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Votre blockchain vous la préférez publique ou privée ?

La technologie des chaînes de bloc, dite « blockchain », est bien plus diverse qu’on ne le pense au premier abord. Les modèles les plus connus, Bitcoin, Ethereum ou Ripple, sont des blockchains dites « publiques » auxquelles sont attachées des crypto-monnaies.

La technologie des chaînes de bloc, dite « blockchain », est bien plus diverse qu’on ne le pense au premier abord. Les modèles les plus connus, Bitcoin, Ethereum ou Ripple, sont des blockchains dites « publiques » auxquelles sont attachées des crypto-monnaies. Mais se sont développées depuis des blockchains un peu différentes dite « privées » ou « de consortium » qu’utilisent par exemple des regroupements d’entreprises. Les deux modèles ne s’opposent pas mais présentent des modes de fonctionnement et des intérêts différents. 

Dans notre Épisode 1 (EJG n° 6690 du 21/02/2020), nous vous faisions part du système de validation des blocks dans les blockchains publiques : le minage, qui consiste à mettre en œuvre une puissance de calcul informatique importante pour être le premier à résoudre un casse-tête mathématique. Ce système, appelé « Proof-of-Work », a l’avantage de rendre très difficile la corruption d’un bloc a posteriori, puisque le casse-tête devra à nouveau être résolu pour le bloc modifié et pour tous les blocs validés entre temps. Il oriente également les puissances de calcul vers la validation des blocs plutôt que leur corruption. Car, et c’est là le cœur du système, le minage est rémunéré, dans la crypto-monnaie portée par la blockchain en question. Actuellement, le prix d’un bloc validé sur la blockchain Bitcoin est rémunéré par la création de 12,5 bitcoins (BTC), soit au cours de clôture du 11 mars 2020 (7 068,95 EUR/BTC), la modique somme de 88 361 €. Ne vous affolez pas, pour obtenir la puissance nécessaire pour valider un bloc, il faut réunir une si grande puissance informatique, que ce sont désormais des regroupements de milliers de membres qui s’unissent pour espérer décrocher le gros lot. L’un des plus gros pools au monde, Poolin, basé en Chine, agrège plus de 650 000 mineurs…  

Parallèlement, l’utilisation des blockchains publiques est payante : si vous souhaitez inscrire une information dans les registres de Bitcoin, vous devez régler des frais dont le montant, en bitcoin (ou plutôt en fraction de bitcoin appelé satoshi), varie dans le temps selon divers paramètres avec une moyenne récemment autour de 1 € / transaction. Ce système de rémunération participe au bon fonctionnement de la blockchain et garantit sa pérennité. Pour autant, ce modèle présente des inconvénients non négligeables, à commencer par la lenteur des transactions. Le système Bitcoin est bâti pour valider 1 block de 1 Mo toutes les dix minutes. On est loin de la transaction instantanée. Le minage consomme de plus une importante quantité d’énergie, ce qui n’est plus en phase avec les problématiques climatiques du moment.

Par ailleurs, la blockchain publique est ouverte à tous, en écriture (chacun peut y ajouter l’information qu’il souhaite), comme en lecture (chacun peut lire l’information ajoutée par un autre). Les transactions de bitcoins par exemple, inscrites dans la blockchain, sont ainsi tout à fait transparentes, l’identité des débiteurs et créanciers étant dissimulée derrière des numéros de portefeuilles anonymes.

Cela a deux conséquences :

  • vous ne pouvez pas placer dans une blockchain publique une information que vous souhaitez garder confidentielle ; seule une empreinte de cette information peut être déposée, rendant plus compliquée la preuve de son dépôt ;
  • les déposants étant tous anonymes, la preuve de leur identité est là aussi plus difficile à apporter.

Or, dans un grand nombre de cas,
l’intérêt de la blockchain est précisément de se ménager une preuve de l’information déposée et de l’identité du déposant. C’est à ces problématiques que répondent les blockchains dites privées ou de consortium. Un certain nombre d’entreprises se mettent d’accord pour suivre en commun des données intéressant leur communauté. Par exemple, des producteurs de matières premières, des transformateurs et des fabricants de produits finis souhaitent suivre la traçabilité des étapes de la fabrication d’un produit final. Les informations peuvent être partagées en clair et les identités de chacun des déposants permettront, par exemple, de remonter un problème de qualité à la bonne personne. Par ailleurs, chaque participant autorisé peut recevoir des attributions spécifiques : un service pourra enregistrer telle information mais pas telle autre, un autre pourra valider telle transaction… Le modèle permet une organisation et une hiérarchie de l’information bien plus efficace que sur une blockchain publique. Bien sûr, comme il n’y a pas de crypto-monnaie sous-jacente dans ce type de blockchain, ce sont les participants au consortium qui participent directement aux coûts de mise en œuvre de la blockchain. L’enjeu alors est d’avoir suffisamment de participants, de nœuds, d’hébergements différents, pour éviter que la blockchain puisse être corrompue par l’un des acteurs (partenaire du consortium ou hébergeur) qui aurait la main sur plus de 50 % des machines participantes.

Alors, entre anonymat et preuve d’identité, entre empreinte cryptée et information en clair, entre accès à tous et accès réservé, celui qui veut utiliser la technologie de la blockchain a le choix des armes selon ses objectifs et surtout le cas d’utilisation dans lequel il se trouve. À cela s’ajoute la possibilité ou non d’utiliser les fameux « smart contracts » dont tout le monde parle. Mais ceci est une autre histoire. La suite au prochain épisode…

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