Un polymère 100 % biosourcé, issu de l’économie circulaire et 100 % biodégradable. La proposition de valeur de Dionymer a tout pour séduire. Créée fin 2021 à Pessac par Thomas Hennebel, Antoine Brège et Guillaume Charbonnier, trois ingénieurs qui se sont rencontrés il y a une dizaine d’années sur les bancs de l’école de chimie de Bordeaux (Ensmac/ENSTBB), la start-up Dionymer répond à leur « volonté d’avoir une nouvelle approche de la chimie des matériaux », assure Thomas Hennebel, CEO.
Passionnés par le biomimétisme, les trois amis décident « d’observer comment la nature fabrique des biopolymères, 99 % des matériaux organiques actuels provenant du pétrole », constatent-ils. Ils développent alors un procédé de fermentation bactérienne. « Nous avons choisi une bactérie que l’on nourrit de biodéchets alimentaires, issus de compost. Elle les transforme et les stocke sous forme de polymères de type PHA. Ils sont ensuite extraits et séchés afin d’obtenir une poudre », explique Thomas Hennebel.

Une fois obtenus, les polymères sont séchés sous forme de poudre. © D. R.
Étape préindustrielle
Pour produire 1 kilogramme de polymères, 40 kilogrammes de déchets bruts (contenant 75 % d’eau), livrés par le collecteur girondin BicyCompost, sont nécessaires. Pour démontrer la faisabilité de son innovation, Dionymer a créé une unité permettant de produire 1 kg de polymères chaque mois, dans son laboratoire hébergé au sein de l’école de chimie de Bordeaux.

Pour produire ses polymères biosourcés et biodégradables, Dionymer utilise les biodéchets issus de composteurs de la Métropole bordelaise, collectés par BicyCompost. © D. R.
Après une levée de fonds de 2,5 millions d’euros réalisée fin 2023, la jeune entreprise a pu recruter une douzaine de personnes, déposer trois brevets et créer un pilote préindustriel en cours d’installation à Mérignac afin de produire 50 à 100 kg de poudre de polymères chaque mois. « Nous devrions être prêts d’ici le mois d’avril », précise Thomas Hennebel.
« Cette première étape d’industrialisation doit nous mener vers une unité de production de 1 000 tonnes par mois d’ici à 2030 », assure-t-il. Pour cela, Dionymer prépare sa seconde levée de fonds, prévue en 2025, et a pour « objectif d’attirer des précurseurs qui vont accompagner notre montée en échelle grâce à leurs précommandes », précise-t-il.

Les polymères de Dionymer sont obtenus grâce à un procédé de fermentation bactérienne. © D. R.
Grands comptes de la cosmétique
Parmi eux, de nombreux secteurs d’activité déjà intéressés par ces polymères biodégradables, qui ne génèrent pas de microplastiques. « Le marché de la cosmétique nous sollicite énormément, car nos polymères présentent les mêmes propriétés que ceux issus de la pétrochimie, utilisés pour améliorer la texture des crèmes par exemple », précise le dirigeant de l’entreprise.
Permettant également d’encapsuler des principes actifs, comme du parfum dans des lessives et des cosmétiques, ou de fabriquer des bioplastiques pour les secteurs agricole et agroalimentaire, les polymères biodégradables de Dionymer permettent de ne pas polluer l’eau ou les terres agricoles.
« Nous viserons ensuite de plus gros volumes, comme les revêtements d’étanchéité pour le papier et le carton ; et nous adresserons ensuite au marché de la plasturgie, rigide ou flexible », assure Thomas Hennebel, qui espère devenir fournisseur de polymères pour les fabricants de produits finis. « Nous devons rapidement commencer à faire des préséries et passer en volume industriel pour générer du chiffre d’affaires », devance-t-il.
De premiers résultats en début d’année
Grâce à un projet dont les caractéristiques « entrent dans les stratégies nationales, locales et des entreprises », remarque le dirigeant, Dionymer a remporté de nombreux prix depuis sa création. Dont le prestigieux prix iLab de Bpifrance en 2023, « qui nous a permis de financer notre R&D » ; ou encore le prix de la start-up néo-aquitaine de l’année 2024 décerné par EY. « Ces prix nous donnent beaucoup de visibilité auprès de l’écosystème, et surtout auprès de nos futurs clients. Sans déployer aucun effort commercial jusqu’ici, nous recevons déjà plus de demandes que ce que nous sommes capables de produire », se félicite-t-il.
Nous recevons déjà plus de demandes que ce que nous sommes capables de produire
De grands noms de la cosmétique testent actuellement les polymères de Dionymer, en France et à l’international. Et l’entreprise disposera début 2025 des premiers résultats d’analyse sur les cycles de vie de ses matériaux, leur impact sur l’eau, la biodiversité, leur bilan carbone, etc. Les premières étapes menant vers un changement de paradigme, où les produits biosourcés, biodégradables et valorisant les biodéchets alimentaires remplaceront peut-être un jour les matériaux issus du pétrole.

L’équipe de Dionymer est composée d’une douzaine de salariés. La moitié consacrée à la R&D, l’autre à l’industrialisation du procédé. © D. R.