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[ Tendances Vins ] La première appellation viticole d’Europe

Un vin prospère suscite la convoitise des voisins. Il doit protéger sa réputation et lutter contre la fraude. Tel fut le départ des premières classifications viticoles en Europe. Qui fut le premier ? La compétition est ouverte…

vin vignoble

Portugal © Shutterstock

De passage à Porto cet été, j’ai eu le bonheur de sillonner, depuis le fleuve, la vallée du Douro et son vertigineux vignoble en terrasses. Durant la croisière, il nous a été maintes fois rapporté que le vignoble de Porto était la première appellation d’origine européenne. Je me souvenais alors avoir entendu le même son de cloche lors de mon premier voyage d’étude à Tokaj. Quant aux Toscans, énoncer un autre nom que Chianti pour ce titre, vous vaudrait un sourire moqueur. Voilà donc 3 régions viticoles européennes, toutes trois classées au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, qui revendiquent la première réglementation pour la production d’un vin. Qui a donc raison ?

3 régions classées revendiquent la première réglementation

Si bataille il y a, les trois régions se rejoignent néanmoins sur un point commun, à savoir la lutte contre la fraude. L’objectif des 3 plus anciennes classifications européennes fut au départ de protéger la réputation d’un vin prospère, qui nécessairement suscitait la convoitise des voisins.

LA TOSCANE…

Si l’on se base uniquement sur la date, aucun doute, c’est à Chianti en Toscane que revient le titre de première tentative de régulation.

Par un édit publié en 1716, Cosme III de Médicis, grand duc de Toscane, délivre à Chianti sa première reconnaissance officielle. Il s’agit du premier document légal au monde à définir une zone de production de vin.

Cet édit indique que la dénomination « chianti » ne peut être utilisée que par les producteurs des villages appartenant à la ligue, ainsi que la commune de Greve et ses environs. Ces territoires seraient les plus adaptés à la production de raisin de cuve (raisin propice à élaborer du vin) de la région.

Mais voilà, il s’agit d’un simple édit. À partir du début du XXe siècle, en l’absence de lois protégeant l’appellation, on commence à produire du Chianti en dehors des limites géographiques du territoire, un peu partout en Toscane.

Il faut attendre 1924 pour qu’un consortium pour la défense du vin typique du Chianti soit créé. Dès lors, les zones délimitées comme « historiques » porteront le nom de Chianti Classico tandis que les villages et les collines environnantes produiront des vins portant la simple mention Chianti, éventuellement suivie du nom d’un village ou de la colline ou sont plantées les vignes.

Toscane

Toscane © Shutterstock

LA HONGRIE…

Une autre région revendique le titre, la région de Tokaj en Hongrie, célèbre pour ses fameux vins liquoreux.

Là encore, « le vin des rois, le roi des vins », comme le surnomma Louis XIV, connut un succès remarquable à travers le monde et fut longtemps considéré comme le vin des monarques. La mention Tokaj était si vendeuse, que l’on retrouvait le nom de la région accolé à 19 appellations à travers le monde. Comme en France, où le terme de Tokaj fut ajouté au nom du cépage Pinot Gris jusqu’en 2007.

C’est donc par un premier décret royal publié en 1737 que Tokaj voit son aire de production délimitée. Mais à la différence de Chianti, la Hongrie va continuer de renforcer son arsenal juridique tout au long du XVIIIe siècle. En 1772, un système de classification des vins, fondé sur la richesse en sucre des raisins est mis en place. Le premier système de classification des vignobles du monde est ainsi créé.

Il répertorie les crus propices à produire les meilleurs vins. C’est « quelque part » le même principe qui s’appliquera plus tard en Bourgogne avec le classement des meilleurs « climats » en 1er Crus et Grands Crus.

Dans la foulée, Tokaj initie le premier réel cadastre viticole en 1786. Selon F. Bianchi de Aguilar, ancien président de l’OIV (Organisation Internationale du Vin), il s’agit du premier cas où des normes furent réellement établies.

Le succès aidant, des vins frauduleux apparaissent

OU LE PORTUGAL ?

Que reste-t-il donc à nos amis Portugais pour argumenter leur position ?

Revenons à Louis XIV ou plutôt à son ministre des Finances. En 1667, Colbert, « un tantinet » susceptible dès qu’on lui parle des Britanniques, engage à leur encontre des mesures protectionnistes. En représailles, l’Angleterre augmente ses frais de douanes puis finit par interdire l’importation des vins français. Les négociants anglais en vin se retrouvent privés d’approvisionnement et lorgnent alors du coté du Portugal.

Les vins amples et corsés, issus de la région chaude et aride du Haut Douro, où le porto s’élabore encore de nos jours, séduisent les Britanniques.

Les premières expéditions de vins connus sous le nom de porto sont attestées en 1678. Pour les protéger durant leur longue traversée de l’Atlantique, les vins sont parfois « fortifiés » avant expédition. On y ajoute une petite quantité d’eau de vie, ou brandy, qui augmente la teneur en alcool. Voilà comment le plus célèbre des vins mutés fut créé.

Mais le succès aidant, des vins frauduleux apparaissent et font baisser les cours. En réponse, le marquis de Pombal, homme politique portugais, fonde en 1756 la Compagnie Générale des Vignes du Haut Douro.

La région productrice est balisée par 335 bornes de granit portant la désignation de la « factorerie », accordée exclusivement aux meilleurs vins, seuls à pouvoir être exportés en Angleterre.

La compagnie est la seule habilitée à fixer les prix de vente et la qualité des vins de Porto. Elle s’implique clairement dans un équilibre entre la production et le commerce et en stabilisant les prix.

La responsabilité de la Compagnie va donc pour la première fois, au-delà d’un simple cadastre foncier.

Maintenant, à vous de désigner votre « champion » !

https://www.lesvinsdevoiles.com/

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