Couverture du journal du 17/07/2025 Le nouveau magazine

[ Portraits judiciaires ] Luc Derepas : Un conseiller d’État à la cour administrative d’appel de Bordeaux

Après une carrière au sein du Conseil d’État – où il retournera en septembre – Luc Derepas est devenu en 2022 président de la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Luc Derepas

Luc Derepas, président de la cour administrative d’appel de Bordeaux © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Bordeaux, c’est un retour aux sources. Et pourtant, Luc Derepas, président de la cour administrative d’appel de Bordeaux, repartira au Conseil d’État où il a effectué l’essentiel de sa carrière, à la rentrée prochaine. « C’est quand même bien de rejoindre son port d’attache », indique-t-il. Cheverus, Montaigne, la fac de droit et Sciences Politiques, c’est son parcours dans la capitale girondine avant une brève carrière de diplomate qui l’a mené à Paris et à Bonn (Allemagne).

Au bout de cinq ans, il passe le concours de l’ENA qui lui permet, à la fin de son cursus, de prendre de nouvelles fonctions juridictionnelles au sein du Conseil d’État : « En droit, j’avais eu le plaisir de découvrir le raisonnement de la jurisprudence administrative, c’est très intéressant intellectuellement et structurant, explicite-t-il. Et puis, un travail de dossiers me convenait davantage. » Il gravit alors les différents échelons du Conseil d’État : auditeur, maître des requêtes, conseiller d’état. « On a diverses fonctions de rapporteur public, d’assesseur. On exerce deux fonctions en alternance, à la fois contentieuse et de conseil juridique du gouvernement. » Il occupe également des fonctions au sein de l’administration : directeur des étrangers en France au ministère de l’Intérieur, mais aussi directeur juridique de l’OIT à Genève.

Troïka

En 2022, il apprend qu’un poste est à pourvoir dans sa ville natale. C’est une nouvelle expérience enrichissante et c’est ainsi qu’il a découvert le corps des magistrats administratifs « d’une grande compétence », glisse-t-il. Au sein de la cour administrative d’appel, sa fonction est double : la gestion de la juridiction « comme un chef de PME » et surtout une fonction juridictionnelle. « Je m’assure que les affaires courantes soient bien aiguillées, je m’assure que les six chambres soient toutes dotées de manière équitable pour gérer le stock et je relis toutes les décisions juridictionnelles, c’est une sorte de contrôle qualité. »

La répartition du travail est très ritualisée et codifiée, avec des séances d’instruction, une audience publique, et à la fin des arrêts avec une troïka des présidents de chambre : « La spécificité de la juridiction administrative, c’est la collégialité ». Ce travail en équipe est pour lui indispensable. « C’est un travail d’innovation et de conservatisme raisonné qui nous permet de respecter la volonté du législateur et la jurisprudence ».

À l’abri des pressions

Parmi les affaires qui l’ont particulièrement marqué, il y a la dérivation de la commune de Beynac-et-Cazenac (Dordogne) qui n’est pas sans rappeler celle de l’A69 (Castres). Cet énorme projet de construction d’une route et d’un pont a été annulé par la Cour. Mais cela pose une question d’exécution puisque les travaux avaient déjà été engagés. « Les affaires qui marquent sont celles qui ont une importance économico-sociale particulière ». La Cour des comptes s’en est saisie : « Cette affaire montre la difficulté pour qu’une collectivité exécute parfois des décisions de justice. » Une exposition médiatique qui n’est pas toujours évidente : « Nous travaillons sobrement à l’abri des pressions », conclut-il.

À mots découverts

Votre dernière lecture : C’est un essai politique L’Empire de l’ombre. Guerre et terre au temps de l’IA de la revue Le Grand Continent qui montre les enjeux géopolitiques actuels avec une très forte pression de l’illibéralisme lié à l’empire croissant de la technologie, tout ça sous la pression de l’IA. C’est à la fois angoissant et très intéressant.

Vous écoutez de la musique : Je suis comblé car c’est une année Ravel, un de mes compositeurs fétiches. Je l’ai écouté la semaine dernière lors du Quatuor Vibre ! à l’auditorium.

Un lieu culturel où vous aimez aller : J’aime beaucoup aller à Malagar, ça fait toujours du bien de se replonger dans l’œuvre de Mauriac. Et cette belle bâtisse est le témoignage d’une époque. C’est très émouvant.

Votre dernier spectacle : Quatre tendances, quatre performances de danse contemporaine au TNBA. C’était très réussi.

Et un film : Les scènes d’action sont très réussies dans le dernier Mission Impossible (rires). Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé, un film roumain qui se passe juste avant la chute de Ceausescu et qui montre très finement ce basculement.