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[ Dossier Présidentielle 2022 ] L’emploi : un nouveau champ des possibles

La prochaine élection présidentielle est l’occasion de faire un tour d’horizon des enjeux économiques du prochain quinquennat. Parmi ceux-ci figurent la politique monétaire et budgétaire, le pouvoir d’achat, la fiscalité, le logement, la transition climatique. Cette semaine, focus sur l’emploi qui, même s’il a connu une embellie dernièrement, doit répondre au défi d’être plus fluide et efficient.

Jean-Marc FIGUET et Christian PRAT DIT HAURET, professeurs à l’Université de Bordeaux, France

Jean-Marc FIGUET et Christian PRAT DIT HAURET, professeurs à l’Université de Bordeaux © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Depuis les chocs pétroliers des années 1970, la désindustrialisation et la division internationale du travail, corollaire de la mondialisation, le chômage est l’un des talons d’Achille de l’économie française. Autrement dit, notre marché du travail n’est pas aussi fluide qu’il peut l’être dans les autres grands économies.

LE CHÔMAGE, EN BAISSE, COEXISTE AVEC DES PÉNURIES DE MAIN D’ŒUVRE

On en connaît les symptômes frictionnels : un chômage en baisse, mais important (au 4e trimestre 2021, le taux de chômage moyen au sens du BIT est de 7,2 % en France métropolitaine) coexiste avec des phénomènes de pénurie de main d’œuvre qui affectent le développement de nombreux secteurs (café-hôtellerie-restauration, BTP…). Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) et celui des seniors (55-64 ans) sont nettement supérieurs à la moyenne.

Les femmes sont plus affectées par le chômage que les hommes. Et, de façon générale, il est plus facile de sortir du marché du travail que d’y entrer, et surtout d’y re-rentrer.

TAUX D’EMPLOI : 67,5 %, FAIBLE PAR RAPPORT À L’ALLEMAGNE (80 %)

L’emploi peut se définir comme la combinaison d’éléments sociaux, sociétaux, économiques et juridiques qui influencent la participation des personnes à la production de biens et de services et donc, leur contribution à la création de richesses au sein d’un pays. La population française est de 67,8 millions d’habitants et le nombre de personnes en âge de travailler est de 29 millions personnes. Le taux d’emploi est, quant à lui, de 67,5 %, ce qui est faible dans une économie moderne compétitive. Notre taux d’emploi est inférieur au taux d’emploi moyen en Europe (70 %) et très nettement inférieur au taux d’emploi allemand qui frôle les 80 % ! Le halo du chômage, c’est-à-dire les Français en âge de travailler mais qui ne travaillent pas au sens du BIT, demeure significatif (1,9 million de personnes). Ce halo déséquilibre les comptes sociaux et complique le financement de notre système de retraites par répartition.

Les femmes sont plus affectées par le chômage que les hommes

320 000 PERSONNES INSCRITES À PÔLE EMPLOI DANS LES DOM-TOM

Malgré une amélioration récente de la situation, le chômage reste un phénomène endémique de l’économie française depuis plus de 40 ans. Au 4e trimestre 2021, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi et tenues de chercher un emploi (catégories A, B, C) s’établit à 5 368 000 personnes. Parmi elles, 3 108 000 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 360 000 (catégories B et C) exercent une activité réduite. De plus, 708 000 personnes inscrites à Pôle Emploi ne sont pas tenues de rechercher un emploi. Elles sont soit non disponibles et sans emploi (catégorie D, avec comme exemple les personnes en formation, en contrat de sécurisation professionnelle, ou malades), soit pourvues d’un emploi (catégorie E, comme par exemple les personnes en phase de création d’entreprise ou bénéficiant d’un contrat aidé). Dans les DOM-TOM, 320 000 personnes sont inscrites à Pôle Emploi dans les catégories A, B, C. Au final, on peut évaluer à près de 6 400 000 personnes, soit près de 20 % de la population active, qui ne sont pas en activité pleine et entière.

Quelles mesures pourrait-on prendre pour améliorer le niveau d’emploi en France ? Comme le défendent de nombreux économistes, il convient d’améliorer les méthodes d’appariement pour venir à bout de l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail.

Première mesure : il convient de réduire le décalage entre les qualifications des travailleurs (compétences acquises au cours de leur formation ou par expérience) et les caractéristiques des emplois disponibles. Le développement des contrats de professionnalisation et d’apprentissage durant la crise sanitaire a été un succès et il faut à tout prix maintenir les aides pour accompagner l’accès à l’emploi des jeunes générations. Les aides accordées doivent être considérées comme des investissements et se révèleront profitables à long terme.

Deuxième mesure : maintenir l’accès à l’emploi des travailleurs de plus de 55 ans en améliorant leurs conditions de travail : qualité de l’ambiance au travail, sentiment de bien-être, aménagement du travail et flexibilité de l’emploi du temps, transmission du capital connaissances et compétences aux plus jeunes, suppression de la discrimination par âge.

Troisième mesure : augmenter l’efficacité et l’efficience des services publics et privés d’accès à l’emploi de manière à mettre en relation les chômeurs et les emplois vacants.

Quatrième mesure : réduire le nombre de ruptures conventionnelles en fin de carrière, revoir les politiques de départ anticipé et réfléchir de façon systémique et différenciée à l’âge de départ à la retraite.

Cinquième mesure : prendre des mesures pour répondre aux pénuries de main d’œuvre existantes dans différents secteurs d’activité. Différentes mesures possibles peuvent être l’augmentation des salaires pour les métiers pénibles et présentant des contraintes horaires telles que la restauration, la mise en place de dispositifs de retour à l’emploi et la mise en œuvre de plans massifs de formation dans les secteurs d’avenir tels que les métiers du numérique, de l’informatique et de la transition énergétique.

Sixième mesure : faciliter la mobilité géographique des travailleurs en revisitant l’aménagement du territoire et en accordant des aides aux personnes qui acceptent des emplois dans des zones géographiques sous tension.

Par exemple, on pourrait exonérer de droits de mutation toute personne qui achète une nouvelle habitation principale à la suite d’une nouvelle prise de poste.

On pourrait exonérer de droits de mutation toute personne qui achète une nouvelle habitation à la prise d’un poste dans une zone en tension

Septième mesure : développer en France une culture de l’entrepreneuriat et accompagner les créateurs d’entreprises lors du développement de leurs idées et de leurs projets.

Huitième mesure : revoir la réparation de la valeur au sein des organisations en augmentant la part des gains de productivité redistribués aux salariés, ce qui leur permettra d’augmenter leur pouvoir d’achat et donc par conséquent leur consommation, mais également d’augmenter la production nationale sous réserve du maintien des gains de productivité.

Neuvième mesure : réaliser des études chirurgicales des marchés de l’emploi par micro-régions : les besoins d’emploi ne sont pas les mêmes dans le pays de Gex, frontalier de la Suisse, dans le Morvan et en Île-de-France.

Dixième mesure : soutenir les travailleurs indépendants et surtout accompagner les micro-entrepreneurs pour les aider à développer leurs petites entreprises qui restent trop souvent à un niveau embryonnaire.

Onzième mesure : favoriser le dialogue social au sein des entreprises en passant d’un syndicalisme de combat et de revendication à un « syndicalisme de services » orienté vers l’accompagnement et le conseil des salariés.

On l’aura compris, fluidifier le marché du travail est la clef de la réussite économique et de la cohésion sociale de la France.

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