Le dispositif est capable de garantir 100 % de la récolte des viticulteurs, tout en faisant baisser de 80 % l’utilisation des pesticides. « Entre 2019 et 2023, nous avons mené une expérimentation dans 12 propriétés de Gironde, sous la direction de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Elle a permis de démontrer l’efficacité du Viti-Tunnel contre les aléas climatiques tels que le gel (jusqu’à -3 °C) et la grêle (des grêlons de la taille d’une balle de golf), et contre les maladies liées aux fortes pluies, comme le mildiou. Et cela sans aucun produit phytosanitaire de synthèse », affirme Christophe Marange, directeur général de la société Mo.Del, créatrice du Viti-Tunnel.
Composé de structures de métal et de bâches enroulées, le Viti-Tunnel se déploie au-dessus des rangs de vignes temporairement, en cas d’épisode météo. Dans sa version automatique (« Smart protect »), il est équipé de capteurs de détection de la grêle et des pluies contaminatrices, d’un thermomètre, et d’un anémomètre qui mesure la vitesse du vent et déclenche la mise en sécurité du dispositif, au-delà de 101 km/h. Le tout est relié à des panneaux solaires qui le rendent autonome en énergie. « Il se déploie en moins d’une minute et se retire dans le même temps à la fin de l’épisode », précise Christophe Marange.

Déplié, le VIti-Tunnel permet de protéger les cultures du gel, de la grêle et du mildiou. Mais également des fortes chaleurs. © Mo.Del
Fabriqués en Gironde
Créée en 2016 par l’expert en santé des plantes Patrick Delmarre, rejoint en 2019 par Christophe Marange, la société Mo.Del a remporté de nombreux prix, dont celui de l’innovation du ViniTech Sifel en 2022, avant d’être intégrée en 2024 à l’Impact NA20, indice régional de French Tech Bordeaux. Un soutien indéfectible de la Région Nouvelle-Aquitaine, de premiers clients – pour la plupart des propriétés convaincues par l’expérimentation menée avec l’IFV – et une levée de fonds de 2 millions d’euros réalisée en 2024 auprès du fonds Demeter lui permettent d’installer son site de production au Haillan.
L’entreprise dispose aujourd’hui d’un peu plus de 500 m2 de bureaux et d’un atelier où elle assemble l’intégralité des produits Viti-Tunnel : le « Smart protect » automatique, « l’Essential protect » qui doit être déclenché manuellement et un troisième produit de protection des vignes témoins non traités (TNT).
Fabriqués en Gironde, avec une majorité de composants néo-aquitains et bretons (à l’exception des panneaux solaires et de la motorisation), les dispositifs laissent passer les machines agricoles, qui peuvent réaliser le rognage, les vendanges ou encore le travail du sol. « Nous proposons aussi, via notre application, des conseils sur la conduite de la vigne, qui évolue lorsque les sols ne reçoivent plus d’intrants », note Christophe Marange.

Replié près de 97 % du temps, le dispositif Viti-Tunnel ne gêne pas le travail de la vigne et le passage des engins agricoles. © Mo.Del
Consultants chevronnés
Employant une quinzaine de collaborateurs dont dix à plein temps, Mo.Del a commencé à se structurer dès 2023 avec le recrutement d’un ingénieur bureau d’études. Et s’est entouré d’une équipe de consultants seniors pour le moins chevronnés : un ancien directeur des opérations d’Euralis sur la partie administrative et organisationnelle ; l’ancien directeur technique (pendant près de 40 ans) du château d’Yquem, premier cru supérieur classé en 1855. « Francis Mayeur nous accompagne sur la partie politique, et notamment les relations avec l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité). Les châteaux qui utilisent le Viti-Tunnel conservent ainsi leur AOC pendant nos expérimentations, qui doivent cependant rester dans une certaine limite de surface selon le dispositif d’évaluation des innovations (DEI) », précise Christophe Marange. Ainsi que l’ancien directeur méthode de Lectra, « qui nous a conseillés sur toute la partie industrialisation », détaille-t-il.
Mo.Del est ainsi capable d’assembler ses dispositifs entre octobre et mars et dispose de son atelier de R&D destiné « à l’amélioration continue » du Viti-Tunnel. Les équipes travaillent par exemple à l’amélioration de l’électronique, et ont développé une version « camouflée », pour améliorer son intégration paysagère. « Une demande des Climats de Bourgogne, classés au patrimoine mondial de l’Unesco », glisse Christophe Marange. Le Viti-Tunnel n’étant déployé que 3,3 % du temps, il pourra ainsi rester dissimulé grâce à un film coloré lorsqu’il est enroulé.
Nouveaux cas d’usage
Commercialisé depuis 2024 au prix moyen de 55 euros le mètre linéaire dans sa version Smart, 39 euros du mètre linéaire pour sa version Essential, et à 988 euros TTC pour le TNT, le Viti-Tunnel protège déjà 6,2 kilomètres de cultures, et devrait atteindre un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros mi-2026, avec l’objectif de le doubler chaque année.
L’entreprise compte parmi ses clients Petrus, Montrose, Cheval Blanc, mais aussi Andros
L’entreprise compte parmi ses clients Petrus, Montrose ou encore Cheval Blanc, mais aussi le producteur de fruits Andros, qui utilise le Viti-Tunnel pour protéger ses cultures de fruits rouges en Corrèze. Et elle a été approchée par des producteurs de muguet, qui ont imaginé de l’utiliser afin de maîtriser la date de floraison de leurs fleurs.
Si le premier marché du Viti-Tunnel, « ce sont les zones réglementées, où il est interdit de traiter les cultures, notamment proches des riverains, des écoles ou des rivières. Et où il n’existe pas d’alternative en dehors de l’arrachage », remarque Christophe Marange, « les clients viennent vers nous avec de nouveaux cas d’usage », constate-t-il. L’entreprise travaille notamment à « prouver scientifiquement l’aspect protecteur du Viti-Tunnel en cas de fortes chaleurs », ajoute-t-il.

Dans sa version « Essential Protect », moins chère et qui ne se déclenche pas automatiquement, le Viti-Tunnel doit être déployé avec une perceuse. © Mo.Del
Internationalisation
Également contacté depuis l’étranger, principalement en Europe, mais aussi en Australie, aux États-Unis et en Amérique du Sud (Argentine, Chili…), Mo.Del est actuellement en train de structurer son équipe commerciale, menée par Sébastien Labat (passé chez Bernard Magrez ou encore VitiRover).
Nous visons l’internationalisation début 2026
« Nous travaillons à la traduction de nos catalogues et visons l’internationalisation début 2026. Le gros challenge à l’export est le transport et l’installation », précise Sébastien Labat. Qui s’attend rapidement à recevoir « de grosses commandes ». « Nous pourrons alors internaliser notre équipe de production et changer d’échelle avec une usine », confie Christophe Marange. Un objectif visé pour 2027.