En 1871, Henri Gervex (1852-1929) entre à l’École des Beaux-Arts dans l’atelier de Cabanel, l’un des grands peintres académiques du Second Empire, où il reste cinq ans. Il évolue ensuite au contact des impressionnistes et de Manet, qu’il rencontre en 1876 et avec qui il partage un goût pour les sujets liés à l’univers des demi-mondaines.
En 1878, Gervex propose au Salon trois œuvres dont ce tableau, Rolla, qui est refusé pour immoralité. La toile est cependant exposée pendant trois mois chez Bague, un marchand de tableaux situé au 41 rue de la Chaussée-d’Antin à Paris. Elle attire des foules de Parisiens et son côté délicieusement scandaleux fera la célébrité de l’artiste.
Dans cette œuvre, Gervex transpose un poème éponyme d’Alfred de Musset de 1833 qui raconte le suicide de Rolla, un jeune bourgeois dandy ruiné. La présence d’éléments aussi symboliques qu’explicites (draps défaits, corps alangui de la femme, corset dégrafé, canne émergeant des tissus, telle un symbole phallique) rend la scène immédiatement compréhensible aux yeux des contemporains : il s’agit là du lendemain d’une nuit d’amour avec une prostituée.
Ce tableau est représentatif de l’ambivalence du style de Gervex, tiraillé entre la leçon de son maître Cabanel (traitement léché du nu dans la tradition académique) et les innovations de l’impressionnisme (modernité du sujet, traitement de la lumière…).
Henri Gervex, Rolla, 1878, détail, Musée d’Orsay, Paris, en dépôt au musée des Beaux-arts de Bordeaux depuis 1933