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Une prime à l’embauche pour garder vos salariés

CHRONIQUE : Proposer une prime à l’embauche peut être un important levier de recrutement ou de fidélisation des salariés. Mais les entreprises ont tout intérêt à se pencher sur les modalités leur permettant d’octroyer ces avantages exceptionnels à l’embauche et les moyens de sécuriser ce versement. Décryptage.

prime à l'embauche, Elissaveta PETKOVA

Elissaveta PETKOVA, avocat, directrice du département Droit social, cabinet Lexymore © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Les entreprises, quel que soit le secteur d’activité, doivent de plus en plus faire face à des difficultés importantes de recrutement. Des postes restent parfois non pourvus mettant en danger la pérennité de l’entreprise. Elles doivent également faire face à des difficultés pour fidéliser leurs salariés dans des secteurs d’activité concurrentiels, le turn-over est très important. Elles doivent donc faire preuve d’imagination et trouver des solutions pour attirer les salariés, mais aussi pour s’assurer que leurs efforts n’auront pas été vains. En effet, le versement de primes à l’embauche sans aucune condition peut aussi être sans effet, si le salarié la quitte rapidement après avoir bénéficié de cet avantage. Les entreprises ont donc tout intérêt à se pencher sur les modalités leur permettant d’octroyer des avantages exceptionnels à l’embauche et les moyens de sécuriser ce versement. Plusieurs options sont possibles :

PRIME EXCEPTIONNELLE POUR S’ASSURER QUE LE SALARIÉ OCCUPERA LE POSTE :

Dans ce cas, l’entreprise peut repérer des candidats potentiels en cours de formation et leur proposer de financer une partie de celle-ci ou leur offrir une bourse d’études. L’étudiant peut ainsi bénéficier d’une aide financière immédiate pendant une période durant laquelle il a besoin de soutien financier est important dans ce cas de formaliser l’engagement réciproque des parties. L’employeur verse une aide financière, mais en contrepartie l’étudiant s’engage à rejoindre plus tard l’entreprise et à y rester pendant une certaine durée. Le contrat qu’ils vont signer devra expressément prévoir que les deux parties s’engagent à conclure un contrat de travail dans un délai déterminé. Dans ce futur contrat de travail, il faudra aussi prévoir les conséquences si le salarié ne reste pas dans l’entreprise pendant une durée minimale, permettant de rentabiliser l’investissement de l’entreprise. Pour se protéger celle-ci devra impérativement prévoir les conséquences si l’étudiant ne respecte pas son engagement. S’il ne vient pas travailler dans l’entreprise, il devra rembourser l’intégralité de l’aide financière dont il a bénéficié. En revanche s’il occupe bien le poste promis, mais n’y reste pas pendant la durée convenue, les modalités d’un remboursement partiel et progressif de l’aide financière devront être prévues au contrat de travail.

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PRIME EXCEPTIONNELLE À L’EMBAUCHE POUR S’ASSURER QUE LE SALARIÉ RESTERA PENDANT UNE DURÉE MINIMALE SUR LE POSTE DE TRAVAIL :

Communément appelée prime de « golden hello » et réservée plutôt à des milieux financiers ou à des postes de cadres dirigeants ou cadres supérieurs, cette pratique est désormais très répandue compte tenu des difficultés de recrutement. Par ailleurs un arrêt récent de la Cour de cassation du 11 mai 2023 n° 21-25.136 valide expressément la possibilité de demander au salarié qui ne respecte pas son engagement un remboursement proportionnel à la durée de présence dans l’entreprise avant son départ.

Par la même occasion, la Cour de cassation valide donc expressément la possibilité de soumettre le bénéfice final de cette prime exceptionnelle d’arrivée à la fidélité du salarié pendant une certaine durée, sans que cela ne porte une atteinte injustifiée disproportionnée à la liberté du travail. En l’espèce, la société avait embauché un salarié en qualité d’opérateur sur les marchés financiers, son contrat de travail prévoyait une prime initiale de 150 000 euros. Il était convenu que si le salarié démissionnait il ne pourrait conserver que 1/36e de la prime d’arrivée pour chaque mois complet de travail après la date de commencement du contrat de travail. Il était convenu aussi que le solde de la prime initiale serait remboursable à la société à la date de rupture du contrat de travail. Le salarié ayant démissionné avant l’échéance des deux ans, la société lui a donc réclamé avec succès le remboursement d’une somme correspondant au prorata de la durée qu’il lui restait encore à respecter. Cette validation expresse et récente peut donc inciter les entreprises à prévoir avec des sommes certainement bien moins importantes des avantages à l’embauche pour se distinguer de la concurrence tout en préservant leurs intérêts.

Il est nécessaire de formaliser expressément le versement de cette prime et son objectif dans le contrat de travail

QUELLES SONT LES PRÉCAUTIONS DE RÉDACTION DE CONTRAT DE TRAVAIL ?

Il est tout d’abord nécessaire de formaliser expressément le versement de cette prime et son objectif dans le contrat de travail. Ensuite, es modalités de remboursement en cas de départ anticipé doivent également être détaillées. Il est possible de prévoir un remboursement strictement proportionnel à la durée de présence du salarié dans l’entreprise qu’il n’aura pas respectée. Il est également possible de prévoir une indemnité forfaitaire fixe en cas de non-respect de rester jusqu’au bout de la durée d’engagement. Cependant, dans ce cas, selon la date à laquelle il partira, cette clause pourra être interprétée comme une clause pénale que le juge en cas de contentieux pourra moduler s’il estime qu’elle est disproportionnée.

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QUELS MODES DE RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL PEUVENT ÊTRE CONCERNÉS PAR LE REMBOURSEMENT DE LA PRIME VERSÉE ?

Tous les départs à l’initiative du salarié (démission, départ volontaire à la retraite) seront nécessairement concernés. En revanche, en ce qui concerne les ruptures à l’initiative de l’employeur (que ce soit licenciement pour faute, inaptitude, licenciement économique, voire prise d’acte de la part du salarié mais aux torts de l’employeur), il existe une incertitude. La jurisprudence s’est déjà prononcée concernant les clauses de dédit-formation. Il s’agit de la clause qui prévoit le financement par l’employeur d’une formation et l’engagement du salarié à rembourser partiellement cette formation s’il quitte l’entreprise avant une date convenue. Selon la Cour de cassation, la clause n’est pas applicable en cas de rupture à l’initiative de l’employeur. (Cass. soc., 10 mai 2012 n° 11-10.571) Par analogie il conviendrait d’appliquer la même solution à la clause prévoyant une prime exceptionnelle d’arrivée. Cependant dans ce cas le salarié par son comportement (provocation, abandon de poste) pourrait imposer à l’employeur une rupture de son initiative qui ne le priverait pas du versement de la prime. Enfin, pour les entreprises qui souhaiteraient avoir recours à ce type de levier il conviendrait également de vérifier si elles respectent les principes en matière d’égalité de traitement.

EST-CE QUE L’EMPLOYEUR DOIT VERSER UNE PRIME EXCEPTIONNELLE À L’EMBAUCHE POUR TOUS SES RECRUTEMENTS ?

En principe l’employeur ne doit pas traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l’avantage en cause. (Cass. soc., 13 septembre 2012 n° 11-22.414) Pour ne pas être accusé d’inégalité de traitement, si cette prime exceptionnelle de bienvenue n’est accordée qu’à certains profils de salariés, il serait opportun de se ménager des preuves des difficultés de recrutement auxquelles l’entreprise a été confrontée. En effet, il a pu être retenu dans la jurisprudence que la pénurie de main-d’œuvre ou l’urgence dans laquelle l’entreprise devait recruter pouvaient justifier une différence de traitement et l’octroi d’avantages exceptionnels au candidat ainsi embauché. Pour pouvoir le justifier, l’entreprise pourrait garder des traces des annonces d’emploi restées sans réponse ou du caractère urgent de l’embauche à laquelle elle devait procéder. Dans ces conditions, elle pourrait se mettre à l’abri et ne pas devoir généraliser de telles primes exceptionnelles à n’importe quelle embauche dans l’entreprise. En conclusion, cet arrêt récent de la Cour de cassation incite les entreprises à continuer ces pratiques désormais clairement validées par la jurisprudence. En revanche, la rédaction des contrats de travail devra être très précise et respecter le cadre exigé par la jurisprudence, pour ne pas avoir de mauvaises surprises lors du départ anticipé du salarié.

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