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Wineandco : vins tendances

BORDEAUX. Fondé en 1999 et dirigé depuis 2002 par Bernard Le Marois, le pionnier français de la vente de vin en ligne Wineandco, installé à Bordeaux, livre les secrets de sa longévité. Et son analyse de l’évolution de la consommation de vin, basée sur plus de 23 millions de données récoltées depuis 20 ans.

Bernard Le Marois, Wineandco

Bernard Le Marois, P.-D.G de Wineandco © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

C’est au détour d’un voyage d’études aux États-Unis en 1999 qu’une bande d’étudiants en école de commerce parisiens découvrent Internet. De retour en France, ils ont l’idée de créer un site de vente en ligne de vin, Wineandco est né. « Au début, lorsqu’ils recevaient une commande, ils la faxaient aux viticulteurs, qui envoyaient eux-mêmes le vin aux clients. Mais rapidement, ils se sont rendu compte qu’il fallait optimiser le service, centraliser les commandes et les faire livrer eux-mêmes », raconte Bernard Le Marois, P.-D.G. de Wineandco.

La société est rachetée en 2001 par le négociant bordelais Millésima et le géant du luxe LVMH, qui développent l’activité en faisant évoluer le modèle. « Pour vendre à de bons prix sur Internet, il faut être négociant : acheter des vins en propriété en amont, les stocker, puis les vendre. Wineandco a donc développé une activité de négociant en parallèle de l’activité de vente en ligne », précise le dirigeant. En 2014, Bernard Le Marois, accompagné par La Martiniquaise (producteur de vins et spiritueux dans le top 10 mondial), rachète l’entreprise et installe son stock à Blanquefort et son siège social quai des Chartrons, à Bordeaux.

« Europe First »

Aujourd’hui, Wineandco caracole dans le top 4 des vendeurs de vin en ligne français, avec un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2023, 100 000 clients actifs et 5 000 références de vin qui couvrent principalement les régions françaises. Réalisant environ 65 % de ses ventes en France, et 35 % à l’export, principalement en Europe, l’entreprise adapte sa gamme à la demande des consommateurs. « Et pour les Européens, c’est Europe first », remarque Bernard Le Marois.

« Notre cible, ce sont des cadres supérieurs autour de 40 ans, qui considèrent le vin comme un produit culturel. Ils aiment varier les régions et font des choix très éclectiques, oscillant entre des marques connues et des pépites que l’on valorise sur le site », ajoute-t-il.

Conseil

Pour les aider dans leur choix, Wineandco a construit une équipe d’une trentaine de personnes, dont huit au sein de son pôle marketing. « Ce sont eux qui déterminent les événements sur le site et les vins que l’on va mettre en avant. Cela nécessite un important travail d’analyse. Ils sont également en lien avec les châteaux, pour connaître leur histoire et la transmettre. L’idée, c’est qu’en lisant notre site, le consommateur ait l’impression d’être en face du vigneron », assure le dirigeant. Les membres du pôle achats, quant à eux, « passent leur temps dans les propriétés pour déguster, échanger avec les viticulteurs, aller dans les salons… ».

Cela fait 20 ans que nous vendons du vin et adaptons notre gamme à la demande des consommateurs

La partie logistique prépare les commandes et les remet au transporteur, qui les livre en 24 heures. « Chronopost est notre partenaire privilégié mais nous nous occupons de mettre les bouteilles dans un emballage qui les protège des chocs physiques et thermiques », précise Bernard Le Marois. Et deux salariés sont affectés au service clients, sollicité pour des conseils d’accords mets-vins, et le choix d’un vin en fonction d’un événement. « Garder ce service en interne est un choix stratégique, cela fait partie de la valeur et de l’ADN de la société, notre métier principal étant le conseil », estime-t-il.

La révolution de l’IA

Enfin, le pôle informatique, composé de quatre développeurs, fait évoluer le site internet en permanence et réalise une refonte complète tous les cinq ans. « La technologie est essentielle dans notre activité. Nous avons constaté qu’à chaque évolution technologique, notre chiffre d’affaires connaissait un bond énorme », affirme Bernard Le Marois.

Facilitant les commandes sur internet, l’arrivée de l’ADSL a ainsi permis à Wineandco de multiplier son chiffre d’affaires par deux entre 2003 et 2005, puis par trois entre 2005 et 2009. La démocratisation du smartphone a permis à l’entreprise de doubler son chiffre d’affaires entre 2009 et 2016. « Aujourd’hui, les deux tiers de notre chiffre d’affaires sont réalisés sur smartphone. Et depuis 4 ans, notre site est développé d’abord pour le mobile », confie le P.-D.G.

Prochaine révolution attendue : l’avènement de l’intelligence artificielle. « Nous avons déjà commencé à l’utiliser. Nous pensons que l’IA va nous permettre de faire de l’hyperpersonnalisation, avec un impact certain sur notre chiffre d’affaires », anticipe le dirigeant.

Adapter la demande

Impactée par le contexte économique, politique et d’incertitude, par la baisse mondiale de consommation de vin, et une campagne des primeurs 2023 décevante, l’activité de Wineandco restera néanmoins florissante en 2024, avec un chiffre d’affaires prévisionnel de 25 millions d’euros (+25 % sur un an). « Cela fait 20 ans que nous vendons du vin et adaptons notre gamme à la demande des consommateurs. Le secret de notre longévité réside dans le fait d’être attentif à la demande et aux goûts des clients qui évoluent. Nous avons tout un système de rotation des stocks et abandonnons les références qui se vendent moyennement », consent Bernard Le Marois.

Pour analyser cette demande, Wineandco récolte un ensemble de données sur son site : vins, millésimes, prix, couleurs, régions… En 20 ans, l’entreprise a réuni plus de 23 millions de données qu’elle a décidé d’analyser pour observer l’évolution de la consommation de vin en France, en termes de volume et de chiffre d’affaires. En voici les principaux enseignements, qui vont à l’encontre des idées reçues.

Bernard Le Marois : Parcours

Originaire de Lille, Bernard Le Marois est diplômé d’une école de commerce et d’une formation en dégustation de l’Institut des sciences de la vigne et du vin (à Villenave-d’Ornon). Initié à la mise en bouteille de vin par son père, il l’assure : « j’ai toujours été passionné par le vin ». Il dirige Wineandco depuis 2002 et a racheté l’entreprise avec La Martiniquaise en 2014.

Vente de vin en ligne : loin des idées reçues

Le bordeaux se maintient, le champagne explose

Selon l’analyse des ventes par volume (et non par chiffre d’affaires, ce dernier étant tronqué par l’inflation), Wineandco constate que depuis 20 ans, sur le plan des régions viticoles, celle de Bordeaux oscille entre 30 et 40 % du volume vendu, sur des périodes de 4 à 5 ans. « On dit toujours que le bordeaux est en crise, ce qui est très net ces cinq dernières années. Mais cette même variation a lieu depuis 20 ans, la messe n’est donc pas dite pour demain », analyse Bernard Le Marois.

La Bourgogne, qui représentait 10 % du volume vendu jusqu’en 2013, a connu une lente décrue pour tomber à 6 % depuis 2019, année de stabilisation. Autre fait marquant, la Champagne, qui représentait dans les années 2000 autour de 10 % des ventes, avant de chuter à 5 % en 2013-2014, explose depuis 4 ans. « Les ventes de champagne représentent 16 % des ventes en volume en 2023, ce qui est considérable, d’autant que les prix sont élevés. Le champagne représente aujourd’hui la deuxième catégorie vendue, après le bordeaux », note le P.-D.G. de Wineandco.

Enfin, la variation la plus forte concerne la vallée du Rhône, avec 11 % des ventes en point bas et 19 % en point haut. « C’est une région qui varie énormément chaque année, sans régularité. Les ventes sont très dépendantes des coups de cœur que l’on a pu sourcer sur place. Ici, notre travail de prescripteur joue beaucoup », estime Bernard Le Marois.

Bernard Le Marois, Wineandco

Le rosé à la traîne, le blanc sur toutes les tables

Contrairement à une idée reçue, le rosé n’a jamais percé en termes de volume sur Wineandco, représentant environ 4 % des ventes depuis 2017. Le blanc, en revanche, connaît une véritable explosion depuis 3 ans, passant de 25 % en 2018 à 38 % en 2023, avec une progression continue depuis 2019.

« Nous l’interprétons par une évolution sociétale. Nous sommes passés d’une consommation du vin à table, avec des repas qui duraient un certain temps, avec différents vins servis, à une consommation de l’ordre de l’apéritif dînatoire, où l’on passe d’un endroit à un autre, correspondant au blanc, plus facile à boire », analyse Bernard Le Marois. Une nette progression qui s’est faite au détriment du rouge, passé de 72 % des ventes en 2018 à 58 % en 2023. « Nous avons adapté notre offre à la demande du client. Il y a donc évidemment plus de blanc sur Wineandco aujourd’hui », admet-il.

Bernard Le Marois, Wineandco

Pas de tendance de fond pour le bio

Si l’on parle énormément des vins bio et de la nécessaire conversion des vignobles, les ventes de Wineandco, elles, démentent une potentielle tendance de fond : les ventes de vin bio plafonnent à 2-3 % du volume depuis 5 ans. En revanche, les vins biodynamiques ont très fortement augmenté, passant de 1 à 6 % du volume vendu en 3 ans. « Si l’on résume, lorsque les gens cherchent des vins naturels, ils sont puristes et se tournent vers la biodynamie, qui est un critère d’achat, contrairement au bio. Mais 90 % des vins vendus restent en agriculture traditionnelle », remarque Bernard Le Marois.

Bernard Le Marois, Wineandco

Boire moins, mais mieux (ou plus cher)

L’analyse des ventes par tranche de prix (non corrigées de l’inflation), moins de 8 euros, 8-12 euros, 12-20 euros, 20-30 euros, 30-50 euros, 50-100 euros, plus de 100 euros, montre que les vins dont le prix est supérieur à 50 euros sont stables sur 20 ans. Autre point notable, alors que la catégorie la plus vendue était auparavant celle des vins de moins de 8 euros, depuis 4 ans, c’est celle des 12-20 euros qui tient la première place. « Nos chiffres rejoignent toutes les études sur la consommation de vin qui montrent que les gens boivent moins, mais mieux : ils commandent moins de bouteilles, mais privilégient des vins plus chers », note Bernard Le Marois. Enfin, si les ventes de vin au niveau mondial ont bien baissé, le nombre de commandes par client sur Wineandco, de 1,65 bouteille par an, reste assez stable. « On ne subit pas de chute de l’achat de vin sur Internet », conclut-il.

Primeurs : des ventes fonction du millésime

Concernant la dépense pour les vins primeurs, elle semble directement corrélée à la qualité du millésime : plus le millésime est qualitatif, plus il est cher, plus le client dépensera une somme importante. Définie par l’ensemble de la profession : propriétés, négociants, courtiers, journalistes, dégustateurs… l’évaluation de cette qualité est très suivie et a un impact fort sur les ventes de primeurs. « L’autre point important, qui va une fois encore à l’encontre des idées reçues, est que plus le millésime est qualitatif, plus on va acheter de bouteilles, et de grands crus classés. Tandis que plus le millésime est faible, plus le client achètera des bouteilles moins chères », constate Bernard Le Marois.