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Responsabilité médicale : évaluer la perte de chance

CHRONIQUE DE L'INSTITUT DE DOMMAGE CORPOREL - Comment évaluer la perte de chance dans le cas d'une erreur médicale ou d'un défaut de prise en charge d'un patient ? Analyse de jurisprudences et de cas concrets pour clarifier cette notion définie comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

Judith RAFFY

Me Judith RAFFY, avocate à la Cour, spécialiste en droit du dommage corporel © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

D’origine jurisprudentielle, la notion de perte de chance a d’abord été introduite par le juge judiciaire (arrêt de la chambre des requêtes du 17 juillet 1889), puis par le juge administratif[1]. Elle se définit comme la « disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable »[2].

La notion de perte de chance a vocation à s’appliquer lorsque l’accident médical (fautif ou non) fait perdre au patient la chance de bénéficier de soins adéquats et aboutit à un préjudice corporel (y compris au décès).

Il s’agit d’une perte de chance pour la victime de voir son état de santé s’améliorer ou ne pas s’aggraver, du fait d’un retard dans sa prise en charge, d’un défaut de diagnostic, de la survenue d’une infection nosocomiale ou d’un aléa thérapeutique.

Le préjudice indemnisé n’est pas l’état de santé dégradé dans son ensemble, mais la perte de chance de guérison ou de survie. L’indemnisation de cette perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudices subis.

Nous illustrerons ici, par une jurisprudence récente de la Cour de cassation, et par deux dossiers du cabinet, cette notion complexe mais passionnante.

Une erreur médicale sans perte de chance

La perte de chance peut tout d’abord s’appliquer aux accidents médicaux fautifs, lorsque l’erreur médicale a fait perdre une chance au patient de guérir, de survivre, de moins souffrir ou de souffrir moins longtemps. Cette perte de chance doit pouvoir être rattachée par un lien direct et certain à un manquement fautif. Dans un arrêt du 29 mars 2023[3], la Cour de cassation a rappelé qu’une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable.

La perte de chance doit pouvoir être rattachée par un lien direct et certain à un manquement fautif

En l’espèce, une patiente a réalisé en 2010 une mammographie ne révélant pas de lésion. Un an plus tard, la patiente découvre par autopalpation un nodule au sein droit : un bilan est réalisé et met en évidence l’existence d’une tumeur cancéreuse. La patiente bénéficie d’une chimiothérapie puis d’une mastectomie.

C’est dans ce contexte qu’elle met en c…

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