C’est une invitation à plonger. Plonger au plus profond des mers et des océans. Dans une ambiance aquatique, bercée par le chant des baleines et celui des sons sous-marins, on plonge dans les grands formats du globe-trotteur photographe Rodolphe Guignard. C’est aussi une histoire de rencontres. Celle d’une Normande – l’emblématique ex-top model Estelle Lefébure – et d’une Marseillaise – la plongeuse Géraldine Parodi – passionnées du grand bleu. C’est enfin la consécration d’un lieu, le Musée Mer Marine créé par Norbert Fradin, dont l’étage « Planète Océan » est dédié à l’exposition « Les yeux dans le bleu ».
EXPO MILITANTE
D’abord l’histoire de la rencontre. C’est donc celle d’Estelle Lefébure, mannequin connue et reconnue, engagée depuis plusieurs années dans la protection des fonds sous-marins, et de Géraldine Parodi, plongeuse, archéologue et scaphandrière. Ensemble, elles ont créé en 2019 l’association Spero Mare « La mer est notre avenir » dédiée à la protection et à la sauvegarde de la faune et la flore sous-marines. Son rôle est également de sensibiliser – en particulier les jeunes générations – à l’avenir de notre planète, de partager des connaissances et d’encadrer des actions concrètes.
Ensemble, elles ont plongé, admiré les richesses sous-marines mais aussi constaté à quelle vitesse se détériore la biodiversité
Ensemble, elles ont plongé, admiré les richesses sous-marines, mais aussi constaté à quelle vitesse se détériore la biodiversité marine. « Je suis témoin de cette beauté mais aussi de cette catastrophe », s’émeut Géraldine Parodi, « on plonge parfois dans des hydrocarbures ! ». « Chaque espèce est gardienne de cet équilibre. Il est urgent de changer de comportement », renchérit Estelle Lefébure. C’est elle qui a remarqué les photos de Rodolphe Guignard sur Instagram et qui s’est abonnée à son compte. Un message, une rencontre, et l’envie de lancer un projet commun germe dans les esprits. « Nous nous sommes inscrits dans une double démarche », note Rodolphe, « à la fois une exposition photos pour montrer la richesse et la beauté des fonds sous-marins, mais aussi un acte militant, pour les préserver. » Les fondatrices de Spero Mare ont d’ailleurs indiqué qu’elles vont s’investir dans « des actions non prévues et ciblées » dans ce but.
LA LARME DU BALEINEAU
L’exposition des clichés de Rodolphe Guignard nous invite à plonger, et à le suivre dans ses multiples voyages d’Oman au Caire, en passant par la Papouasie Nouvelle-Guinée, ou encore la République dominicaine.
« Il faut être très patient pour trouver la bonne photo » témoigne-t-il, « la découverte des fonds sous-marins est avant tout une aventure. ». Parti 10 jours en Norvège à la poursuite des orques, il ne ramènera qu’un seul cliché… mais n’en éprouve pour autant aucune frustration, c’est la règle du jeu. Sur ces photographies, tout en grands formats et couleurs vives, on découvre poissons, crustacés, céphalopodes, cétacés et coraux. Pourtant, Rodolphe ne retravaille pas ses couleurs, à peine se contente-t-il de les éclairer. Dans les fonds bleu marine ou turquoise, on trouve différentes espèces, de l’extrêmement petit, comme ce minuscule hippocampe pygmée, de la taille d’un grain de riz, qui a pris la couleur du corail sur lequel il s’est accroché. Il y côtoie l’extrêmement grand, comme le baleineau qui fixe l’objectif de l’appareil photo avec curiosité : « il m’a aperçu et a nagé spontanément vers moi. Je n’oublierai jamais son regard curieux posé sur moi, j’en ai pleuré, ça a été la seule fois que ça m’est arrivé ». Mais l’histoire ne s’arrête pas là, alertée, la mère (quelque 18 mètres de long) est venue s’interposer.
« Elle a battu de la queue avec une grâce incroyable », sans toucher le plongeur, qui a été pris dans des remous d’une grande force ! Un peu plus loin, l’accouplement de calmars marque aussi leur fin. « J’ai assisté aux grands ballets de séduction, ils clignotent dans tous les sens de manière stroboscopique ! ». Dans ces clichés sous-marins, les couleurs éclatent comme ce banc de petits poissons nageant en escadrille, passant selon la lumière du rouge au bleu et à l’argent. « C’est une méthode de défense », commente le photographe, « dans les fonds sous-marins, tout n’est qu’affaire de survie. »
PROTÉGER LES OCÉANS
Créé et porté par Norbert Fradin, le Musée Mer Marine (MMM) traite à la fois de l’histoire de la navigation et de l’univers de la mer et des océans. Le bâtiment, inauguré courant 2019, réalisé par l’architecte Olivier Brochet, comprend 13 000 m2, dont 7 500 m2 d’exposition.
Il faut traverser les vastes salles accueillant l’exposition permanente comprenant quelque 10 000 pièces, maquettes et bateaux grandeur nature, objets de navigation à travers l’histoire, avant d’accéder à l’étage « Planète Océan ». L’exposition « Les yeux dans le bleu » y côtoie d’autres œuvres telles que des photos de Gérard Rancinan, des installations contemporaines et des sculptures. Des panneaux, à l’initiative de Spero Mare, alertent également sur la qualité de l’eau de mer, la surpêche ou encore l’état des coraux. « Il y aura bien d’autres événements », a promis Norbert Fradin. Documents et œuvres d’art dédiés aux océans et à la mer montrent à la fois leur beauté, leur singularité et leur fragilité. Et pour protéger cet écosystème « le meilleur moyen de faire comprendre la situation est de passer par l’émotion », comme le souligne Estelle Lefébure.
L’expo côtoie d’autre oeuvres telles que des photos de Rancinan, des installations contemporaines et des sculptures
« Les yeux dans le bleu » photographies de Rodolphe Guignard, en partenariat avec l’association Spero Mare Jusqu’au 21 novembre 2020 au Musée Mer Marine.