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Communication interculturelle : stratégies et bonnes pratiques

CHRONIQUE DE LA COM - Dans un monde globalisé où les interactions dépassent les frontières, la communication interculturelle devient un enjeu clé pour les entreprises et les organisations. Mais comment éviter les malentendus culturels et bâtir des ponts entre les différentes sensibilités ?

Communication interculturelle, Céline GENONCEAU

Céline GENONCEAU © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Chaque culture a sa propre manière de percevoir le monde, d’interagir et de communiquer. Penchons-nous sur les composants essentiels : la langue. Ce n’est pas qu’un simple code verbal, mais plutôt une manière de penser, une construction du discours, une relation au silence ou à l’implicite qui diffèrent profondément d’une culture à l’autre. Des éléments tels que dire bonjour, se saluer, formuler une demande, refuser une proposition… Tous ces gestes quotidiens sont codifiés par des normes implicites qui varient d’une culture à l’autre. Il faut alors sortir du prêt-à-penser.

La communication interculturelle exige de dépasser les stéréotypes et les généralisations rapides. S’il est utile de connaître certaines tendances culturelles, il ne faut jamais perdre de vue la singularité des individus. La communication non verbale est un langage silencieux et puissant. Le langage corporel, les gestes, la distance physique, le regard ou le sourire sont autant de signaux qui prennent différentes significations selon les cultures. Les styles de communication oscillent entre clarté assumée et subtilité contextuelle. D’un côté, certaines cultures misent sur une communication claire, directe, axée sur les faits et l’efficacité. De l’autre, le message se glisse entre les lignes : le contexte, la relation ou même un silence bien placé en disent souvent bien plus que les mots.

Adapter son discours et son attitude

Un mot sur un ton direct perçu comme efficace dans un pays peut être jugé brutal ailleurs. La maîtrise linguistique est donc une base, mais elle ne suffit pas sans une sensibilité aux nuances culturelles. Face à un interlocuteur d’une autre culture, le bon réflexe consiste à ajuster son langage, son ton ou même ses silences. En effet, dans certaines cultures, un silence est un signe de respect ; dans d’autres, il trahit un malaise. L’essentiel est de cultiver une posture d’ouverture et de non-jugement, en acceptant que nos propres réflexes culturels ne sont pas des évidences universelles.

Prenons l’exemple du Japon : dans cette culture de retenue, la discrétion est souvent synonyme de respect, et il est mal vu de trop s’exprimer, notamment dans un cadre professionnel. Le silence y est perçu comme un signe d’écoute attentive, voire de sagesse. À l’inverse, en France – et plus largement dans les cultures latines – la parole est valorisée, l’argumentation verbale est généralement associée à la compétence. Cette divergence fondamentale peut générer des incompréhensions : un collaborateur japonais jugera déplacé une prise de parole trop démonstrative, tandis qu’un interlocuteur français pourrait interpréter la réserve comme un manque d’engagement.

Arrivée dans une ville du nord de l’île de Kyushu au Japon en tant que collaboratrice étrangère, l’accueil fut fait avec une grande réserve : une supérieure impassible à l’aéroport, une équipe de vente discrète, parfois même mutique. Pourtant, avec le temps, les échanges se sont adoucis. Les sourires sont devenus plus fréquents, les rires plus spontanés. Ce changement ne s’est pas opéré par une assimilation forcée, mais par une forme d’ouverture réciproque. L’extravertie, marquée par une culture de l’expression et du lien, bien française, a finalement été perçue comme rafraîchissante, voire stimulante. Une preuve que l’adaptation interculturelle peut aussi naître de la rencontre entre deux styles, et non d’un effacement de l’un au profit de l’autre.

Trouver le bon équilibre

Dans certaines sociétés, l’accord collectif prévaut sur l’individualisme ; ailleurs, la prise d’initiative personnelle est valorisée. L’efficacité interculturelle repose sur une capacité à ajuster sa posture sans jouer un rôle, adopter une communication respectueuse et alignée. Il ne s’agit pas de se transformer pour plaire à l’autre, mais de faire preuve d’empathie, de lucidité et de cohérence dans son positionnement. Cela implique de bien connaître ses propres codes pour mieux s’adapter sans se renier.

Imaginons un cadre français envoyé dans une filiale située dans un pays anglo-saxon. Habitué à un style de communication direct, au débat d’idées et à l’échange critique en réunion, il peut être dérouté par la retenue de ses interlocuteurs. Ce qu’il interprète comme de la distance relève en réalité d’un souci de diplomatie et d’harmonie relationnelle. Pour s’adapter, il devra apprendre à nuancer ses interventions, à lire entre les lignes, et à valoriser une approche plus consensuelle. Tout l’enjeu est de créer un climat de confiance, en respectant les codes locaux tout en restant aligné sur son propre style.

Ce fut le cas lors d’organisation d’événements au sein d’un club de polo en Angleterre. Dans cet environnement très codé, fait d’élégance feutrée et de hiérarchies implicites, il a fallu composer avec les attentes locales tout en préservant un style personnel plus expressif. Ajuster le ton, faire passer des messages clairs sans froisser ni les joueurs, ni les convives — ni même l’ambiance feutrée des poneys au paddock — a permis d’instaurer un climat de confiance et de respect partagé.

Construire une stratégie efficace

Former ses équipes, anticiper les situations sensibles, s’entourer de profils aguerris : une bonne stratégie de communication interculturelle se construit en combinant sensibilisation, formation, feedback et pratique concrète. Cela commence fréquemment par une étape d’audit ou de diagnostic des besoins : quelles cultures sont en présence ? Quels sont les points de friction récurrents ? Quelles compétences sont déjà présentes dans les équipes ?

Dans une grande maison française du luxe, les échanges entre les équipes du studio de création parisien et les ateliers de production situés dans le Sud peuvent parfois donner lieu à des malentendus. En effet, les créatifs sont portés par un rythme soutenu, des échanges courts et une culture orientée vers l’efficacité immédiate. Côté ateliers, attachés à une approche plus posée, ancrés dans une tradition d’excellence artisanale, ce mode de communication peut être perçu comme un manque de considération, voire comme une forme de brusquerie. Pour fluidifier la collaboration, l’entreprise doit miser sur des immersions croisées, des réunions hybrides régulières et la médiation interne.

Prenons aussi le cas d’échanges entre des designers italiens et des équipes marketing britanniques. Les premiers privilégiaient un merchandising mensuel, fidèle à une vision plus stable et esthétique, tandis que les seconds souhaitaient des ajustements hebdomadaires, voire quotidiens, selon l’évolution des stocks. Cette source de tensions a nécessité la mise en place d’un cadre de dialogue commun et de médiateurs capables d’expliquer les logiques sous-jacentes de chaque camp.

Outils et ressources pour affiner sa communication

Les ressources ne manquent pas pour affûter sa sensibilité interculturelle au quotidien. Pour progresser, il ne suffit pas d’avoir « lu un guide » sur les codes asiatiques ou anglo-saxons. La communication interculturelle nécessite un apprentissage continu, nourri par la pratique, l’expérience et la remise en question. Parmi les ressources utiles, on peut citer :

– les formations immersives, parfois proposées en entreprise ou par des organismes spécialisés, permettant de vivre des mises en situation réalistes ;

– les podcasts, blogs ou vidéos d’intervenants multiculturels qui partagent leurs vécus de terrain ;

– les outils d’autoévaluation, permettant à chacun de situer son propre style de communication et d’identifier ses biais ;

– les outils d’analyse interculturelle, qui offrent des grilles de lecture pour comprendre les grands axes de différenciation culturelle (rapport à la hiérarchie, style de communication, place du collectif ou du statut, gestion du temps ou expression des émotions).

À propos

L’Apacom, association loi 1901, a pour objectif de promouvoir les métiers de la communication, de favoriser les échanges professionnels et de valoriser le rôle stratégique de la communication auprès des chefs d’entreprise et des décideurs de la région Nouvelle-Aquitaine. Avec près de 500 membres adhérents qui représentent la grande diversité des métiers de la communication : communicants en entreprises, agences, collectivités, administrations, prestataires, consultants, indépendants, formateurs et enseignants, elle représente l’une des plus importantes associations de communicants de France. Plus d’informations : https://www.apacom.fr/

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