3E MARCHE DU PODIUM

En France, le whisky et le rhum restent les spiritueux les plus régulièrement dégustés. Si les grandes et moyennes surfaces demeurent le principal lieu d’achat des spiritueux (70 %), 35 % des Français privilégient les circuits spécialisés : cavistes (23 %) et e-commerce spécialisé (18 %). En grandes surfaces, les marques internationales règnent en maître : William Peel, Jack Daniel’s, Ballantine’s, Grant’s, Clan Campbell et Label 5. Si l’Écosse, suivie de l’Irlande restent les pays d’origine préférés des consommateurs, la France s’impose désormais sur la 3e place du podium. Le whisky français fête cette année ses 40 ans, mais s’est surtout développé ces 10 dernières années. Les ventes de whiskies français ont été multipliées par 5 entre 2010 et 2018 où ils ont franchi le cap du million de bouteilles (Fédération du whisky de France). En 2021, les whiskies français ont enregistré les plus fortes croissances en valeur (+29,9 %) comme en volume (+ 25 %).

Les ventes de whiskies français ont été multipliées par 5 entre 2o1o et 2o18

DISTILLERIES MADE IN BORDEAUX

La production de whisky sur le territoire demeure inférieure à sa consommation, même si la production hexagonale connaît une croissance très élevée. Les 5 principales distilleries (Warenghem et des Menhirs en Bretagne, Rozelieures en Lorraine, Hepp en Alsace et Bellevoye en Gironde) concentrent la moitié des ventes de whisky français et ont des positionnements haut de gamme. En Gironde, plusieurs acteurs se distinguent, que ce soient des distilleries en production telles que Moon Harbour, Bordeaux Distilling Company, la Maison Lineti et A. Roborel de Climens ou des affineurs embouteilleurs tels que Bellevoye ou Evadés/Fondaudège.

DANS UN BUNKER

Parmi les précurseurs, Jean-Philippe Ballanger (PDG de Jock jusqu’en 2022) et Yves Médina (qui a quitté la société l’an dernier) ont eu cette idée un peu folle de lancer leur marque de whisky made in Bordeaux. En 2015, ils recrutent un consultant écossais et commencent à faire vieillir du jus d’Écosse dans des barriques de châteaux bordelais. Dès 2017, ils récoltent leur première production d’orge sur l’île de Patiras qui vieillit dans le chai spécialement conçu dans un ancien bunker de la Seconde Guerre mondiale aux Bassins à flots. La marque propose les whiskies Dock 1, 2 et 3, un gin et le nouveau whisky Signature en entrée de gamme. La production compte quelque 70 000 bouteilles par an. Moon Harbour développe aussi une importante activité de spirito-tourisme : 35 % de son chiffre d’affaires (non communiqué) provient des visites et dégustations.

Aymeric Roborel de Climens ©Arnaud Brukhnoff

BARRIQUES USAGÉES

« Ce qui fait le whisky, ce n’est pas l’alambic. C’est une eau de vie de malt qui va vieillir 3 ans en barriques. » Ancien œnologue conseil pendant 20 ans dans le Médoc et Saint-Émilion, Aymeric Roborel de Climens découvre la fabrication des spiritueux à travers une dégustation de gins artisanaux dans un cadre familial. En 2017, il s’intéresse à la filière française qui est en train de se structurer. « Je me suis rendu compte qu’on est producteur d’orge et qu’on est leader mondial du maltage. Ce qui m’a décidé, c’est de comprendre que dans l’ADN du whisky écossais, pour lui donner son goût, son identité, on achète des barriques usagées : bourbon, porto, grands crus…J’ai aimé ce lien avec le terroir. » Il décide de se lancer dans l’entrepreneuriat et crée sa société en 2019. Il se concentre alors sur l’élevage et le vieillissement en partenariat avec une distillerie alsacienne. « C’est là que je peux apporter toutes mescompétences d’œnologue, assembleur et dégustateur. »

ANCIENNECARRIÈRE DE SAINT-ÉMILION

Lui se revendique affineur. Après une double maturation : 30 mois en barriques neuves et fûts roux – « c’est la base de toute ma gamme », précise-t-il – il continue de les faire vieillir dans des fûts de vins usagés : blancs secs, sauternes, banyuls… C’est tout ce qui apporte la couleur, l’aromatique, les saveurs. Depuis un an et demi, il fait vieillir ses whiskies dans une ancienne carrière de pierre à Saint-Émilion. « Ça avait du sens pour moi d’avoir un chai au milieu des vignes. » La gamme compte 3 cuvées permanentes : Sauvignon, Merlot et Sémillon, et 3 cuvées éphémères, ainsi qu’une gamme de blend, et même 2 rhums. Avec un réseau d’une quarantaine d’agents commerciaux, il est présent chez les cavistes indépendants (800) et un peu en restauration/bar. Sa production s’élève à 15 000 bouteilles dont 85 % en France et 15 % à l’export.

Ça avait du sens pour moi d’avoir un chai au milieu des vignes

So Whisky : Dégustations pour initiés

« Le whisky est le spiritueux qui a le plus de complexité, et la palette aromatique la plus étendue. » Cédric Ferreira, qui a créé l’association So Whisky en 2017, a la passion de ce précieux élixir. Un engouement qu’il partage avec une trentaine d’adhérents et une centaine de sympathisants. Chaque mois, il organise une dégustation qui réunit environ 50 convives autour d’ambassadeurs venus présenter leurs produits. « À chaque soirée, nous dégustons 6 whiskies accompagnés de bouchées. Nous en buvons une toute petite quantité, l’idée étant avant tout de déguster et d’échanger sur leur identité. » La prochaine dégustation a lieu ce 15 décembre en présence d’un ambassadeur franco-écossais Antony McCallum.

Cédric Ferreira ©DR

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