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Huîtres et vins : accords parfaits ?

Les huîtres vont retrouver bientôt leur titre de star du rayon Marée. Et invariablement avec, planté à même la glace, le vin blanc sec, bien acidulé et premier prix. Pourquoi donc mettre un certain prix dans l’huître, et sélectionner en face un vin, sans âme ni saveur ? Laissez-moi alors vous conter quelques expériences intéressantes.

vin, Huîtres

© Shutterstock

Défaite garantie pour le vin qui joue les « gros bras » face à l’évidence saline de l’huître. Tout amateur d’huîtres a déjà ressenti ce goût métallique si désagréable, en mêlant vin et eau de l’huître. Pour le vin, il s’agit donc de prendre en compte les notes iodées de l’huître et de jouer avec. Fixons un point de suite, amateur de vinaigrette à l’échalote, votre cause auprès de saint Vincent et Poséidon a été sévèrement rejetée. Le premier a répondu que le vinaigre a toujours été l’ennemi du vin et le deuxième a répondu… « Et pourquoi pas du coca avec mes coquillages ? » Plus sérieusement, quels traits communs définir entre tous ces vins qui serviront de « galants » à Dame Huître ? Tonicité, minéralité et fruité sec. L’acidité du vin doit aller chercher le sel de l’huitre. Mais si le vin doit « claquer en bouche », cela ne veut pas dire qu’il n’a aucun caractère !

Prenons Muscadet, sponsor officiel de l’huître. Muscadet est multiple ! Multiple par le terroir sur lequel le Melon de Bourgogne, son cépage, a poussé. Les sols de gabbro, amphibolites, des crus de Gorges ou Mouzillon-Tillieres notamment, semblent plus indiqués car ils exhaltent mieux la tension et la minéralité du vin. Mais l’exposition au sud, la pente du coteau et la durée d’élevage sur lies vont jouer aussi. Lors de ma dernière dégustation avec Marie Luneau-Papin, beaucoup de merveilles estampillées Muscadet furent dégustées, mais qui, pour certaines n’auraient pas fait bonne affaire avec nombre d’huîtres.

La gamme du domaine est suffisamment large pour y sélectionner les belles cuvées, jouant plutôt sur le « tranchant », et éviter celles, où le gras, la rondeur en bouche vont mal s’accompagner de l’iode de l’huître. La formidable cuvée « Terre de Pierre » du domaine ou encore la cuvée bien nommé « Amphibolite » de chez Jo Landron sont des cuvées, complexes, tranchantes et minérales qui iront très bien sur des huîtres vertes, épurées telles que des Marennes.

Plus audacieux, l’accord autour de ces Fines de Claire avec un vin argentin issu du Torrontes, appelé aussi Muscat d’Autriche. J’adore observer le dégustateur humer ce vin face à une huître. La France vinifiant majoritairement ses Muscats en version sucrée, je perçois rapidement chez mon dégustateur un sentiment d’incrédulité « un vin sucré sur une huître, …aurait-il perdu la tête ? ». Non, car le Torrontes est certes un vin très aromatique, au fruité envoutant comme tous les Muscats, mais les Argentins le vinifient en une version dynamique où le vin reste bien sec. À 10/12 euros la bouteille, testez et amusez-vous !

Vers 1900, les huîtres, les belons surtout, avaient pour vin attitré le Sauternes (ce qui est oublié maintenant, déjà, et semblerait monstrueux aux amateurs désormais), extrait de « Un festin en paroles » (Jean-François Revel)

Avec une huître plate comme une Belon de Cancale, à la chair consistante et au fameux goût de noisette, je vous recommande un belle cuvée effervescente. On appréciera notamment un Blanc de Blanc champenois dans une version extra-brut comme la cuvée « Terre de Vertus » de chez Larmandier-Bernier ou, plus proche de Troyes sur le Cru Montgueux (autrefois appelé « Le Montrachet de la Champagne »), la cuvée « Vignes de Montgueux » d’Emmanuel Lassaigne. Dans les deux cas, l’accord est bâti autour du goût de noisette et la consistance présente à la fois dans le vin et l’huître. Plus accessible avec toujours cette finesse et ce goût de noisette bien présent, régalez-vous dans l’accord avec un Saumur Brut « Saphir » de chez Bouvet-Ladubay. Prenons le large maintenant avec des huîtres laiteuses, plus grasses, corsées, comme l’huître de pleine mer de Quiberon. Face à ces huîtres de caractère, le noble Riesling, s’il est exposé sur de beaux coteaux calcaires, va délivrer son énergie pour s’accommoder de l’intensité fortement iodée de ces huîtres. Le Grand Cru Bruderthal du domaine Neumeyer, issu de calcaire coquillier, offre à ce riesling des notes minérales, finement salines parfaites avec le gras de l’huître et des parfums d’agrumes, bons compagnons du caractère corsé de l’huître. Un bel accord se fera aussi avec un Chablis 1e Cru Montée de Tonnerre, élevé en cuve et issu d’un millésime peu solaire, pour minimiser le gras en bouche. Optez par exemple pour l’énergie et le grain salivant du « Montée de Tonnerre » de chez Louis Michel & Fils.

Retour à la plage et notamment celle de Utah Beach avec cette huître spéciale, à la chair savoureuse alliant… douceur et longueur en bouche. Voilà qui change tout ! Reprenons nos deux exemples de domaine en muscadet. Cette fois-ci, la douceur prenant le pas sur l’intensité iodée, nous pouvons nous autoriser des cuvées plus pleines, longues en bouche, comme

« L d’Or » de chez Luneau-Papin. La longueur du vin est un point délicat avec l’huître qui, comme énoncé plus haut, gagne toujours le combat. Ici le vin peut se permettre de s’allonger car l’Utah Beach est plus douce. Une cuvée « Fief de Breil » de chez Jo Landron, encore en coteau exposé plein sud ou une cuvée Granit de Château Thebaud de chez Jeremy Huchet, à la fois sapide, profonde et d’une superbe longueur citronnée parachèveront le bel accord avec notre huître spéciale.

Comment faire ce tour des accords huîtres et vins sans évoquer l’huître chaude. Deux souvenirs me viennent en tête. Le premier avec mon ami Bruno Petitpierre du restaurant la Boname de Bruno à Lyon. Il nous avait préparé une huître en beignet qui avait fait merveille, avec la cuvée « Electrico » de la bodega andalouse Toro Albala. Ce Fino (vin de voile oxydatif), non muté, offre des notes d’herbes, de noisette et un grain salin, fumé qui dynamisait la texture du beignet et accompagnait parfaitement les saveurs de l’huître. À 10 euros la bouteille, cela se tente !… avec à côté, une fine tranche de jambon de pata negra. Vous avez faim ? Normal…

Autre accord, cette fois-ci emprunté à Olivier Poussier (meilleur sommelier du monde en 2000) et Pierre Maillet au Hameau Albert 1er (1 étoile) à Chamonix autour d’une Pousse de Claire, snackée sur le grill. J’ai recomposé l ’expérience avec un autre saké, élaboré par Les Larmes du Levant, la seule Sakagura (brasserie) homologuée par les autorités japonaises en Europe, plus exactement à Pélussin (à proximité des vignes de Côte Rôtie). Ce saké, portant le nom prédestiné de « La Vague », offre une sensation iodée qui allait de pair avec l’huître snackée, tout comme les notes de morilles et de cèpes avec les très légères notes fumées liés au passage sur le grill. Vous l’aurez compris. Muscadet, Chablis, Riesling mais aussi Jurancon sec, Cour-Cheverny (des appellations dont les cépages ont un haut-potentiel acide) peuvent être d’excellents compagnons des huîtres, mais l’appellation ne suffit pas à elle-même. Il faut savoir ce qu’il y a dans la bouteille, se renseigner sur l’équilibre du vin, pour savoir avec quelles huîtres les marier. Ce sont les conditions pour construire de beaux accords et apprécier un vin, au-delà de son simple côté désaltérant.

GAËL HERROUIN

GAËL HERROUIN © D. R.

Expert gradé et assermenté près le Tribunal de Commerce de Paris.

Membre de la Compagnie des Courtiers-Jurés-Experts en vins (Association créée en 1322, reconnue d’utilité publique par l’État). Gérant de la société Les Vins Dévoilés, créateur d’événements autour de la dégustation de vins rares.

Tel : 06 68 32 91 69

contact@lesvinsdevoiles.com

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