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Chantier naval – À la proue de Dubourdieu

GUJAN-MESTRAS - 24 ans après le rachat du chantier naval Dubourdieu, les époux Martin ont su adapter leur offre au marché local comme national et proposer de nouveaux services de location, réparation et d’hivernage. Sur le Bassin, ils construisent sur mesure des bateaux en bois haut de gamme.

Béatrice Martin, Emmanuel Martin, Dubourdieu

Béatrice Martin et Emmanuel Martin, propriétaires de Dubourdieu © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Les histoires qui marchent le mieux sont souvent celles qui commencent un peu par hasard. C’est le cas des époux Béatrice et Emmanuel Martin qui ont racheté l’entreprise Dubourdieu, chantier naval créé à Gujan-Mestras en 1800. « On n’avait aucune expérience mais on était très motivés », sourit Béatrice Martin. Construisant sur mesure des bateaux en bois à l’unité, ce chantier naval fabrique de la traditionnelle pinasse au yacht de plaisance sport, en passant par des commandes plus novatrices.

L’esprit de famille

En 2000, Emmanuel Martin, un enfant du Bassin, œnologue de formation, gère des propriétés viticoles pour un groupe financier, tandis que sa femme, Béatrice, organise des voyages sur mesure pour une agence de tourisme. Jusqu’à ce qu’un ami leur propose de racheter ensemble les établissements Dubourdieu. Très vite, il se désengage du projet mais les époux Martin tiennent bon.

« L’entreprise était à vendre depuis 2 ans, mais Jean-Pierre Dubourdieu n’avait accepté aucune proposition. » Il faut dire que les établissements Dubourdieu se transmettent de père en fils depuis 6 générations et c’est un crève-cœur pour lui de vendre. Il est finalement séduit par l’esprit de famille qui se dégage de la proposition, un esprit qui perdure 24 ans après, Béatrice et Emmanuel travaillant désormais avec leur fils Nicolas.

Béret, espadrilles et cigarette au bec !

Les débuts sont pourtant difficiles. « Ce n’était pas notre métier », s’amuse Béatrice Martin. « Le carnet de commandes était vide, on avait 6 salariés âgés, avec un béret, des espadrilles aux pieds et la cigarette au bec ! » Et pourtant, c’était selon elle une époque bien plus facile car les banques les suivent immédiatement : « aujourd’hui ce serait impossible ».

Et pour couronner le tout, Jean-Pierre Dubourdieu, qui devait les accompagner pendant 1 an, quitte finalement le navire au bout de 3 mois. Pour autant, s’il faudra leur imposer des mesures et des chaussures de sécurité sur un chantier où tout est inflammable, les employés veulent aller de l’avant et s’investir. « On a avancé à tâtons », résume-t-elle.

Dubourdieu

© Dubourdieu

Caudalie

Pour commencer, Emmanuel Martin suit une formation au lycée de la mer pour apprendre les bases de la charpente marine. « Au début, on voulait tout faire ensemble », se remémore Béatrice, mais force est de constater que ça ne marche pas. Ils décident alors de travailler individuellement leurs points forts : Emmanuel aux achats et à l’atelier, Béatrice dans la logistique, la gestion et la comptabilité, même s’ils continuent encore aujourd’hui de concevoir les modèles à deux et à recevoir les clients ensemble.

Dans un second temps, Emmanuel démarche tous ses anciens clients du milieu du vin. La première commande arrive : ce sera un Classic Express, modèle créé par Jean-Pierre Dubourdieu qui reprend le look de la pinasse avec un fond plat et une navigation plus sportive. Le bateau est livré en 2001, il s’appelle Caudalie et ses propriétaires sont Florence et Daniel Cathiard : « Ils nous ont mis le pied à l’étrier », se réjouit Béatrice Martin.

Cap vers la Méditerranée

Dès l’année suivante, les établissements Dubourdieu proposent un nouveau modèle, le Picnic, avec plusieurs variantes : sport, cabin, open, designé en collaboration avec l’architecte naval Vincent Duchatelet. Ils lancent ce bateau avec une carène adaptée et davantage d’autonomie permettant d’aller en Méditerranée. Les Picnic sont maintenant amarrés à Minorque, Porquerolles ou dans le Morbihan. « Le modèle a évolué avec le temps, il est devenu plus cossu », remarque Béatrice Martin.

2 vedettes 100 % électriques sont amarrées au pied du pont Alexandre III pour des croisières sur la Seine

Outre les bateaux pour plaisanciers, ils développent également d’autres modèles pros tels que les deux catamarans en alu exploités par les BatCub, un bateau d’observation pour le CNRS qui navigue sur le Bassin ou encore les 2 vedettes 100 % électriques amarrées au pied du pont Alexandre III pour des croisières sur la Seine (Riviera Fuga).

Innovation

En parallèle, l’entreprise Dubourdieu s’investit dans l’innovation en collaboration avec le cabinet d’ingénierie Orion pour développer de nouveaux concepts de moteurs à propulsion électrique et sourcer de nouveaux produits propres et limiter les polluants. En 2012, ils poussent la démarche en construisant un bateau professionnel totalement écologique : le Greenboat.

Cette pinasse de 18 mètres est entièrement écoconçue avec l’université de Bordeaux, avec des produits locaux comme le pin des Landes, des colles bios, des peintures à l’eau et un moteur à propulsion hybride : « on est allés jusqu’à l’étude du recyclage », remarque Béatrice Martin. Racheté par l’UBA (Union des Bateliers Arcachonnais) il navigue toujours sur le Bassin, « mais l’aventure s’est arrêtée là », regrette-t-elle.

Maison Courrèges

Dès 2008, alors qu’ils sont régulièrement sollicités pour de la location, ils créent une nouvelle structure, Dubourdieu Services, qui propose à la fois l’hivernage, l’entretien et la réparation des bateaux (ils en ont une centaine dans leurs différents hangars de Gujan-Mestras) ainsi que la location de bateaux. Ils vont ainsi concevoir leur premier Picnic à la location et décident de créer le buzz en collaborant avec une maison de couture.

En association avec la maison Courrèges, ils conçoivent le White Ocean, un bateau aux lignes pures et élancées en acajou et teck

En association avec la maison Courrèges, ils conçoivent le White Ocean, un bateau aux lignes pures et élancées en acajou et teck, designé par Julien Gaubert, le directeur artistique de Courrèges, reprenant les codes du couturier : tout en coloris blanc et en transparences, avec des tables en plexiglas et un jeu de miroirs.

Quelques années plus tard, c’est au tour du Night Ocean de prendre du service, ainsi que quelques bateaux Dubourdieu loués avec l’accord de leurs propriétaires : « Cela fait aussi de la pub pour nos bateaux, commente Béatrice Martin, les gens les essaient et ça leur donne envie de commander. »

Dubourdieu

© Dubourdieu

Cap sur l’événementiel

En apportant le plus grand soin à l’aménagement des bateaux, avec une montée en gamme conséquente, c’est aussi toute la partie événementielle qui s’est développée. « Nous organisons régulièrement des visites du chantier et du Bassin », détaille Béatrice Martin, prenant l’exemple d’un rallye d’automobiles anciennes qui est venu jusqu’au chantier naval pour le visiter.

« Ensuite, nous avons traversé à bord d’un de nos bateaux pour aller déjeuner Chez Hortense au Cap-Ferret. Suite à cette journée, une participante nous a commandé un bateau qu’on a livré à Sainte-Maxime l’été suivant. Toute notre clientèle se connaît, ce sont nos meilleurs ambassadeurs. »

Entre 3 et 5 bateaux par an

Pour autant, l’entreprise Dubourdieu ne connaît pas la crise : le carnet de commandes est rempli pour les deux prochaines années : « ça nous donne une visibilité confortable », souffle Béatrice Martin. « On a une clientèle qui rajeunit et qui est française », se satisfait-elle. Chaque année, entre 3 et 5 bateaux sont fabriqués. Actuellement, 2 Picnic (1 sport et 1 cabin) de 12 mètres sont en construction, ainsi qu’un autre XXL de 14 mètres qui rejoindra bientôt Cadaquès.

Le carnet de commandes est rempli pour les deux prochaines années : ça nous donne une visibilité confortable

Et lorsqu’on lui pose la question d’un agrandissement, elle est catégorique : « On ne bougera pas de notre site de Gujan-Mestras, c’est la tradition », avant de continuer, « mais pourquoi pas un autre site en plus pour un tout autre concept de bateau ? » Et si l’envie nous prend d’admirer un prototype emblématique du chantier Dubourdieu, on pourra découvrir un Picnic Open de 10 mètres dans le showroom du nouveau pôle nautique à l’entrée d’Arcachon, ou découvrir des modèles au salon nautique d’Arcachon.

Dubourdieu

© Dubourdieu

 

Dubourdieu en 10 dates

1800 : Création du chantier naval par Louis Dubourdieu

1900 : Apparition des premières pinasses sous l’égide d’Émile Dubourdieu, 4e du nom.

1981 : Création du Classic Express par Jean-Pierre Dubourdieu

2000 : Les époux Martin rachètent le chantier naval qui devient Dubourdieu 1800

2002 : Création du modèle Picnic Sport

2008 : Création de la société Dubourdieu Services qui prend en charge l’hivernage, les réparations et la location de bateaux

2011 : Obtention du label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant)

2015 : Inauguration du White Ocean

2024 : Ouverture du showroom à Arcachon

2022 : Arrivée de Nicolas Martin dans l’entreprise familiale

 

En chiffres

12 salariés Dubourdieu 1800 + 4 Dubourdieu Services

3 à 5 bateaux livrés par an

Une centaine de bateaux à l’entretien

2 bateaux à la location (White Ocean et Night Ocean)

2,8 millions de CA pour Dubourdieu 1800

1,5 million de CA pour Dubourdieu Services

 

Innovation et voiliers d’exception au salon nautique d’Arcachon

Le prochain salon nautique d’Arcachon se tiendra du 19 au 21 avril. Pour cette 9e édition, 65 000 visiteurs et 180 exposants sont attendus, ainsi que 450 bateaux à flot et à terre qui seront exposés à la visite, et de nombreuses animations sur plus de 30 000 mètres carrés. À cette occasion, la surface d’exposition des innovations durables sera doublée sous l’égide d’EDF. Cette édition compte également la présence de deux magnifiques voiliers d’exception, Le Français et le Phoenix. « C’est devenu un rendez-vous incontournable », a commenté Yves Foulon, le maire d’Arcachon, « on met en valeur la filière nautique, le port d’Arcachon étant le 2e plus grand de la côte atlantique, nous présentons notre savoir-faire local et nos chantiers navals pour des retombées économiques à hauteur de 4 millions d’euros. »

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