Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

L’optique en Gironde, un secteur en bonne vue

Malgré des difficultés - mise en place du 100 % santé, crise sanitaire - le secteur de l’optique résiste, misant sur la qualité, le service et l’innovation.

Optique Gironde

© Shutterstock - Kiselev Andrey Valerevich

Optical Center, Krys, Atol, Afflelou, Optic 2000… Les enseignes d’optique sont nombreuses à se disputer le marché, sans parler des indépendants, des nouveaux acteurs en ligne et de la vente à domicile. Le marché de l’optique pèse lourd : 6,6 milliards d’euros en 2019. Une année très encourageante contrariée en 2020 par la mise en place du 100 % santé et la fermeture des boutiques pendant le premier confinement. Malgré ces difficultés, l’optique a encore de beaux jours devant lui. Avec 12 450 magasins d’optique, dont la moitié d’indépendants, le secteur est très concurrentiel. Les principaux acteurs sont organisés en réseaux de franchise ou de commerces associés.

En Gironde, la spécificité est la présence d’un groupe 100% local : la Bordelaise de Lunetterie

En Gironde, la spécificité est la présence d’un groupe 100 % local : la Bordelaise de Lunetterie, qui au départ était le Laboratoire Bordelais, fabricant de produits pharmaceutiques, qui va créer un secteur optique, avant de créer l’enseigne en 1970. La Bordelaise de Lunetterie, qui a fêté ses 50 ans en 2020, est très bien implantée en Gironde, où elle compte 35 magasins qui drainent la métropole. Si les indépendants comptent la moitié en nombre de magasins, le gros des ventes est réalisé par les principales enseignes. Face au relatif ralentissement du secteur de l’optique, les professionnels du marché jouent un autre atout qui est celui de l’audition, lui en plein essor. Une activité qui s’impose de plus en plus comme complémentaire à la lunetterie. Le secteur a aussi connu son lot de crises : la fusion fin 2018 de l’italien Luxottica (Polo Ralf Lauren, Chanel, Ray Ban, Persol, etc) avec le fabricant français de verre Essilor ne s’est pas faite sans tension. Un an plus tard, le groupe EssilorLuxottica qui devait se rapprocher du distributeur Grand Vision se déchirent en justice.

Atol Bordeaux Lac

Atol Bordeaux Lac © D. R.

 

MISER SUR LE MADE IN FRANCE

Olivier Charbonneau

Olivier Charbonneau, opticien Atol à Bordeaux-Mériadeck © D. R.

Très dépendants des systèmes de remboursement, les vendeurs de lunettes savaient que l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2020, du 100 % santé risquait de tirer les prix vers le bas. L’obligation qui leur est faite, désormais, de présenter au moins un devis avec une paire de lunettes et des verres remboursables intégralement, donc avec des prix plafonnés, devait se traduire, selon leurs calculs, par une baisse de 4 à 5 % du chiffre d’affaires. Pourtant, malgré la mise en place du 100 % santé, le clientèle recherche toujours des produits avec un reste à charge. La qualité paie ! « La façon de vendre n’est plus la même, » remarque Olivier Charbonneau, opticien Atol au Centre Commercial Mériadeck et fin connaisseur du secteur, « les clients viennent avec une idée très précise. Et puis, il y a les modes, avant il fallait que les lunettes soient les plus légères et discrètes possibles, maintenant il faut que ça se voit. On revient sur un côté très vintage, avec des montures écaille… » Certains fournisseurs surfent sur cette vague-là et se montrent très réactifs à l’image de la marque Etnia Barcelona. Des petits fabricants tirent aussi leur épingle du jeu en lançant une collection qui marche sur un temps court. Trouver la bonne collection, c’est propre à chaque magasin, même si on retrouve toujours les grands noms. Le haut de gamme est toujours très prisé : « On choisit des montures de très belle qualité, en acétate découpé et non injecté, avec des dorures, des incrustations, des dessins, des embouts métal, certaines pièces sont uniques, » précise Olivier Charbonneau. Autre argument de poids : le made in France ou origine France garantie. « 80 % des boutiques travaillent avec Luxottica », commente Stéphane Iharassarry, commercial du distributeur de lunettes Urband, « les indépendants ont un immense choix : quelque 2 000 à 3 000 collections sur le marché. Pour se démarquer des grandes enseignes, il faut parfois prendre des risques, se différencier avec un créateur en vue ou miser sur le made in France. Face à l’énorme concurrence, les indépendants misent sur l’offre et le service. « Tout comme le consommateur privilégie les commerces de proximité, il a envie de retourner dans un lieu avec une vraie relation client. Le Covid a eu cet effet également sur le secteur de l’optique », note Stéphane Iharrassarry.

 

SECTEUR INNOVANT

Face aux nouveaux enjeux, l’innovation est aussi un moyen de tirer son épingle du jeu. « Le marché de l’enfant est en constante augmentation, en raison notamment de l’usage des écrans », souligne Stéphane Iharassarry, qui représente la collection pour enfants Eyelet récompensée pour sa charnière et ses branches en titane mémoire de forme. Côté monture, on travaille beaucoup sur des matériaux éco-responsables ou recyclés : acétate, bois… Les Japonais, particulièrement présents dans la recherche et l’innovation, ont créé Hoya, un verre qui freine à 60 % la progression de la myopie chez les enfants. La chaîne d’optique Atol a lancé, avec la start-up Abeye, des lunettes électroniques d’aide à la lecture à l’usage des personnes dyslexiques, conçues et fabriquées en France (cf. interview du PDG d’Atol Éric Plat). « On travaille aussi sur des lunettes conçues pour des personnes âgées qui renvoient un message sur un téléphone programmé s’il y a un choc, » ajoute Olivier Charbonneau, « un jour, on pourra zoomer avec ses lunettes comme avec un appareil photos, les verres pourront foncer en une seconde… » Autant de promesses pour un marché qui n’en a pas fini de nous étonner.

Un jour on pourra zoomer avec ses lunettes comme avec un appareil photos et les verres pourront foncer en une seconde


Atol les opticiens, le parti pris de l’innovation

Lyonnais d’origine, Eric Plat a ouvert son premier magasin à Mériadeck, avant d’entrer chez Atol en 1995 et de lancer son école d’optique à Bordeaux. Opticien de formation, passé par une école de commerce et par l’industrie de la lunette, il est devenu PDG du groupe en 2010.

 

Échos Judiciaires Girondins : Quels sont les points forts de votre groupe ?

Eric Plat

Eric Plat, PDG d’Atol © D. R.

Éric Plat : « Atol réunit 800 points de vente et 2 600 salariés, dont 200 têtes de réseau. La profession s’est digitalisée. On garantit à l’opticien une gestion des bases de données dans son intérêt, ce qui n’est pas toujours le cas pour les indépendants. Elle est gérée en fonction de sa notoriété, de son image, du parcours pré et post achat qui garantissent des performances intéressantes. Elle propose un espace privé personnel, avec espace de rendez-vous, c’est ce qui fait notre différence. Enfin, il y a la centrale d’achat qui apporte à l’opticien des conditions optimales. Nous sommes organisés en entreprise coopérative, ce qui garantit l’indépendance du commerçant. Ceux qui adhèrent à Atol en deviennent actionnaires et bénéficient de ses services. Ce n’est pas pareil qu’une franchise qui appartient souvent à des fonds de pension. Une coopérative ne peut être rachetée, ce qui garantit son indépendance. »

Nous proposons un produit exclusif : Lexilens, un verre connecté pour les dyslexiques

EJG : Êtes-vous présent sur tout le territoire ?

Éric Plat : « Oui, dans la France entière, y compris dans les DOM-TOM. À Bordeaux, nous sommes assez nombreux : 8 pour la métropole, 15 magasins répartis sur toute la Gironde : le territoire est très bien maillé, mieux que pour d’autres enseignes, sûrement parce que je suis présent à Bordeaux. Il peut aussi y avoir des spécificités locales comme dans la région de Périgueux où un associé possède 24 points de vente disséminés dans tous les petits villages, avec un opticien très dynamique qui a maillé son territoire. »

 

EJG : Est-ce un métier de plus en plus technique ?

Éric Plat : « C’est un métier de plus en plus axé sur la santé. J’ai donné une impulsion très forte dans ce sens-là, ce qui nous a amené à développer un centre de recherche et de développement dans les têtes de réseau. Ainsi, nous proposons Lexilens, un produit exclusif qui est un verre connecté qui permet d’aider les dyslexiques à mieux lire. Ce sont deux scientifiques rennais qui ont travaillé sur ce projet, développé par la start-up Abeye (incubée depuis 2018 par Atol) et ont mis au point cette lunette entièrement fabriquée en France. Cela nous a permis de remporter plusieurs prix d’innovation. Mais nous restons avant tout des commerçants. »

 

EJG : Le made in France est un atout dans l’optique ?

Éric Plat : « On a été très précurseurs dans le made in France et Origine France Garantie. Plus de 65 % des produits sont fabriqués en France. On l’a toujours privilégié, cela guide notre action, on a relocalisé la production de certaines lunettes. C’est un parti pris. Cela plaît beaucoup au consommateur. »

 

EJG : Quel est l’avenir du marché de l’optique ?

E. P. : « Je le vois de manière plutôt positive, avec un marché porteur, dynamique, parce qu’on a l’opportunité d’apporter beaucoup d’innovation, parce que la technologie est là. On n’a jamais eu autant d’espoirs de soigner des troubles, que ce soit avec les lentilles de contact, les verres de lunettes, les montures, il n’y a jamais eu autant d’innovations foisonnantes qui vont apporter un véritable bien-être. Par contre, nous souffrons d’un interventionnisme du législateur qui est très fort. Le 100 % santé, qui a été mis en place avec une bonne intention, s’est accompagné d’un tel carcan administratif. Cela nous a obligés à changer nos systèmes d’information, car les devis sont totalement formatés et normés, il a fallu remplacer tous les codes de tous les verres, soit 40 000 références. À quoi bon ? Le 2e risque pèse sur le financement de la santé, via les complémentaires santé, à qui on demande de prendre toujours plus en charge en raison du désengagement de la Sécurité sociale. Du coup, on assiste à une augmentation des cotisations et à une baisse de certains remboursements, et souvent les complémentaires font payer aux professions de la santé, une partie de ce que l’on leur impose. Cela engendre des complexifications dans la gestion du tiers payant. Nos difficultés viennent de cette gestion de la solidarité qui est coûteuse mais de plus en plus inefficace, et un interventionnisme pesant. Notre crainte, c’est que l’État impose un taux de lunettes 100 % santé. L’opticien en viendra à imposer ses produits et perdra en indépendance. »

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