Couverture du journal du 05/11/2024 Le nouveau magazine

Les opticiens augmentés

Gironde : Enfiler un casque de réalité virtuelle chez l’opticien ? C’est la tendance du moment sur le territoire. Le partenariat entre la société Eyesoft et La Bordelaise de Lunetterie permet un état des lieux de la vision binoculaire en magasin, favorisant l’adaptation des patients aux lunettes. Tandis que l’opticien Iris&Octave s'est reposé sur la société Immersion pour faire de sa boutique « un espace ludique et didactique ». Deux pistes pour faciliter l’accès aux soins et favoriser la digitalisation des métiers de l’optique.

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© Louis PIQUEMIL - Echos Judiciaires Girondins

Eyesoft – La Bordelaise de Lunetterie : les opticiens en blouses blanches

« Nous souhaitions renforcer l’image de professionnel de santé des opticiens, tant auprès de nos clients que de nos équipes », affirme Mathieu Perguilhem, directeur commercial de La Bordelaise de Lunetterie. L’entreprise, dont le siège social se trouve à Talence, a décidé de déployer la solution de la société bordelaise Eyesoft dans ses 25 magasins girondins et ses 5 franchises. Appelée EMAA CHECK, elle permet en quelques minutes de faire un état des lieux de la vision binoculaire. « Notre solution consiste à vérifier l’équilibre entre les deux yeux. Cela permet une identification précoce des troubles oculomoteurs, mais aussi de comprendre voire même d’anticiper en magasin un risque d’inadaptation aux lunettes ou aux verres progressifs », explique Audrey Persillon. Orthoptiste et opticienne, la cofondatrice avec homas Didier d’Eyesoft a rapidement convaincu La Bordelaise de Lunetterie, où elle avait commencé sa carrière dans l’optique en alternance. Avec EMAA CHECK, l’opticien peut être amené à conseiller la réalisation d’un bilan chez l’orthoptiste, dont la spécialité est la prise en charge des déséquilibres entre les deux yeux. « L’idée est de redonner du sens à notre métier et de participer activement aux échanges entre les 3 spécialistes de la filière vision : ophtalmologues, orthoptistes et opticiens », résume Mathieu Perguilhem.

TECHNOLOGIE BREVETÉE

Reposant sur l’utilisation de casques de réalité virtuelle Picot, la solution d’Eyesoft associe sa technologie d’eyetracker avec l’expertise de ses fondateurs : l’orthoptie. « Notre eyetracker fonctionne avec des caméras disposées à l’intérieur du casque, qui filment en temps réel les mouvements des yeux, les analysent et les traduisent dans une feuille de bilan en données objectives et compréhensibles. Tout cela grâce à notre algorithme breveté », décrit Audrey Persillon. La mise à disposition des casques, du logiciel et l’accès à la plateforme d’Eyesoft sont inclus dans l’abonnement de 36 mois souscrit par La Bordelaise de Lunetterie.
Cette technologie avait permis à Eyesoft de créer un premier produit, EMAA PRO, dispositif médical d’évaluation, de rééducation et de télé-rééducation utilisé dans les cabinets d’orthoptie. Lancé en pleine crise sanitaire après 3 ans de R&D, il a nécessité « énormément de travail sur l’ergonomie et l’UX design, afin d’être facile et intuitif dans la prise en main », remarque Audrey Persillon. Et confortable pour les utilisateurs. « Le produit est très agréable et les retours clients très positifs. Il y a de surcroît une vraie curiosité pour les casques de réalité virtuelle », note Mathieu Perguilhem.

Nous souhaitions renforcer l’image de professionnel de santé des opticiens, tant auprès de nos clients que de nos équipes

INTÉGRÉ AU PARCOURS DE VENTE

Reste que le produit doit être intégré au parcours de vente des opticiens. Raison pour laquelle Eyesoft a embauché une opticienne technico-commerciale dans son équipe de 9 salariés. La solution EMAA CHECK est déjà déployée dans une douzaine de boutiques de La Bordelaise de Lunetterie, « celles dont les opticiens ont le plus de formation médicale et donc une appétence pour le sujet », précise Alexandre Bouyé, directeur général et fils du fondateur du réseau girondin. « Nous mettrons à disposition de chacun de nos magasins un cahier des charges de l’utilisation », ajoute Mathieu Perguilhem. Fondée il y a une cinquantaine d’années, La Bordelaise de Lunetterie se considère comme une « entreprise précurseure ». Parmi les premières en France à pratiquer le tiers payant ou encore à installer des salles d’examen de vue pour faire de la vérification de prescription, l’entreprise a opéré un changement stratégique après sa reprise par Alexandre Bouyé en 2016. « Nous sommes sortis des réseaux de soins et sommes entrés dans une dynamique de repositionnement de nos métiers sur le conseil et l’expertise. Eyesoft renforce cette image de personnel paramédical que nous voulons véhiculer », conclut Mathieu Perguilhem. Quant à elle en perpétuelle « recherche de solutions visant à améliorer le confort visuel », la société Eyesoft devrait initier une levée de fonds d’ici à la fin de l’année, pour se lancer à l’export en 2024.

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Iris&Octave – Immersion : Fabuleuse boutique d’optique

Autre pionnier du genre, la boutique Iris& Octave, créée en 2019 par Sylvain Figerou place Tourny à Bordeaux, et qui a déménagé fin juillet à Saint-Vivien-de-Médoc, non loin de Soulac-sur-Mer. « Notre volonté de départ était de ramener du monde dans les magasins d’optique, en proposant un espace ludique et didactique permettant de rapprocher les consommateurs des sens que sont l’ouïe et la vue », résume le dirigeant. « Tout en remettant du professionnalisme et du service au cœur de notre métier », ajoute-t-il. Pour cela, cet ex-gérant de 15 magasins d’optique employant une quarantaine de collaborateurs revend toutes ses boutiques en 2017 et consacre un investissement de 2,1 millions d’euros à son projet. Il imagine un lieu inédit de 300 m2, avec différents espaces que les gens peuvent découvrir librement. Un espace créatif pour les enfants avec miroirs déformants, livres, jeux… ; un Fablab avec découpe laser et découpe numérique pour fabriquer ses propres lunettes à partir de matériaux tels qu’un vieux skateboard ou des douelles. Dans une démarche écologique chère à Sylvain Figerou.

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EXPÉRIENCES SENSORIELLES

Il imagine également tout un parcours muséal avec des expériences sensorielles activées par QR codes. « Nous avons conçu, avec un ancien employé aujourd’hui au Catie, des tables de réalité virtuelle sur la vue ; et développé avec le CNRS des tables d’écoute avec les coudes. Nous proposions aussi une douche sensorielle, un vidéoprojecteur 360° pour immerger les gens dans un œil ou une oreille… », détaille le dirigeant. Sylvain Figerou fait appel à la société bordelaise Immersion, spécialiste des solutions de réalité mixte et augmentée, qui lui fournit ce vidéoprojecteur, un écran tactile d’accueil et un casque de réalité mixte HoloLens de Microsoft. Le tout équipé de la suite logiciel Shariiing d’Immersion. « Nous avons adapté une application HoloLens pour la découverte de l’œil et de l’oreille. Le besoin d’Iris&Octave, consistant à mettre de la 3D au cœur d’une problématique complexe, pour simplifier la compréhension et le partage des savoirs, est le même que celui d’autres clients comme Renault, Alstom ou Airbus », relate Christophe Chartier, PDG et fondateur d’Immersion. L’intérêt pour lui ? « Nous nous intéressons à l’expérience, à l’humain, c’est-ce qui nous a réuni avec Sylvain. Et puis cela nous permettait de tester nos produits grandeur nature, notamment
auprès des enfants », confie-t-il.

Notre volonté de départ était de ramener du monde dans les magasins d’optique

PROBLÈMES DE RECRUTEMENT

À mi-chemin entre le magasin d’optique, puisqu’il vend aussi des lunettes, et le musée interactif, Iris&Octave bénéficie « de retours très positifs, grâce à une très bonne expérience client », assure Sylvain Figerou. Plusieurs villes dans le monde lui ont fait part de leur intérêt pour des franchises, de la Chine au Canada en passant par l’Allemagne et la Norvège. Mais la crise sanitaire a changé la donne pour le dirigeant, obligé de fermer sa seconde boutique à peine ouverte près de la gare Saint-Jean, dont l’investissement n’est pas amorti. Et qui perd 5 employés en 2022, « le commerce et ses contraintes n’étant plus à la mode », analyse-t-il. Confronté à d’importantes difficultés de recrutement, il doit réduire ses activités, perdant au passage la moitié de son chiffre d’affaires. Avec sa femme et collaboratrice, ils décident finalement de déménager la boutique en Nord-Médoc, où ils vivent. « Nous y sommes attendus par les clients qui sont vraiment ravis, car il n’y a pas d’opticien à moins de 40 km. Notre zone de chalandise sera d’environ 12 000 personnes ! », se réjouit Sylvain Figerou . Reste pour lui à recruter notamment un audioprothésiste. Iris&Octave gardera un pied à Bordeaux, à travers des magasins éphémères installés plusieurs fois par an, espère-t-il.

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