Jusqu’ici cantonnée au monde numérique, l’intelligence artificielle fait son arrivée dans le monde physique avec le robot Reachy 2. Développé par Pollen Robotics, entreprise fondée en 2016 par Matthieu Lapeyre et Pierre Rouanet, deux chercheurs du centre Inria de l’université de Bordeaux, Reachy 2 est « une plateforme robotique humanoïde open source. Elle permet aux chercheurs et aux entreprises d’IA de déployer et tester leurs modèles sur des applications de manipulation ou d’assemblage », décrit Matthieu Lapeyre.
Avec ses capacités d’apprentissage de tâches, ses performances améliorées en termes de préhension et de motricité fine, son autonomie et sa robustesse, Reachy 2 est capable de reconnaître un objet et de le saisir afin de le placer à un endroit précis, y compris lorsqu’il s’agit de matériaux fragiles tels que du verre. « Il s’agit d’un robot mobile qui recueille et utilise un ensemble de données brutes de manipulation pour créer un modèle qu’il reproduit ensuite dans le monde réel », détaille le CEO de Pollen Robotics. Ses applications peuvent aller de l’industrie (sur des chaînes de production) au retail (Reachy 2 étant capable de plier des vêtements ou de mettre des produits en rayon, par exemple), en passant par la santé (dans le milieu hospitalier, notamment) et l’événementiel.
Visage expressif
Juché sur une base mobile qui lui permet de se déplacer sans difficulté, Reachy 2 se compose d’un buste vêtu d’un marcel marinière Armor Lux, revendiquant sa fabrication française, de deux bras articulés au bout desquels se trouvent ses grippeurs équipés de capteurs et d’un visage expressif aux yeux dissymétriques surmonté d’antennes pour lui donner l’air sympathique. « Proposer un robot humanoïde induit plusieurs avantages. Reproduire la morphologie humaine permet de conserver les postes de travail dans un environnement industriel existant, tout en les automatisant », commence Matthieu Lapeyre.
Cela permet également de programmer le robot grâce à la démonstration : des téléopérateurs équipés de casques de réalité virtuelle et de manettes peuvent entraîner Reachy 2 à reproduire un geste via ceux de l’humain. Des données issues de vidéos d’humains peuvent aussi être directement transposées vers le robot. Enfin, « le côté humanoïde facilite les interactions homme-machine, ce qui est intéressant sur la partie collaborative et l’acceptation du robot, dont les opérateurs comprennent les intentions. D’où l’accélération actuelle de la robotisation humanoïde induite par l’accélération de l’IA », estime le dirigeant.
Partenariats prestigieux
Assemblé à Bordeaux, en plein centre-ville, par l’équipe pluridisciplinaire d’une trentaine de personnes de Pollen Robotics, Reachy 2 est équipé d’un ordinateur et d’un kit de base, Pollen vision, développé en partenariat avec la start-up spécialisée en IA Hugging Face. « Nous avons intégré en 2023 l’incubateur AI Start-up Program de Meta (maison-mère de Facebook, NDLR), un programme d’accélération d’IA open source. Cela nous a permis de travailler avec des développeurs de chez Meta, mais aussi avec Hugging Face, sur leur application Le Robot, sur l’apprentissage des gestes », explique Matthieu Lapeyre.
Nous avons intégré en 2023 l’incubateur AI Start-up Program de Meta
Cette nouvelle version du robot Reachy a été financée grâce à l’obtention d’une 2e place au prix international Ana XPrize en 2022, pour lequel Pollen Robotics a reçu une dotation de 2 millions de dollars, à une levée de fonds de 2,4 millions d’euros bouclée en 2023, et aux ventes de Reachy 1. Elle a déjà été commandée par cinq clients, dont trois universités américaines, depuis son lancement le 2 octobre. « Nous sommes actuellement en train de mettre en place une collaboration avec l’entreprise Maxon Motor pour l’industrialisation d’actionneurs que nous avons réalisés en interne », précise le CEO.
Nouvelle levée de fonds
Également lauréate d’un appel à projets France 2030 dédié aux robots d’excellence pour un montant de 3 millions d’euros, Pollen Robotics songe déjà à la troisième version de Reachy. « Reachy 2 est un robot de prototypage d’applications industrielles. L’étape suivante sera de créer des robots avec des applications métier pour nos clients utilisateurs finaux », assure Matthieu Lapeyre.
D’ici là, il prévoit de lancer un nouveau tour de table début 2025.