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Coronavirus : Peut-on invoquer la Force Majeure ?

Beaucoup d’entre vous s’interrogent sur l’exécution de leurs obligations contractuelles comme sur celles de leurs partenaires alors que l’activité des entreprises est nécessairement impactée par la crise sanitaire que nous traversons. Les chefs d’entreprise doivent avoir une certaine visibilité sur les différents moyens que le droit des affaires permet aux parties à un contrat de mettre en œuvre face à une telle situation. C’est aussi l’occasion de clarifier certains points et d’anticiper les questions que le juge devra trancher à défaut d’accord entre les parties.

1/ La force majeure

À l’issue d’une réunion avec les partenaires sociaux, Bruno Le Maire a déclaré le 28 février : « Le coronavirus covid-19 sera considéré comme un cas de force majeure pour les entreprises ». Le ministre de l’Économie et des Finances entendait par là annoncer aux entreprises titulaires de marchés publics de l’État qu’elles ne se verront pas appliquer de pénalité en cas de retard. D’aucuns ont attribué à cette déclaration une portée qu’elle n’a pas : l’épidémie de covid-19 ne peut être invoquée de façon générale comme un événement constitutif de force majeure. L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars dite Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance, « dans un délai de trois mois (…) toute mesure (…) modifiant, dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs (…), notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties, (…) ».

Parmi les nombreux textes adoptés en urgence par le Gouvernement depuis la promulgation de cette loi, seules deux ordonnances visent la force majeure.

– L’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure qui se contente de reprendre simplement l’expression dans son titre sans préciser que l’épidémie de covid-19 est un événement constitutif de force majeure.

– L’ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics qui prévoit explicitement que « les mesures de restriction de circulation et de confinement décidées par le Gouvernement à compter du 12 mars 2020 ainsi que l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 sont constitutifs d’une circonstance de la force majeure » au sens de la loi de finances de 1963, laquelle exclut la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en cas de force majeure.

Ainsi, il faut donc à ce jour raisonner avec le droit des contrats existant avant l’état d’urgence sanitaire. Depuis la réforme de 2016, la force majeure est ainsi définie par l’article 1218 du Code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et…

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