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W Platform : vers le recyclage du CO2 fermentaire

BORDEAUX - Matthieu Plante et Jean-Philippe Ricard ont fondé W Platform en 2021. La spécialité de la start-up : la captation du CO2 issu de la fermentation alcoolique et sa réutilisation pour les secteurs viticoles et brassicoles. Ils viennent de rejoindre InnoGaronne, technopole dédiée à la transition énergétique.

Matthieu PLANTE, Jean-Philippe RICARD, W Platform

Matthieu PLANTE et Jean-Philippe RICARD ont fondé W Platform en 2021. © WPlatform

« Nous sommes concentrés sur la captation du dioxyde de carbone (CO2) fermentaire, afin d’éviter qu’il ne soit relâché dans l’atmosphère, et sa réutilisation pour les secteurs viticoles et brassicoles », expose Matthieu Plante, cofondateur de W Platform avec Jean-Philippe Ricard.

À la sortie de la cuve

« L’idée est de mettre en place des circuits afin que le CO2 produit par les viticulteurs et les brasseurs lors de la fermentation (du raisin et houblon), puisse être réutilisé pour leurs besoins internes. Ils achètent aujourd’hui des volumes importants de CO2 d’origine fossile », détaille le codirigeant. Pour réaliser cette captation, le CO2 est filtré directement à la sortie de la cuve de fermentation, lorsqu’il est encore humide. « L’innovation de notre technologie consiste à filtrer et comprimer jusqu’à 200 bars permettant une consommation énergétique très faible », argumente-t-il.

Matthieu PLANTE, Jean-Philippe RICARD, W Platform

Le réseau de captation du CO2 fermentaire, installé au Château Latour. © WPlatform

Une levée de 2 millions d’euros

Pour financer son développement, la start-up a levé, en mars 2024, deux millions d’euros auprès du fond VitiRev Innovation, piloté par les équipes de Demeter Investment Managers et vient d’intégrer la technopole InnoGaronne, portée par Bordeaux Métropole. Soutenus par la Région et Bpifrance, Jean-Philippe Ricard et Matthieu Plante ont également bénéficié de l’accompagnement de deux incubateurs : Unitec et Start-up Win de Bernard Magrez.

Comptant une dizaine de clients, dont Château Latour, Château de Respide, ou encore Les Grands Chais de France, W Platform propose deux offres pour la captation de leur CO2 : l’achat de l’équipement ou la location longue durée. « Les équipements peuvent aussi être financés par FranceAgriMer (établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture ayant pour mission d’appliquer certaines mesures prévues par la PAC) par le biais des subventions », développe Matthieu Plante. Les équipements sont ensuite assemblés par la start-up.

« L’ambition est qu’il n’y ait aucun impact sur la qualité du vin en fermentation, ni sur l’activité des personnes au chai », précise-t-il.

Une offre pour les méthaniseurs

Des projets de développement, la start-up installée à Bassens n’en manque pas. « Nous avons clôturé notre année 2023 avec un chiffre d’affaires d’un million d’euros, et avons pour objectif de le doubler tous les ans sur les prochaines années », annonce Matthieu Plante.

Nous avons pour objectif de doubler notre chiffre d’affaires tous les ans sur les prochaines années

Pour y parvenir, la société travaille notamment sur une offre pour les méthaniseurs. « Nous sommes aussi en train de mettre en place, en collaboration avec la Région Nouvelle-Aquitaine, le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) et diverses associations, une plateforme d’économie circulaire pour les viticulteurs ou méthaniseurs qui seraient en excédent de CO2 », décrit le cofondateur.

Ils envisagent aussi de proposer leurs produits en Amérique du Sud.

Matthieu PLANTE, Jean-Philippe RICARD, W Platform

WPlatform propose aussi une solution pour gazéifier l’eau et en réduire la consommation au chai, CO2 Water. © WPlatform

Réduire le degré d’alcool dans le vin ?

Parallèlement à la captation du CO2 fermentaire, W Platform développe d’autres solutions innovantes dans le cadre de sa R&D et notamment « Less Alco » : un système de réinjection du CO2 fermentaire durant la phase de vinification qui permet de réduire de 0,5 à 2 le degré d’alcool. « Il fait de plus en plus chaud, donc il y a davantage de sucre dans les raisins et par conséquent plus d’alcool dans les vins », rappelle le cofondateur. Le système breveté consiste à « capter » le CO2, le sécher, puis le renvoyer en fond de cuve avec des diffuseurs pour récupérer de l’eau et de l’alcool. Le processus, qui se nomme le stripping, est naturel. Des essais concluants ont été menés en partenariat avec l’ISVV (Institut des Sciences de la Vigne et du Vin), puis en conditions réelles auprès d’une cave en 2023. La société cherche désormais des « ambassadeurs » pour des tests au cours des prochaines vendanges.

Parallèlement la start-up a également lancé également un bureau d’études, WCE Process, proposant des conseils et ingénierie en décarbonation et économie circulaire. L’ambition : proposer à tout industriel de traiter ses effluents gazeux et réduire son empreinte carbone. L’entreprise compte déjà parmi ses clients des grands comptes tels que Veolia, L’Oréal, Groupe Gazechim, Orano, Holcim, ou encore Artelia. « Nous aimerions nous implanter davantage localement et aider les acteurs locaux dans leur décarbonation », conclut Matthieu Plante.