Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

[ Landes ] La justice landaise a son palais

La nouvelle cité judiciaire, avenue du Colonel-Rozanoff à Mont-de-Marsan, regroupant tribunal judiciaire, tribunal de commerce et conseil des prud’hommes, sera ouverte au public le 30 août prochain et inaugurée en septembre. Visite guidée avec Guillaume Cotelle, le président du tribunal, Olivier Janson, le procureur de la République et Laetitia Chanuc, la directrice des services de greffe.

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Guillaume COTELLE Président du tribunal de Mont-de-Marsan ; Laetitia CHANUC Directrice des services de greffe ; Olivier JANSON Procureur de la République © H. R.

Echos Judiciaires Girondins : Le chemin a été long ?

Guillaume Cotelle : Oui, le projet a été évoqué il y a presque 40 ans.

« La patience est la clé de la joie », dit le proverbe. La patience a été le lot des personnels qui, pendant des décennies, ont travaillé dans des conditions matérielles très dures, à leur détriment, et au détriment de l’image de la justice. La joie, c’est le plaisir de pouvoir profiter dans quelques semaines d’un outil exceptionnel, particulièrement esthétique et performant. Une métamorphose globale des conditions de travail et de l’efficience de la justice.

Olivier Janson : Nous étions écartelés entre quatre sites. L’ancien tribunal fait partie d’un ensemble construit en 1810. Sous Napoléon ! Il a plusieurs fois été réhabilité, mais il était devenu exigu, inadapté, voire dangereux, notamment en termes d’accessibilité. En juin, s’achèveront là plus de deux siècles de sessions d’assises. Ce déménagement, tant attendu, ne se résumera pas à un changement de bâtiment. Ce sera l’occasion d’exploiter toutes les améliorations techniques dont nous étions exclus, d’améliorer les conditions de travail des professionnels et d’accueil du public.

Pour que ce navire amiral fonctionne à plein régime, de nouveaux moyens ont été accordés

EJG : Quels sont les chiffres-clés de ce nouveau bâtiment ?

© H. R.

Guillaume Cotelle : Ils ont été définis par la chancellerie à travers l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij) qui en a été le maître d’ouvrage. Il y a 3 500 m2 de surfaces utiles et 6 000 m2 de surface de plancher sur trois niveaux. 119 postes de travail seront opérationnels. Il y a un total de neuf salles d’audience : cinq salles d’audience civile et pénale (trois dédiées aux affaires civiles, deux dédiées aux affaires pénales, dont la salle d’assises) et quatre salles d’audience de cabinet, dont une pénale. Coût total de l’opération, qui n’a pas évolué depuis sa conception : 28 millions d’euros.

Laetitia Chanuc : L’Apij a été à l’écoute de nos besoins. L’agence nous a proposé le plan des architectes et nous (les deux chefs de juridiction, président du tribunal et procureur de la République, et moi-même, directrice de greffe) avons organisé, rendu l’ensemble opérationnel, cohérent, pour que chaque service puisse fonctionner dans les meilleures conditions.

EJG : Il se dégage de la nouvelle structure une impression de transparence.

Guillaume COTELLE, Président du tribunal de Mont-de-Marsan © H. R.

Guillaume Cotelle : Les grands piliers de 12 mètres de haut autour de l’édifice symbolisent les colonnes des palais de justice d’antan. Elles sont aussi un clin d’œil à la verticalité des pins des Landes. Les lignes très épurées et d’un blanc immaculé, dessinées par le cabinet d’architecture bordelais Brochet-Lajus-Pueyo, traduisent, en effet, une volonté d’apporter une meilleure lisibilité de l’institution judiciaire et d’optimiser le traitement des affaires judiciaires. Les hauteurs sous plafond, les fenêtres de belles dimensions et les immenses baies vitrées contribuent à donner cette luminosité remarquable.

EJG : Volonté aussi de laisser une place à la nature ?

Olivier Janson : Oui, avec une grande pinède qui entourera l’ensemble du complexe, deux patios arborés et l’omniprésence du bois de chêne, notamment de tasseaux, à l’intérieur des salles d’audience. Les grands volumes de béton seront habillés de pierres claires de Bourgogne. Au sol, ce sera de la pierre de Charente-Maritime.

Mont-de-Marsan fait partie des premières juridictions françaises à se lancer dans cette numérisation généralisée

EJG : Les fracas des avions à réaction de la base voisine ne vont-ils pas perturber les audiences ?

Laetitia Chanuc : Les concepteurs y ont réfléchi. Les salles d’audience disposent d’un feuilletage de trois toits atténuant les bruits extérieurs et rendant les débats intelligibles.

© H. R.

EJG : Comment seront organisés les services ?

Guillaume Cotelle : Le projet s’est structuré autour de deux axes : le renforcement de l’accessibilité et de la lisibilité du service public de la justice et l’amélioration des conditions de travail et de l’efficience de la justice. Le public sera accueilli au rez-de-chaussée. Box d’entretien et salles d’audience, ouvertes au public, seront également de plain-pied. Les deux étages supérieurs seront dévolus aux espaces tertiaires des magistrats et fonctionnaires. Les services seront organisés en sept pôles : services communs, civil, exécution, état des personnes, social, modes alternatifs de règlement des différends et pénal.

EJG : Comment sera accueilli le public ?

Laetitia Chanuc : Il y aura un service d’accueil unique (SAUJ) qui centralisera l’ensemble des informations -sauf pour le tribunal de commerce qui aura son propre accueil- et sera en mesure de fournir des renseignements personnalisés et complets aux justiciables.

EJG : Comment se fera l’accès des détenus ?

Olivier JANSON, Procureur de la République © H. R.

Olivier Janson : L’ensemble du bâtiment et de ses alentours est surveillé et il y a une zone sécurisée pour les détenus qui n’auront pas de contact avec le public. Deux fourgons de police ou de gendarmerie pourront pénétrer dans le bâtiment. Nous avons prévu plusieurs geôles, dont une permettant de recevoir un groupe et une salle de repos pour les escortes. L’accès aux salles d’audience sera direct.

EJG : On ressent une volonté générale de s’inscrire dans son temps ?

Guillaume Cotelle : On passe du Moyen-Âge au modernisme. La justice montoise va changer d’ère. À l’entrée de chaque salle seront inscrits, sur des écrans numériques, le rôle et les heures de passage de chaque audience. Toutes les salles sont équipées de tablettes et de grands écrans permettant au président de présenter des documents ou d’organiser des visioconférences. Nous allons utiliser le logiciel Pilote de la chancellerie, extrêmement pratique pour la logistique et déployer la procédure pénale numérique (PPN). Mont- de-Marsan fait partie des premières juridictions françaises à se lancer dans cette numérisation généralisée. La création du dossier numérique dès les premiers procès-verbaux nous permettra d’évoluer vers un zéro papier. Fini les piles de dossiers.

© H. R.

EJG : Globalement, cette nouvelle cité judiciaire va faciliter le quotidien de tous ?

Laetitia CHANUC, Directrice des services de greffe © H. R.

Laetitia Chanuc : La gestion des effectifs sera bien plus simple et la cohésion d’équipe plus facile à réaliser. Nous allons retrouver de bonnes conditions de travail. Nous disposerons d’espaces adaptés et notamment d’une vraie salle de détente.

Olivier Janson : Même chose pour le parquet. Par exemple, l’association départementale d’aide aux victimes et de médiation, justice de proximité (Adavem JP 40) et l’association d’enquête et de médiation (AEM) auront leurs locaux ici. Les victimes pourront donc être accueillies sur place. Les délégués du procureur seront également ici. Nous aurons, enfin, une salle de 24 places permettant de réunir les cellules de crise, avec tablette et matériel de visioconférence. Et les scellés seront conservés dans de meilleures conditions dans des rayonnages mobiles.

EJG : L’amélioration des performances de la justice sera-t-elle tangible ?

© H. R.

Guillaume Cotelle : C’est déjà le cas. Pour que ce navire amiral fonctionne à plein régime, de nouveaux moyens ont été accordés. Il y a déjà eu de nouveaux recrutements et les effets n’ont pas tardé à se faire ressentir sur le traitement des dossiers. Les juridictions étaient encombrées, les délais étaient épouvantables. Nous avons réussi à réduire les délais. Par exemple, pour les affaires familiales, le délai est passé de sept à trois mois et pour le tribunal correctionnel d’un an à quatre mois.

EJG : Vous êtes aujourd’hui en phase de finalisation ?

Guillaume Cotelle : Le mobilier des bureaux a été réalisé par des prisonniers de la régie industrielle des établissements pénitentiaires. Chaque fonctionnaire a été associé à la préparation de son poste de travail. Il nous faut également finaliser la signalétique. Les noms des salles d’audience font référence à la vocation départementale de notre juridiction. La salle d’assises a été baptisée salle Chalosse. Il nous reste également à positionner les sculptures mises à notre disposition par la Ville. Et le dernier jour d’août, nous serons prêts à ouvrir grand les portes au public.

40 ans d’attente

Trois maires, 20 ministres de la Justice, 27 gouvernements, 5 présidents de la République… Il aura fallu attendre 40 ans pour que la nouvelle cité judiciaire de Mont-de-Marsan sorte de terre.

1983

Les services de Robert Badinter, le ministre de la Justice, mentionnent déjà le délabrement du bâtiment.

1990

Philippe Labeyrie, le maire, exige la fermeture du tribunal, « vétuste et trop dangereux ». Les terrains de l’avenue du Colonel-Rozanoff sont acquis par le ministère. Le projet est lancé.

1992

Le procureur indique : « On pourra faire mieux quand le projet de cité judiciaire aura abouti. »

2008

Philippe Labeyrie interpelle Rachida Dati. La ministre assure, à Mont-de-Marsan, qu’elle va relancer le projet.

2012

Christiane Taubira constate à son tour les conditions indignes du tribunal : « J’ai eu un choc. » Elle relance le projet. Son successeur, Jean-Jacques Urvoas, rendra sa construction inéluctable.

2014

Face au délabrement du tribunal, le ministère engage des travaux de modernisation, d’accessibilité et de mise aux normes.

2015

Les travaux sont stoppés, suite aux défaillances du maître d’œuvre.

2016

Sélection du cabinet d’architecte Brochet-Lajus-Pueyo (BLP & associés).

2019

Pose de la première pierre par Nicole Belloubet (le 28 octobre) qui s’assure de l’avancée des travaux.

Sept. 2021

Inauguration en présence du ministre de la Justice.

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