Couverture du journal du 16/10/2024 Le nouveau magazine

Barreau de Bordeaux : l’esprit d’équipe

Élus en juin dernier avec 87 % des suffrages exprimés, la bâtonnière Caroline Laveissière et le vice-bâtonnier Jérôme Delas ont été plébiscités par leurs consœurs et confrères. Genèse de leur binôme, programme et rendez-vous de l’année 2024, ils font le point sur leur bâtonnat qui débute.

Jérôme Delas, Caroline Laveissière

Jérôme Delas, vice-bâtonnier et Caroline Laveissière, bâtonnière © Louis Piquemil - Échos Judiciaires Girondins

Engagement

Tous deux réélus au Conseil de l’Ordre, Caroline Laveissière et Jérôme Delas ont décidé de présenter leur candidature pour le bâtonnat en 2022. « J’avais envie de porter un nouveau projet », confie Caroline Laveissière. « J’ai été sensible au très grand engagement de Jérôme Delas ». Il assumait alors la fonction de directeur du pôle territoires au sein du Conseil. Elle apprécie aussi le fait qu’il est « systématiquement ressource », créateur de solutions face aux difficultés : « J’avais très envie qu’on coconstruise un projet pour notre Barreau, avec des idées enthousiasmantes, en phase avec les nouveaux défis de notre profession ou plus transversaux, des réflexions pour la structuration de notre Ordre pour offrir le meilleur service à nos confrères et aux justiciables ».

Après ces discussions, leur engagement commun devient une évidence. « Moi, j’ai été séduit par le pragmatisme de Caroline quand elle a été vice-bâtonnier, rebondit Jérôme Delas, par l’agilité de sa réflexion et sa capacité à se projeter. Avec Christophe Bayle, ils n’ont pas été les témoins mais les acteurs de leur mandature. Pour moi c’est fondamental. »

Bio express

Caroline Laveissière a prêté serment en 2008. Spécialisée en droit public, elle exerce dans un cabinet individuel avec 3 collaborateurs. Son engagement ordinal date de plusieurs années : elle a été vice-bâtonnier auprès de Christophe Bayle de 2020 à 2022. Jérôme Delas a, lui, prêté serment en 2004. Spécialisé en droit social, il exerce en cabinet individuel avec 2 collaborateurs. « Mon engagement ordinal a débuté avec l’appel d’air de la candidature de Christophe Bayle et Caroline Laveissière, a-t-il déclaré, je me projetais dans leur parcours et l’image qu’ils renvoyaient du Barreau. Je me suis présenté en 2020. » Il est également administrateur de la CARPA (Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats) depuis 2021.

La force du collectif

« On se retrouve sur le collectif : le fait d’être deux est une force inouïe, nous avons une équipe ordinale, tout un Barreau qui nous suit, et nous sommes deux à coordonner. On recherche cette proximité. » Les bâtonniers ont visité de nombreux cabinets d’avocat et privilégié une équipe intragénérationnelle : « De très jeunes confrères mais aussi des avocats honoraires, quelles que soient les sensibilités, se sont présentés spontanément en nous disant : nous sommes forces de proposition. Ça nous a pris beaucoup de temps et d’énergie, mais ça a été très revigorant et dynamisant ».

Élus avec 1 328 voix sur 1 523 suffrages exprimés (le Barreau compte 2 100 avocats), les bâtonniers se disent très satisfaits par ce score. Ils apprécient avant tout « la démonstration qu’on a peut-être réussi à fédérer et à avoir une ambition collective. On a réussi à faire adhérer notre Barreau à des projets. Ça correspond à notre idée première : la force du collectif ».

Au Palais

« Nous continuerons de travailler dans nos cabinets pour au moins deux raisons », indique Caroline Laveissière, « nos confrères avec qui nous collaborons n’ont pas à porter la charge de notre engagement. Nous avons 15 et 20 ans de barre, et il est hors de question, vis-à-vis de nos clients, de ne pas travailler dans nos cabinets. » Cette organisation repose sur leur engagement : « c’est notre choix », mais il est hors de question pour eux d’être « hors-sol, déconnectés ». « Nous continuons à plaider, à croiser nos confrères en audience dans nos juridictions respectives, à conclure », continue-t-elle. « On n’est pas dans une tour d’ivoire. »

Face à la charge de travail, il y a aussi le Conseil de l’ordre avec 24 membres, un représentant jeune Barreau, une commission jeune Barreau, beaucoup de délégataires qui permettent un travail quotidien. « On se réunit tous les 15 jours sur de grands débats mais leur mission est quotidienne. C’est un vrai engagement pour eux aussi », insiste la bâtonnière.

Barreau pluriel

« On veut représenter un barreau pluriel. La profession, depuis une trentaine d’années, est une profession plurielle dans laquelle on a un barreau traditionnel (75 %) et un barreau affairiste (25 %) », soutient Caroline Laveissière. « Sans oublier notre ADN, celui de la défense pénale d’urgence, qui assure la défense des justiciables les plus vulnérables. On a tout un tas de projets à développer, sur l’accès aux droits, qui se font grâce à l’engagement des confrères. »

Il y a en effet 600 permanenciers à Bordeaux, soit 80 permanents par jour. Le binôme voudrait mettre en avant des droits méconnus : « on a une très grande technicité en droit aérien, droit de l’environnement, en droit viti vini. Il faut les mettre en valeur », continue Jérôme Delas.

On veut représenter un barreau pluriel

Conseil de l’Ordre

Les bâtonniers Caroline Laveissière et Jérôme Delas entourés des membres du Conseil de l’Ordre © DR

Sens de la profession

Une des priorités du bâtonnat concerne l’attractivité de la profession, une thématique portée également par Julie Couturier, présidente du CNB (Conseil National des Barreaux). « Il est nécessaire que notre profession reste attractive, qu’elle soit bien comprise dans sa pluralité et toutes ses possibilités par les étudiants en droit », défendent les bâtonniers. « C’est une profession de liberté qui permet une diversité de domaines d’activité et de modes d’exercice. » La profession connaît toujours un nombre élevé de départs avant 5 ans de barre. « On n’est pas dogmatiques mais si quitter la profession est un signe de désaffection, il faut s’interroger sur la quête de sens », reconnaît Jérôme Delas.

Une partie du barreau rencontre aussi des difficultés économiques. « Il y a un accompagnement sur l’entrepreneuriat qui doit être complémentaire au bien-être au travail. Il faut que le modèle économique du cabinet soit adapté aux choix personnels de chacun. C’est l’équilibre entre l’économique et le sens qui va faire qu’on arrive à exercer de manière heureuse. »

Acteurs économiques

Dès leur arrivée, les deux bâtonniers ont commencé à travailler à leurs grands chantiers : « Il y a un sujet que nous avions envisagé avec Christophe Bayle, note Me Laveissière, mais que l’on n’a pas pu porter durant cette période de Covid, c’est le fonds de dotation du Barreau pour un projet solidaire ». Le thème, qui n’aura pas forcément de lien avec la profession d’avocat, sera choisi par le conseil de l’Ordre. Le fonds devrait être créé en 2024, avec une soirée de solidarité prévue pour 2025.

Autre grand projet, ils souhaitent asseoir le développement économique des cabinets. « L’avocat est perçu comme un militant dans l’accès aux droits, remarque Jérôme Delas, il faut démontrer qu’on est aussi des acteurs économiques incontournables et que nous participons au développement économique de la cité, en accompagnant les entreprises pour qu’elles se structurent, se développent et se sécurisent. C’est le deuxième pilier de ce qu’est la profession d’avocat. »

Business à l’export

Les bâtonniers souhaitent conserver leur tradition de réflexion notamment par le biais d’événements, de colloques, de journées d’étude, souvent ouverts au public : « On a l’ambition de toucher le grand public par une communication différente, plus agile, sur d’autres formats ». Des rencontres qui pourraient se faire sous forme d’agora, de café avec en projet une manifestation : « Bordeaux place de droit » en 2025.

De la même manière, ils souhaitent organiser un événement ouvert au grand public pour accompagner les entreprises à l’export. « On va organiser ça au mois de juin avec la DBF (Délégation des Barreaux de France), l’institut du droit européen, des magistrats, des avocats. On va essayer de communiquer auprès des entreprises, avec les leviers économiques en lien. Cela nécessitera que nous soyons en relation avec les clubs d’affaires, nos partenaires habituels, avec les établissements bancaires, pour les mettre en relation et développer un business à l’export », détaille Jérôme Delas.

On reste pragmatique sur l’I.A.

Nautisme et French Tech

Autre ambition : développer et améliorer la présence des avocats sur des événements locaux tels que le salon nautique d’Arcachon : « C’est une présence inattendue pour le Barreau mais centrale et qui a beaucoup de résonance auprès du grand public estime Jérôme Delas. Ça permet de développer des domaines en droit maritime, en occupation de domaine public, et on a un volet à l’attention du grand public pour montrer la présence de l’avocat auprès des acteurs économiques et des justiciables. »

Autre projet : « On pourrait être présents sur la French Tech, suggère-t-il. Nous avons des ressources de confrères qui savent ce que c’est qu’accompagner des start-ups, ce qu’est la fiscalité des entreprises, et le travail à l’export. Or l’écosystème bordelais c’est ça ! ».

L’incubateur augmenté

Côté innovation, l’incubateur fonctionne toujours, avec un certain nombre de partenariats, notamment l’ENM. « On va augmenter la réflexion avec une commission prospective qui va avoir des réflexions croisées, indique Caroline Laveissière. On veut faire des propositions concrètes et pragmatiques. Ça demande beaucoup de ressources statistiques, des confrères qui s’investissent, des discussions avec d’autres partenaires qui s’intéressent à d’autres modalités d’innovation plutôt que d’incuber des legaltech. Le grand défi, ça va être de réfléchir à la manière dont on s’approprie l’intelligence artificielle. On n’a ni crainte, ni enthousiasme démesuré, on reste pragmatique sur l’I.A. Il faut être acteur plutôt que de subir. »

Cette commission prospective aura pour but de réfléchir à ces questions, et peut-être de créer un cycle de formations, de susciter des vocations dans le cadre d’activités commerciales. « L’incubateur fait toujours partie de la feuille de route ordinale mais dans un champ un peu plus vaste de réflexion. »

Interprofessionnalité

« On a de nombreux projets à proposer dans l’interprofessionnalité aux magistrats, aux notaires, aux huissiers, aux experts-comptables, aux commissaires aux comptes, aux architectes, à l’université…, soulignent les bâtonniers. Notre ambition c’est de conserver l’ouverture du Barreau, le dialogue, et pas seulement avec les professions juridiques. »

Les opérations lancées avec le centre pénitentiaire de Gradignan seront également reconduites : « D’autant que ça a pris son origine en 2021 sous notre mandat avec Christophe Bayle, précise Caroline Laveissière. Nous allons répéter le concours d’éloquence de la conférence. Ce sont des moments d’humanité incroyable. On va également poursuivre avec l’Opéra, peut-être sous un autre angle, en privilégiant la voix plutôt que la danse… et on poursuivra également notre surveillance sur les conditions de détention ».

 

Les rendez-vous de 2024

L’année 2024 sera riche de rendez-vous : Bordeaux va accueillir les Assises des mineurs. « Tous les avocats du CRIC (le centre de recherche d’information et de consultation sur les droits de l’enfant), spécialisés en droit des mineurs, seront à Bordeaux à l’automne 2024, avec nos partenaires, des magistrats, des greffes pour toute une réflexion sur la protection des mineurs. »

La Ligue des Droits de l’homme va fêter ses 120 ans : « Le Barreau sera en soutien car ça a une résonance particulière pour nous ».

La Conférence du Barreau de Bordeaux va fêter ses 200 ans. « C’est un événement qui permet à des jeunes de se dépasser, mais aussi de montrer ce que la prise de parole, l’éloquence peuvent apporter dans une vie », souligne la bâtonnière.

La Conférence Nationale du Grand Serment aura, elle, lieu en novembre. « On devrait coconstruire ça avec l’Opéra. On aura sûrement un très beau moment avec les plus jeunes et brillants orateurs de France qui vont s’affronter, ça donne une image de dépassement de soi qui peut trouver un écho auprès du grand public », résume-t-elle.

Les membres du Conseil de l’Ordre :

Caroline Laveissière ; Jérôme Delas ; Anne Cadiot-Feidt ; Philippe Lafaye ; Marie-Isabelle Teilleux ; Christine Maze ; Béatrice Ceccaldi ; Julie Amigues ; Pascal-Henri Moreau ; Stéphane Guitard ; Christophe Bayle ; Pierre Fonrouge ; Pierre Ravaut ; Mathieu Gibaud ; Sylvie Bourdens ; Arnaud Pilloix ; Nicolas Weissenbacher ; Marie Tastet ; Audrey Teani ; Florent Verdier ; Solène Penisson ; Marine Leonard ; Delphine Meaude ; Clément Bourie ; Thibault Saint-Martin ; Camille Mogan.