Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Ventigel fait fondre les vignerons

Pierre Perrinet, gérant de l’entreprise Polypoles au Haillan, a développé un système combinant une forte ventilation et un chauffage afin de protéger les cultures du gel. En 2022, dans le Bordelais, 82 Ventigel ont été déployés dans 45 propriétés viticoles.

Pierre Perrinet, Ventigel

Pierre Perrinet, président fondateur de Ventigel © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

« Sur les 6 derniers printemps, 4 ont été marqués par des gelées tardives. » Dans les locaux de l’entreprise Polypoles, au cœur de la zone d’activités du Haillan, Pierre Perrinet, son dirigeant, nous désigne une carte du vignoble bordelais constellée de punaises rouges. Elles matérialisent les châteaux où cet ingénieur des Arts et Métiers a installé ses Ventigel pour protéger les vignes des redoutés frimas printaniers. En 2022, une centaine d’appareils ont été vendus, dont 82 dans la région bordelaise.

Perché sur un mât métallique, un ventilateur de forte puissance, alimenté par de l’électricité, combiné à un système de chauffage au fuel, permet de limiter les dégâts sur les ceps de vigne lorsqu’ils se mettent à bourgeonner. « Le principe est assez simple, on sèche d’abord le végétal avec un flux d’air puis on le chauffe pour éviter qu’il ne gèle », détaille Pierre Perrinet.

L’idée de cette impressionnante machine germait dans un coin de sa tête depuis 2003. C’est finalement en 2020 que le projet Ventigel se concrétise.

« Philippe Ferrier, propriétaire du château Duplessis arrive dans mon bureau et me sollicite pour que l’on trouve ensemble une solution contre le gel », se souvient-il. Une première version, fixe, du Ventigel voit le jour. Six mois plus tard, en 2021, une deuxième version est développée, « fruit d’un échange continuel entre Philippe Ferrier et moi ».

OBJECTIF : 150 VENTIGEL

En ce mois de mars 2023, dans les 1 800 m2 d’atelier de l’entreprise Polypoles, qui fabrique les Ventigel pour le compte de la société Setag (dont Pierre Perrinet est aussi le PDG), les équipes s’affairent pour peaufiner la préparation des 150 appareils assemblés cette année. Une troisième version du Ventigel améliorée en se basant sur les retours clients. « Ce nouveau modèle est plus silencieux », se félicite Pierre Perrinet. L’appareil, de moins d’un mètre de large, peut couvrir environ 3 hectares. Et il peut être déplacé entre les vignes grâce à trois points d’attelage.

« Ventigel nous a aidé à protéger facilement notre vignoble de 2 hectares », témoigne François Balaresque du Clos Cabana qui avait gelé à 90 % en 2021. En 2022, après s’être équipé de Ventigel, le gel n’aurait touché que 2 à 3 % de ses cultures.

DES SUBVENTIONS

Les viticulteurs peuvent être aidés pour financer l’achat des Ventigel, vendus un peu moins de 30 000 euros l’unité. « Il existe un programme de subvention de 30 % du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ou de 40 % de la part de France Agrimer, plafonné à 40 000 euros », précise Pierre Perrinet. Dans son plan de développement, le chef d’entreprise songe déjà à proposer, dès 2024, un service de location longue durée à ses clients.

Les viticulteurs peuvent être aidés pour financer l’achat des Ventigel, vendus un peu moins de 30 000 euros l’unité

VERS L’ARBORICULTURE

Après deux saisons de rodage, Pierre Perrinet prévoit aussi d’élargir sa clientèle cible. « On se développe déjà en Charente, auprès des producteurs de cognac. Puis on se rapproche aussi du secteur de l’arboriculture », glisse-t-il. Des contacts ont déjà été noués avec l’union des pruniculteurs du Lot-et-Garonne ainsi qu’avec des producteurs de kiwis dans les Pyrénées-Atlantiques. Et d’autres technologies pourraient sortir des locaux du Haillan, par exemple des poêles à granulés pour les vignes. « On réfléchit à toutes les solutions qui pourraient aider les viticulteurs à lutter contre le gel », insiste Pierre Perrinet.

Avec un chiffre d’affaires prévisionnel de 4 millions d’euros pour 2023, Setag (qui emploie actuellement 5 personnes) devrait doubler ses effectifs prochainement. Et affiche des objectifs ambitieux : « d’ici cinq ans, nous voudrions vendre 500 exemplaires du Ventigel par an ». Les punaises rouges sur la carte du vignoble bordelais devraient donc se multiplier dans les années à venir.

 

POLYPOLES SOUFFLE LE CHAUD ET LE FROID

Si Pierre Perrinet consacre aujourd’hui 95 % de son temps à la société d’exploitation des technologies antigel (Setag) qui commercialise les Ventigel, il est aussi le dirigeant de l’entreprise Polypoles. Lorsque son père décède subitement en 1998, il décide de racheter l’entreprise familiale, spécialisée dans le chauffage industriel, pour éviter de la liquider et préserver ses 5 emplois. Polycombus devient alors Polypoles et se développe dans la vente et la location de produits de chauffage et de climatisation à destination des professionnels et des collectivités. En 2022, la PME a réalisé un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros et emploie 45 personnes.