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L’économie régionale résiste

Malgré un contexte marqué par les difficultés de recrutement et d’approvisionnement, la hausse du coût de l’énergie et des matières premières, et plus généralement une forte inflation, l’économie néo-aquitaine résiste en 2022 selon les enquêtes de la Banque de France et de la CCI régionales. Si 2023 devrait marquer le pas, une normalisation de l’activité est attendue en 2024.

économie, Gironde

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Les points de vigilance et les ombres qui planent sur l’économie sont nombreux, mais la Banque de France et la CCI Nouvelle-Aquitaine restent optimistes concernant l’activité sur le territoire en 2022. Après le fort rebond qui a suivi l’épisode de crise sanitaire, avec une croissance du PIB de 6,8 % en 2021, l’économie nationale est fortement impactée par l’environnement international, qui a pour conséquences des difficultés d’approvisionnement ainsi qu’une augmentation du prix des matières premières et de l’énergie. La Banque de France établit néanmoins les prévisions de croissance française en 2022 en légère amélioration, à 2,6 %, pour un taux d’inflation de 5,8 %, bien en-deçà de celui de la zone euro, qui culmine à 8,1 %.

LUTTE CONTRE « LE POISON MORTEL DE L’INFLATION »

La lutte contre « le poison mortel de l’inflation », selon l’expression du directeur régional de la Banque de France Denis Lauretou, qui présentait les résultats de l’enquête de conjoncture de mi-année aux côtés du président de la CCI Nouvelle-Aquitaine Jean-François Clédel le 22 septembre, devra d’ailleurs être l’une des priorités du pays. Les solutions seront surtout monétaires et reposeront sur une « augmentation de notre croissance potentielle, grâce aux transitions écologique et numérique », a-t-il estimé. Enfin, la France devra également travailler sur « le paradoxe de la difficulté à recruter pour les entreprises, face à un taux de chômage élevé ».

L’industrie réhausse ses prévisions de croissance de chiffre d’affaires à + 7,3 %

DÉGRADATION DES MARGES ET DE LA TRÉSORERIE

Dans ce contexte, l’économie néo-aquitaine résiste en 2022, dans la plupart des secteurs d’activité. L’industrie réhausse ainsi ses prévisions de croissance de chiffre d’affaires à + 7,3 %, mais révise à la baisse sa rentabilité à mi-année, selon la Banque de France régionale (1). « Malgré des carnets de commande remplis, les perspectives sont négatives selon l’enquête de la CCI Nouvelle-Aquitaine (2), avec une dégradation des marges et du niveau de trésorerie, qui entraîne une baisse de la confiance des chefs d’entreprises », précise Martine Domecq, responsable information économique à la CCI régionale. Les services marchands, « secteur le moins affecté par les difficultés », indique Yannick Portejoie, responsable du pôle régional des études économiques de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine, restent quant à eux sur une tendance favorable, avec une croissance de chiffre d’affaires estimée à 4 %.

CAFÉS-HÔTELS-RESTAURANTS : ENTREPRISES VULNÉRABLES

Dans le secteur des Café-Hôtels-Restaurants (CHR), « les entreprises sont très vulnérables, malgré la forte reprise d’activité », ajoute Martine Domecq, en raison de leur forte exposition à la hausse du prix de l’énergie et des matières premières, aux difficultés d’approvisionnement et de recrutement. Dans la construction, l’évolution des chiffres d’affaires est également revue à la hausse (+ 3,7 %), « la dynamique est freinée par les difficultés, faisant fléchir la rentabilité, entraînant une baisse des investissements », détaille Yannick Portejoie. Enfin, le commerce voit ses résultats baisser au premier semestre 2022, selon l’enquête de la CCI Nouvelle-Aquitaine, en particulier le commerce de détail.

INCERTITUDE SIGNIFICATIVE EN 2023

Globalement, les trois quarts des chefs d’entreprises observent une hausse ou un maintien de leur chiffre d’affaires au premier semestre, et 30 % envisagent une hausse au second semestre. Néanmoins, « les niveaux de marge et de trésorerie souffrent beaucoup. Cela révèle la fragilité de notre tissu économique », estime Jean-François Clédel. Et montre « l’incertitude significative » qui entoure les résultats de l’année 2023, en particulier en raison de la crise énergétique qui prendra toute son ampleur cet hiver.

Une normalisation de l’activité avec une reprise devrait avoir lieu en 2024

C’est pourquoi la Banque de France a établi pour 2023 une fourchette de croissance du PIB comprise entre + 0,8 % et – 0,5 %, et une inflation entre + 4,2 % et + 6,9 % au niveau national. Mais « envisage une normalisation de l’activité avec une reprise en 2024 », assure Denis Lauretou, qui se traduit par une prévision de croissance 1,8 % en France. « Nous avons devant nous un défi climatique et sociétal. Mais nous sommes dans une société anti-fragile. C’est pourquoi nous pouvons être optimistes. Il faut y croire et rester confiants », conclut Jean-François Clédel.

 

  1. L’enquête semestrielle de la Banque de France en Nouvelle-Aquitaine a été réalisée auprès d’un échantillon de 3 500 entreprises et établissements
  2. L’enquête semestrielle de la CCI Nouvelle-Aquitaine repose sur un solde d’opinions de 3 800 chefs d’entreprises néo-aquitains.

 

HAUSSE DES PRIX DE L’ÉNERGIE : 62 % DES ENTREPRISES NÉO-AQUITAINES MENACÉES

L’enquête flash de la CCI Nouvelle-Aquitaine réalisée du 13 au 20 septembre à laquelle ont répondu 1 783 dirigeants montre que 82 % des entreprises du territoire sont impactées par la hausse des prix de l’énergie. Un chiffre qui monte à 95 % pour les CHR et 97 % pour les entreprises de plus de 50 salariés. En conséquence, les entreprises prévoient dans 65 % des cas une hausse des prix de vente, pour 57 % d’entre elles une baisse des marges et pour 46 % une baisse du niveau de trésorerie. 62 % des dirigeants néo-aquitains indiquent même que l’exploitation de leur entreprise est menacée à court ou moyen terme. « Cela met en lumière la fragilité de la structure financière des entreprises du territoire, qui pourraient profondément souffrir du remboursement à venir des PGE », remarque Jean-François Clédel. Résultat : l’indice de confiance des chefs d’entreprises a fortement baissé, et 2 dirigeants sur 3 se sentent moins confiants qu’avant la période estivale.

 

FAIRE DES CRISES DES OPPORTUNITÉS

Adaptation. C’est le maître-mot des grands témoins qui participaient à la restitution des enquêtes de conjoncture de la Banque de France régionale et de la CCI Nouvelle-Aquitaine. Et notamment de l’entreprise SAFT, représentée par la directrice de SAFT Poitiers Claire Lesigne, qui a décidé de « faire de la hausse des prix de l’énergie une opportunité : nous allons optimiser nos process », affirme-t-elle. « Les crises nous rendent meilleurs : on se diversifie, on est réactifs… », confirme Éric Sarrat, président du groupe girondin GT Logistics, qui a concentré ses efforts à l’intention de ses salariés, en développant notamment l’actionnariat salarié, et qui vient d’obtenir la certification « Great place to work ». « Nous avons bénéficié de la crise Covid. 

Nous avons donc énormément travaillé notre attractivité pour répondre à la pénurie de main d’œuvre », explique pour sa part Thierry Leblanc, président du groupe Taldi Guysanit et de la Fédération Française du Bâtiment en Gironde. Dans le secteur du vin, « la consommation baissant en France, nos marges se situent à l’export, notamment aux État-Unis, avec un dollar fort », analyse quant à elle Sylvie Cazes, présidente de la Cité du vin et de la Fondation pour la culture et les civilisations du vin, également propriétaire de plusieurs Grands Crus Classés et du restaurant Le Chapon Fin à Bordeaux. Qui l’affirme : le millésime 2022 sera « exceptionnel ».