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Parempuyre : EMME, un pari industriel sous tension

EMME prévoit d'implanter en Gironde une usine chimique produisant des sulfates de nickel et de cobalt, indispensables à la fabrication des batteries de véhicules électriques. Un investissement de 500 millions d’euros et des retombées économiques importantes pour le territoire. Mais l’emplacement de cette usine, en bordure de Garonne, en zone inondable inconstructible, soulève l’inquiétude.

Parempuyre, EMME

EMME projette d'installer son usine chimique en bordure de Garonne, sur les communes de Blanquefort et Parempuyre, au niveau du quai de Grattequina. © JDS Architectes

Il s’agit de l’un des plus gros investissements industriels annoncés en France en 2024. Porte-étendard d’une réindustrialisation néo-aquitaine encouragée par les pouvoirs publics et révélateur d’une implacable ambiguïté. 82 % des Français se disent favorables à la réindustrialisation (selon une étude Bpifrance publiée le 15 mai 2024). Pourtant, l’annonce d’un projet d’usine suscite rarement l’enthousiasme des habitants du territoire où elle doit s’implanter. Le projet EMME (pour Electro Mobility Materials Europe) n’échappe pas à la règle.

Ce 24 mars, était donné le coup d’envoi d’une nouvelle phase de concertation, placée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), garante du bon déroulé de la concertation. Elle avait été sollicitée par les porteurs de projet (la société EMME), en novembre 2024, alors que les deux premières phases de concertation avaient laissé plusieurs questions en suspens. Des associations et des élus avaient alors demandé l’intervention de cette autorité indépendante garante du droit à l’information et à la participation du public sur l’élaboration des projets et des politiques publiques ayant un impact sur l’environnement. « L’envergure du projet nécessitait la saisine d’une autorité externe », détaille Florence Bougault, administratrice de la société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso) en Gironde. Il faut bien dire que l’ampleur du projet laisse pantois.

20 000 tonnes de nickel par an

L’usine EMME aura vocation à transformer du nickel et du cobalt (déjà raffinés) en sulfates. Ces « sels » de nickel et cobalt seront alors vendus pour entrer dans la fabrication de cellules de batteries pour véhicules électriques. L’unité pourra convertir « 20 000 tonnes de nickel et 3 000 tonnes de cobalt par an », indique EMME dans le dossier de concertation. La totalité du programme représente un investissement d’environ 500 millions d’euros, porté par l’actionnaire majoritaire KL1 AG (la société, domiciliée à Genève, réunissant les trois porteurs de projet Antonin Beurrier, Sarah Maryssael et Lucas Dow), la société d’ingénierie canadienne Hatch, ainsi que des partenaires financiers (M Capital), locaux (le fonds régional de co-investissement NACO) et institutionnels.

Potentielle ETI

À la clé, des retombées économiques à la hauteur de l’investissement : 500 emplois créés dont 200 emplois directs, 30 millions d’euros par an liés aux achats de services et consommables et 20 millions d’euros par an de contribution à la fiscalité, fait valoir la société.

Parempuyre, EMME

EMME a imaginé des « drapés » pour faciliter l’insertion de l’usine dans le paysage. © JDS Architectes

L’usine EMME viendrait également compléter les compétences des 85 acteurs de la filière batterie en Nouvelle-Aquitaine et renforcer la souveraineté européenne dans le domaine. « EMME a vocation à devenir une entreprise de taille intermédiaire à sa maturité en 2030 avec 500 millions d’euros de chiffre d’affaires », prédisent les porteurs de projet.

Seveso seuil haut

Des perspectives alléchantes… Mais le nœud gordien du projet, c’est son emplacement. Les terrains, propriété du Grand Port Maritime de Bordeaux, sont situés en bordure de Garonne, rive gauche, sur les communes de Blanquefort et Parempuyre, au niveau du quai de Grattequina. Le Port, lui, ferait coup double en offrant une seconde vie au site et en permettrant par la même occasion à ses tonnages d’augmenter puisque les matières premières ainsi que les produits transformés par l’usine transiteraient par bateau via les installations portuaires.

Cette usine serait classée Seveso seuil haut, en lien avec des risques environnementaux pour le milieu aquatique en cas d’accident. « Dans une zone inondable et inconstructible », s’indigne la Sepanso par la voix de son administratrice. Qu’à cela ne tienne. Le projet prendra en compte les spécificités (et les risques) inhérents à son implantation, rétorque EMME. « Le projet a évolué et continuera d’évoluer, insiste Antonin Beurrier, président de la société. En 2025, 80 000 heures d’ingénierie seront nécessaires pour finaliser les plans. »

Pas de plan B

« Cette concertation, sous l’égide de la CNDP, est indispensable pour construire l’acceptabilité du projet, pour fournir une information plus éclairée, plus complète, plus transparente », assure-t-il. Et de souligner le coût induit par cette nouvelle concertation. « Décaler un tel projet de 6 à 8 mois représente un coût de 20 millions. »

Pas de quoi rassurer riverains et associations venus nombreux pour la première réunion de concertation. « On est contre, on veut que le projet ne se fasse pas à cet endroit car la zone n’est pas adaptée », maintient Florence Bougault. De son côté, EMME affirme ne pas envisager de plan B compte tenu des sommes déjà engagées (10 millions d’euros de frais d’études et de développement). « Le rejet du choix du site entraînerait l’abandon pur et simple du projet », avertit EMME.

En 2025, 80 000 heures d’ingénierie seront nécessaires pour finaliser les plans

Les étapes de la concertation

Cette troisième phase de concertation, sous l’égide de la CNDP cette fois, se déroulera du 24 mars au 15 mai. Réunions publiques, ateliers thématiques, conférences scientifiques et techniques sont proposées, ainsi qu’une visite de site le 5 avril. L’instruction du projet industriel se poursuivra ensuite avec la demande d’autorisation environnementale, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et le dépôt du permis de construire. EMME ambitionne de réaliser les travaux entre 2026 et 2027 pour une mise en service en 2028.

emme-concertation.fr