Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

L’innovation selon Jane de Boy

Codirecteur du concept-store Jane de Boy, Georges Simon et son associée Marie Diard ont trouvé la bonne formule d’une enseigne branchée déclinant un univers mode et lifestyle. Également président de l’association Bordeaux mon Commerce et vice-président de la FNH Nouvelle-Aquitaine, il partage les évolutions positives du commerce de demain.

Georges Simon, Jane de Boy

GEORGES SIMON, Codirecteur du concept-store Jane de Boy © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Échos Judiciaires Girondins : En 2016, vous avez fait le choix d’installer le concept-store Jane de Boy à Bordeaux dans une boutique appartement « pour changer les codes habituels du commerce ». Celui-ci doit se renouveler ?

Georges Simon : « Il faut innover ! C’était un pari d’ouvrir une boutique-appartement en étage. Et ça marche, ça marche même très bien ! Parce qu’on a l’impression d’être comme à la maison, on vient passer un bon moment, on peut s’assoir sur le canapé. Là, c’est un véritable concept-store, plus seulement une boutique. En 2017, on a lancé une levée de fonds qui nous a permis de récolter 1,4 million d’euros. Nous avons ainsi pu développer le site Internet, avoir une sélection plus large de marques ; on a étoffé notre boutique mais qui repose toujours sur 3 créneaux : le lifestyle, la mode, les bijoux et accessoires. Dans toutes nos boutiques, on retrouve un même univers, on vit une expérience. »

 

EJG : Comment se fait cette sélection ?

Georges Simon : C’est l’ADN de Marie, c’est elle qui fait la sélection, avec les équipes qu’elle a formées pour avoir une homogénéité de notre offre. Les achats sont faits de manière assez collégiale, Marie les fait avec ses collaborateurs et collaboratrices. En sachant également que Jane de Boy a de plus en plus son propre univers de marques, avec des produits que nous fabriquons ou avec des collaborations exclusives. Ce côté unique, séries limitées est important pour nous. On met de plus en plus l’accent là-dessus. L’image Jane de Boy séduit et devient sa propre marque. »

 

EJG : Qui sont vos clients ?

Georges Simon : « L’an dernier, on a livré dans 92 pays, on a créé notre site en anglais, ce qui nous permet d’être présent à l’international en Europe, au Moyen-Orient, en Asie… La région bordelaise ne représente que 8 % des clients, et la région parisienne 20 % ! »

 

EJG : Votre activité s’exerce essentiellement via les boutiques ou le e-shop ?

Georges Simon : « C’est le web qui prend le pas de plus en plus. C’est important d’avoir nos boutiques qui sont nos vitrines, qui ont notre ADN, qui représentent notre univers. C’est complémentaire. Certains nous suivent sur les réseaux sociaux et font la démarche de venir découvrir nos boutiques. »

Dans toutes nos boutiques, on vit une expérience

Jane de Boy

© Louis Piquemil – Echos Judiciaires Girondins

 

EJG : Quelles sont vos perspectives de développement ? Pensez-vous ouvrir de nouvelles boutiques ?

Georges Simon : « Non, ce n’est pas le sujet en ce moment. Le métier du retail traverse une crise depuis quelques mois. Ouvrir des boutiques, c’est de très gros investissements, c’est monter des équipes à distance, ce sont des enjeux financiers lourds. On est dans une période plutôt attentiste, avec le ralentissement de l’économie, on préfère consolider les bases. On a 45 salariés et notre chiffre d’affaires (on ne communique pas dessus) a progressé de 35 % en 2021. 2020 a été aussi une très bonne année, 2022 sera un peu moins en hausse. »

 

EJG : Avez-vous été impactés par la période Covid ?

Georges Simon : « Étonnamment, on l’a plutôt bien passée. On a fermé les boutiques mais le e-shop a de suite pris le relai. Et dès la réouverture, ça a redémarré très fort, les gens avaient envie de vivre, de consommer à nouveau. La reprise a été liée, dans tous les commerces, à cette libération post-Covid. »

Notre chiffre d’affaires a progressé de 35 % en 2021, 2022 sera un peu moins en hausse

Jane de Boy

Jane de Boy © Louis Piquemil – Echos Judiciaires Girondins

 

EJG : Et depuis, par les problèmes d’approvisionnement qui pénalisent tous les secteurs d’activité ?

Georges Simon : « On en a eu avec des usines ou des ateliers qui ont fermé. Maintenant ça s’est régulé. Mais il y a des tensions sur certains produits, par exemple les chaussures : certaines semelles sont faites en caoutchouc, eh bien il suffit qu’il manque un composant, et on n’est pas livré. On n’a pas forcément l’information, mais ça crée un retard de livraison. En ce moment c’est le petit cristal qu’on trouve sur les étiquettes qui bloque ! »

 

EJG : Comment boostez-vous votre commerce ?

Georges Simon : « On a un studio photo pour shooter les produits qu’on met en ligne : on le fait en packshot, et ensuite il faut le photographier porté. On a une grosse production d’images. La communication est un gros poste chez nous : il faut animer des réseaux sociaux, des communautés d’influenceurs. Il faut préparer des campagnes d’affichage, de la vidéo. Aujourd’hui, pour le métier de commerçant, il faut savoir non seulement bien acheter, bien vendre, bien gérer ses stocks, mais aussi savoir communiquer. On n’ouvre pas une boutique pour attendre que les gens viennent, il faut les attirer, générer du trafic physique. C’est bien d’avoir un e-shop, mais si on n’est pas capable de l’animer, de générer du trafic, c’est comme ouvrir la plus belle boutique au 10e sous-sol d’un parking dans un désert ! Par exemple, quand on met un produit en ligne sur les réseaux sociaux, il se peut que moins de 2 heures plus tard, on commence à le vendre en boutique. »

 

EJG : Vous avez aussi des icônes qui représentent votre marque ?

Georges Simon : « Oui des ambassadrices de cœur, et on change parfois pour d’autres modèles. Mais c’est vrai que Camille Coudry, qu’on a connue toute jeune, qui a fait ses premières photos avec nous, est devenue notre égérie. On aime bien changer de photographe pour avoir des univers différents selon le thème de la saison, et des forces créatives différentes. »

 

EJG : Jane de Boy tend ainsi à devenir une marque référente. Comment gérez-vous la partie événementielle ?

Georges Simon : « On a créé pas mal d’événements à Bordeaux pour remercier et fidéliser notre clientèle. Au Cap-Ferret, c’est aussi de l’image car on a beaucoup de passage. On présente aussi des partenaires dans le vin ou le champagne autour desquels on crée l’événement. On met en avant l’art de vivre qui n’est pas que des vêtements ou des bijoux, mais aussi une décoration, un savoir-faire, des métiers de tradition. »

Aujourd’hui, pour le métier de commerçant, il faut savoir non seulement bien acheter, bien vendre, gérer ses stocks et communiquer !

EJG : Vous-même êtes président de Bordeaux mon Commerce et vice-président de la FNH Nouvelle-Aquitaine, pourquoi ces engagements ?

Georges Simon : « J’étais vice-président Bordeaux Centre, et j’ai été élu président en mai dernier. Donc ça fait un moment que j’œuvre au sein de cette association. Je suis entouré de David Ducourneau de Sport Aventure et d’Anna Pedelaborde de l’Échoppe de la Lune, qui sont vice-présidents, et on travaille d’arrache-pied sur tous les projets de notre association. On a les missions classiques, mais on veut surtout accompagner les commerces dans leur numérisation, dans l’apprentissage de leur communication, des réseaux sociaux, l’e-commerce ou leur visibilité en ligne, pour générer du trafic. Les commerces ont beaucoup souffert et ont des besoins spécifiques. Certains sont restés chez eux pendant le Covid avec des stocks importants. On croit que les commerces ont besoin d’un fichier client pour rebondir en cas de nouvelle crise. »

 

EJG : Comment fonctionne l’association ?

Georges Simon : « Nous avions 1 400 adhérents avant la crise, nous en sommes à 1 200. On essaie de recruter également. Ce sont essentiellement des commerces indépendants, beaucoup dans Bordeaux, et un peu dans l’agglomération. Pour s’autofinancer, tout ce qui est récolté à Bordeaux sert pour Bordeaux et tout ce qu’on récolte sur la métropole sert à financer des opérations parfois plus larges. On a quelques subventions, et on vit surtout de manifestations telles que le marché de noël, les Épicuriales qui sont arrêtées pour le moment, ou encore la braderie. »

 

EJG : Vous avez des contacts avec la CCI ?

Georges Simon : « On a rétabli le contact avec eux. Christian Baulme, mon prédécesseur qui a fait du très bon boulot, avait beaucoup personnifié cette association, il était très présent dans les médias, et certaines positions ont pu froisser. C’est du passé. Notre volonté est de profiter de leur spectre d’intervention et d’expertise. Sur le terrain, on veut être leur porte-parole et promouvoir leurs actions et voir où nous sommes complémentaires pour imaginer toutes les interactions possibles. On a envie de travailler sur des projets comme le numérique : la CCI propose des formations, des audits. On doit collaborer sur ces volets-là. C’est la même chose avec la mairie. C’est aussi pour ça que La Ronde des Commerces est devenue Bordeaux Mon Commerce : nouvelle équipe, même mission et volonté de co-construction avec l’ensemble des pouvoirs publics. »

 

EJG : Comment se porte le commerce bordelais ? Il a été très impacté ces dernières années par la crise des Gilets Jaunes, puis par les confinements…

Georges Simon : « C’est un traumatisme et une opportunité. Globalement, le commerce ne se porte pas super bien. Il a connu une période de répit avec la reprise économique, mais là on est dans une période très incertaine. Il y a beaucoup d’inquiétude quel que soit le type de commerce car on n’a pas de visibilité. Il y a ce sentiment d’insécurité grandissant, qui est très anxiogène car il n’y a rien de plus difficile. C’est là que la solidarité est importante. Et la communication aussi ! »

 

EJG : Quels sont les projets ?

Georges Simon : « On va lancer une application : « Bordeaux mon Commerce » qui peut être personnalisée aux couleurs des commerces, qui leur permettront d’y mettre des offres, des promotions, d’envoyer des notifications. Il suffira de scanner un QR code pour charger l’application. On la lance pour l’ouverture du marché de Noël. Avec CibleR, une start-up bordelaise spécialisée dans le développement du commerce de proximité, on lance des chèques cadeaux. C’est une carte cadeau qui est distribuée aux salariés, qui peut aller jusqu’à 171 € par salarié, exonéré de charges. Cette carte a la particularité d’être locale et responsable, s’utilise chez les commerçants, et dont la somme leur est reversée intégralement. CibleR, qui développe le projet, est à l’origine du projet « Sauvetoncommerce.fr » et accompagne les collectivités et les entreprises partout en France dans le cadre d’actions de pouvoir d’achat local. Bordeaux est la première métropole à lancer un tel projet. »

 

EJG : Vous êtes également vice-président de la FNH Nouvelle-Aquitaine…

Georges Simon : « La FNH représente 30 000 commerces indépendants en France. On a quelques grandes enseignes, mais on représente essentiellement des commerces indépendants. Les missions sont assez similaires : la transition numérique, écologique. Une des missions de la FNH est de maintenir les commerces existants. L’habillement est très spécifique et très menacé, en particulier par Internet. Il y a aussi la transmission qui est un volet important. »

 

EJG : Pourquoi cet engagement ?

Georges Simon : « Je connais la difficulté de ce que c’est qu’être commerçant. Jane de Boy a commencé dans 25 m2, et au fur et à mesure que des questions ou des difficultés se posent, on a besoin d’entraide. Dans trop de villes, en particulier de petite taille, on voit des vitrines baissées, des baux à céder. Ça redistribue un monde très numérique, on perd de la proximité, de la vie sociale qui ont tant de valeur. C’est important pour moi d’échanger et de se soulager.

Certains disent on a des concurrents, nous chez Jane de Boy, on dit on a des confrères.

Marc Simoncini, le patron de Meetic, qui est entré dans notre capital au moment de notre levée de fonds en 2017, nous accompagne avec leur expérience. Il y a beaucoup de partage et d’entraide. C’est réconfortant de pouvoir se fédérer. C’est un engagement personnel qui prend un peu de temps, mais ça m’apporte beaucoup. »

 

JANE DE BOY, UNE HISTOIRE FERRET-CAPIENNE

Créée dans le garage de ses parents par Marie Diard, Jane de Boy (du nom d’un lieu-dit au Cap-Ferret, NDLR) est au départ une boutique de décoration. Rejointe par Georges Simon en 2001, l’enseigne évolue vite vers la formule concept-store.

Une première boutique ouvre au Cap-Ferret, avec une sélection d’objets déco, accessoires et bijoux. Elle séduit tant qu’elle est suivie d’ouvertures d’autres corners au Cap-Ferret, à Arcachon et à Bordeaux.

Fin 2016, Jane de Boy qui a trouvé sa formule magique, repère branché déclinant son univers mode et lifestyle, ouvre un nouveau concept avec sa boutique appartement. « Ça change complètement les codes du commerce », commente Georges Simon. L’entreprise compte maintenant 45 salariés, 4 boutiques et un e-shop qui livre dans le monde entier.