Depuis 140 ans, « les activités de Pouey International se sont développées en fonction des besoins de nos clients », assure Marie-Victoire Galeyrand, présidente du directoire de Pouey, arrière-petite fille d’Antonin Pouey, qui a fondé l’entreprise en 1884, et dont le portrait veille au-dessus des bureaux de la direction générale. Mais également sous l’impulsion de ses héritiers, qui se sont succédé à la tête de l’entreprise familiale. Avec Pascal Marchesseau, le directeur général, Marie-Victoire Galeyrand représente la cinquième génération à diriger l’entreprise créée à la fin du XIXe siècle pour comparer les réseaux de transport ferroviaire du Midi.
« À l’époque, il y avait environ huit compagnies. Mon arrière-grand-père a eu l’idée d’établir un recueil manuscrit pour comparer les délais, horaires, coûts… afin d’optimiser le transport de marchandises interentreprises, proposé sous forme d’abonnement », explique la présidente. Faisant parallèlement du traitement de litiges juridiques des transports, Antonin Pouey se tourne naturellement, à la création de la SNCF, vers le recouvrement de créances.
Il devient l’activité principale de Pouey dès 1930 et l’arrivée à la tête de l’entreprise de ses fils, Georges et André Pouey, qui installent leurs bureaux rue de Soissons à Bordeaux, où se trouve toujours le siège technique de Pouey. Dirigée ensuite par les enfants de Georges et André, Marie-Christine, Guy et Jacques Pouey, l’entreprise restera entre les mains de leurs enfants, Bertrand Lacampagne et Thierry Piéchaud, de 1978 au début des années 2020.
Préventif
Ce sont eux qui vont lancer, dans les années 1980, une nouvelle activité qui représente aujourd’hui la moitié du chiffre d’affaires de Pouey International. « Avec le recouvrement, nous faisions du curatif, mais nos clients avaient besoin de préventif. Nous avons donc développé une activité de renseignements commerciaux et d’analyse de solvabilité des entreprises », poursuit Marie-Victoire Galeyrand. Entrée chez Pouey il y a près de 30 ans, elle y a travaillé en tant qu’analyste crédit, département qu’elle a ensuite dirigé avant de prendre la présidence du directoire.
« Avec le recouvrement, nous faisions du curatif, mais nos clients avaient besoin de préventif »
Réalisée par l’équipe de gestionnaires de crédits, « l’analyse de solvabilité est une véritable enquête », explique-t-elle. « Nous agrégeons des bases de données, internes et externes, qui nous servent de point de départ. Puis nous nous intéressons à l’environnement financier, mais aussi économique des entreprises. Nous récoltons de nombreuses données pour avoir un angle d’attaque afin de mener des entretiens avec les directeurs financiers ou les dirigeants d’entreprises, avec leurs partenaires financiers, leurs fournisseurs, etc. », énumère-t-elle.
Cotation
Secteur d’activité, marchés, export, typologie de clientèle, poids des clients, etc., l’investigation va jusqu’à la vérification, sur internet, des recrutements en cours. « Le type et le nombre de postes peuvent nous indiquer si l’entreprise a un nouveau client ou un nouveau produit », précise la dirigeante. La taille de l’entreprise – qui peut aller de l’artisan à la multinationale, en passant par l’ETI locale – la conjoncture et l’apparition de nouvelles problématiques telles que les variations du coût des matières premières et de l’énergie, la hausse des taux d’intérêt ou encore la prise en compte de la RSE, sont autant d’éléments qui entrent dans la gestion de risques. « Tout cela rend ce métier jamais répétitif, et toujours intéressant », se réjouit Marie-Victoire Galeyrand.
Une fois terminée, l’enquête ainsi réalisée fait l’objet d’un rapport, sur la base duquel les analystes crédit donnent une cotation à chaque entreprise. « Elle nous permet de préciser à nos clients s’ils peuvent s’engager sur des encours avec leurs clients ou futurs clients, et pour quels montants », continue la présidente de Pouey, dont l’équipe réalise 25 000 à 30 000 dossiers d’analyse de solvabilité chaque année.
À partir de ses cotations mises à jour en permanence, l’entreprise a également développé un outil digital, le Scoremap, qui offre une analyse et un suivi financier du portefeuille de clients et fournisseurs. Fonctionnant sur abonnement, comme l’ensemble des services de Pouey International, « Scoremap permet à nos clients de gérer eux-mêmes leurs petits encours grâce à une analyse en temps réel de la situation de leurs partenaires », détaille Marie-Victoire Galeyrand.
Assurance-crédit
Après une quinzaine d’années d’analyses de solvabilité, Pouey a réuni « des données et statistiques qui se sont avérées très fiables sur les défaillances d’entreprises. Nous avons donc décidé de proposer une assurance-crédit sur les encours », poursuit la présidente. Sous l’égide de Bertrand Lacampagne et de Thierry Piéchaud, Pouey International fonde ainsi en 1997 la société d’assurance-crédit PRCG SA (pour Pouey renseignement commercial garanti), filiale du groupe, qui lui en délègue la partie technique.
C’est également sous la direction des petits-enfants d’André et de Georges Pouey qu’à partir des années 2000, l’ensemble de l’activité de l’entreprise se développe à l’international. Et ce grâce à un réseau de mandataires à l’étranger, qui peuvent se rendre physiquement sur place pour recouvrir les créances ; mais aussi à l’agrégation de bases de données internationales et à l’embauche de gestionnaires de crédit multilingues. Pouey a également ouvert des filiales en Espagne, Italie, Belgique, Allemagne et Pays-Bas. Et prévoit de développer son activité au Portugal, où elle dispose déjà d’un agrément en libre prestation de service (LPS) d’assurance-crédit.
Digitalisation
Ce sera l’un des projets de développement des actuels dirigeants du groupe, eux aussi les petits-enfants d’André et Georges Pouey. Marie-Victoire Galeyrand et Pascal Marchesseau ont également l’intention d’élargir l’offre de services proposée par Pouey en développant la partie logicielle. « Nous allons conserver notre cœur d’activités principales autour du recouvrement et de l’analyse de solvabilité. Mais nous travaillons aussi beaucoup en R&D sur la facturation électronique. Nous voulons nous intégrer dans le parcours client pour la partie recouvrement, c’est indispensable », estime Marie-Victoire Galeyrand, qui anticipe la réforme imposant la facturation électronique entre entreprises françaises assujetties à la TVA, obligatoire à partir de 2026.
« Nous travaillons beaucoup en R&D sur la facturation électronique »
Pouey vient ainsi de nouer un partenariat stratégique avec Sequino, fintech éditrice d’un logiciel de facturation et précomptabilité, pour développer une solution de facturation électronique incluant son outil d’analyse de risque de solvabilité, Scoremap, disponible dès septembre 2024.
L’entreprise a signé un partenariat avec la start-up bordelaise Lysta
En cette rentrée, l’entreprise a également signé un partenariat avec la start-up bordelaise Lysta pour lancer la solution FairScale. « Ce logiciel de détection de fraude basé sur l’intelligence artificielle permet d’identifier en un clin d’œil les éléments à risque d’une entreprise, l’honorabilité des dirigeants ou les risques potentiels de fraude. Grâce à des critères novateurs et objectifs, cet outil va aider nos clients à prendre des décisions éclairées », affirme la dirigeante. « Nous recherchons sans cesse de nouveaux produits, nous bourgeonnons d’idées ! », assure-t-elle.
Clients B2B
De quoi toujours répondre aux attentes des clients de Pouey, composés d’entreprises de tous les secteurs d’activité, qui travaillent en B2B, en France, en Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud ou encore en Afrique. « Il y a une trentaine d’années, nous avions beaucoup de clients dans le retail et l’habillement. Actuellement, nous sommes très sollicités par le secteur de l’intérim, notamment dans le BTP, et l’industrie. Et plus récemment, nous avons reçu de nombreuses demandes concernant des promoteurs immobiliers », remarque Marie-Victoire Galeyrand.
Chanel, Safran, Lafarge, les céramiques espagnoles Saloni et Porcelanosa, le géant du BTP italien Grupo Made… La clientèle de Pouey compte de très grandes entreprises mais aussi des TPE et PME locales, dans le secteur du transport, de l’équipement ou des vins et spiritueux, comme le groupe Bernard, GT Location ou encore Parot. « Bordeaux représente environ 5 % de nos clients », précise la présidente.
Employant 200 personnes dans l’ensemble de ses filiales, dont Paris et Lyon, Pouey International compte 150 collaborateurs à Bordeaux, où se trouve toute la partie opérationnelle et technique du groupe. « Nous avons en permanence quelques postes ouverts en gestion de crédit, recouvrement, langues, en informatique, force de vente, etc. Le recrutement est un sujet permanent pour toutes les entreprises, dans tous les secteurs d’activité », affirme Marie-Victoire Galeyrand, qui se félicite néanmoins de la fidélité de ses équipes.
« Bon père de famille »
« Nous avons un fonctionnement très transverse, avec beaucoup de communication interne. Nous voulons garder nos collaborateurs, c’est essentiel, donc nous pratiquons l’écoute, la bienveillance et faisons participer nos équipes aux décisions de l’entreprise », poursuit-elle. Gérant le groupe « en bon père de famille », lui assurant « une croissance lente et solide », la famille Pouey a hissé l’entreprise au rang de première société française indépendante dans le secteur de la gestion du risque client, avec un chiffre d’affaires de 32 millions d’euros en 2023.
Et si la « période actuelle de crispation économique » impose aux équipes de Pouey de « porter une attention particulière sur l’activité d’assurance-crédit et les dépôts de bilan, qui ont fortement augmenté ; mais aussi sur l’analyse de l’endettement, qui reprend toute son importance avec la hausse des taux d’intérêt, le remboursement des PGE ou encore le retour du recouvrement des dettes Urssaf… », elle stimule également l’activité de l’entreprise. En particulier sur l’analyse de solvabilité et le recouvrement de créances à l’amiable, « qui permet de conserver de bonnes relations commerciales avec ses partenaires », note-t-elle. « Il faut rester positif : beaucoup d’entreprises gèrent très bien ce contexte, quel que soit le secteur, même ceux qui sont en crise », conclut Marie-Victoire Galeyrand.
POUEY INTERNATIONAL EN CHIFFRES
Date de création : 1884
Effectifs : 200 (dont 150 à Bordeaux)
CA 2023 : 32 millions d’euros
50 % en recouvrement de crédit et 50 % en analyse de solvabilité garantie