À l’heure où les fermetures d’usines se multiplient en France, la société girondine Activ’Inside a ouvert non pas une, mais deux usines lui permettant de produire ses compléments alimentaires. Inaugurées fin septembre, elles offrent à l’entreprise la maîtrise de toute la chaîne de valeur de la production de compléments alimentaires : extraction, caractérisation et objectivation des ingrédients et de leurs principes actifs à Cestas ; fabrication de produits finis à la Manufacture de Beychac-et-Caillau, son siège social.
Créée en 2009 par Benoît Lemaire, David Gaudout et Stéphane Rey, Activ’Inside a, dès le départ, adopté un positionnement inédit dans le monde des compléments alimentaires. « Nous voulions proposer une nouvelle approche, dans laquelle la science est centrale. Nous sommes partis d’une publication de l’université de Bordeaux et de l’Inserm, montrant une corrélation entre la consommation de polyphénols et le ralentissement du déclin cognitif. Tous les actifs végétaux que nous utilisons sont ainsi caractérisés et objectivés », assure David Gaudout, cofondateur et directeur en charge de l’innovation.
Employant 83 personnes, dont de nombreux docteurs, Activ’Inside travaille avec une vingtaine d’universités dans le monde, revendique une quinzaine d’études cliniques, une trentaine de publications scientifiques et une vingtaine de familles de brevets déposés en France, en Europe, aux États-Unis et en Asie.
Polyphénols et safran
« Notre ADN, c’est l’innovation. Nous réinvestissons chaque année 20 % du chiffre d’affaires (15 millions d’euros en 2022) en R&D. C’est hors norme : nous nous rapprochons plus de la pharmacie que de l’agroalimentaire », poursuit-il. L’entreprise s’est spécialisée dans les formulations de compléments alimentaires aux polyphénols issus du raisin, notamment reconnus pour leur effet sur l’amélioration de la mémoire ; et au safran, dont elle est le premier importateur en France et le leader mondial en nutrition, pour ses vertus antistress, qu’elle produit en marque blanche pour les poids lourds du secteur.
L’entreprise peut également créer des produits sur mesure pour ses clients (dont les noms sont confidentiels). « Nous avons une expertise reconnue en neuronutrition et en neurocosmétique, sur le déclin cognitif, la dépression, le vieillissement, les douleurs féminines… », détaille David Gaudout. Une sphère pas ou peu adressée par les médicaments. « Les compléments alimentaires sont un marché qui croît de façon régulière en France et en Europe, de l’ordre de 2 à 5 % par an. Et qui est très fort en Asie ou aux États-Unis, où il n’y a pas de système de remboursement des médicaments », remarque Maité Jeanroy, directrice marketing et communication d’Activ’Inside, qui réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’international et dispose d’un bureau à Bangkok et prévoit d’en ouvrir un aux États-Unis en 2025.
« Matrice végétale »
À Cestas, Activ’Inside a investi plus de 2,5 millions d’euros pour installer ses laboratoires et son outil industriel, qu’elle a développé elle-même avec un équipementier français, pour passer d’une capacité d’extraction de 2 litres à 3 500 litres. Pour chaque ingrédient, l’entreprise crée une « matrice végétale », permettant de connaître la concentration des composés actifs, le modèle d’extraction à appliquer, les formulations (pouvant reposer sur une combinaison d’ingrédients), la bioprésence et la bioaction.
Pour extraire les polyphénols du marc de raisin, par exemple, Activ’Inside se repose en amont sur une méthode analytique revue chaque année « en fonction du raisin et du terroir, dépendant de la météo, du stress hydrique subi par la plante, des attaques de mildiou, etc. Nous analysons aussi les contaminants présents dans le marc afin de les exclure », précise David Gaudout.
Eau subcritique
Les polyphénols sont ensuite extraits dans une solution liquide, séparés puis séchés sous forme de poudre. « Chaque matrice végétale a son modèle d’extraction. Nous faisons de l’extraction par infusion, pour le safran par exemple, ou avec de l’eau subcritique : en maîtrisant la température et la pression, l’eau devient un solvant entièrement naturel pour les polyphénols », décrit le directeur de l’innovation, qui revendique des procédés verts.
Une fois les extraits obtenus, Activ’Inside analyse la biodisponibilité des actifs en quantifiant les éléments effectivement présents dans le sang, les urines et les tissus après absorption, avec leurs effets biologiques. « Nous sommes capables d’analyser 130 molécules grâce à un programme en partenariat avec l’Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV) », précise David Gaudout. « Nous étudions aussi l’impact de la forme galénique sur la libération des extraits », ajoute-t-il, les complémentaires alimentaires étant proposés en gélules, sticks de poudre ou gommes à mâcher, les fameuses gummies.
Maîtrise des coûts
« Tout ce que nous avons investi depuis dix ans était plus valorisable sous forme de produit fini. Et proposer un produit intégré nous permettait de mieux maîtriser les coûts », consent Benoît Lemaire, cofondateur et directeur général d’Activ’Inside. Alors même qu’ils s’étaient « promis de ne jamais avoir d’usine », les dirigeants de l’entreprise ont également investi 13 millions d’euros dans une manufacture de 3 500 m2. « La chaîne de production la plus importante en France sur le complément alimentaire. Et la seule de classe pharmaceutique », assure le directeur général.
La chaîne de production la plus importante en France sur le complément alimentaire
Équipements, salles blanches, atmosphère contrôlée en pression et en humidité, nettoyage et contrôle biologique, cette usine où s’affairent une trentaine de personnes équipées de protections individuelles de la tête aux pieds permet la préparation des ingrédients, leur mélange et leur production sous forme de pilules, sticks et gummies, qu’elle destine pour l’instant au marché européen. « Grâce à ce positionnement pharmaceutique, nous affirmons notre positionnement haut de gamme. Nous anticipons également le changement de normes européennes et sommes déjà prêts pour le marché asiatique », remarque Benoît Lemaire.
Savoir-faire en gummies
Financée grâce au réinvestissement des bénéfices de l’entreprise, à de la dette, à un accompagnement de la Région Nouvelle-Aquitaine et du fonds européen Feder, mais aussi à une augmentation de capital de 4 millions d’euros réalisée il y a cinq ans auprès d’Aquiti Gestion et de Bpifrance, ce projet a mis plusieurs années à se concrétiser. « Nous avons mis beaucoup de temps à trouver un terrain, puis nous avons subi la crise sanitaire et l’emballement des coûts qui a suivi, et vécu de nombreuses péripéties. Mais nous y sommes parvenus », se félicite Benoît Lemaire, particulièrement fier de sa ligne de production de gommes à mâcher, où flotte une odeur de fruits rouges et de safran.
Occupant 10 % de la surface du bâtiment, elle délivre 300 000 gummies par jour, avec un objectif à 600 000 unités à terme, pour lesquelles Activ’Inside a développé un véritable savoir-faire, « à mi-chemin entre la recette de cuisine et la chimie. Nous avons travaillé la composition, la texture, le goût, la forme, et proposons des gommes véganes et sans sucre validées par notre panel de 15 dégustateurs formés », précise le directeur général d’Activ’Inside.
L’entreprise dispose à cet effet de son propre laboratoire de dégustation, situé dans le bâtiment originel de la société à Beychac-et-Caillau, sa « troisième usine. La première ouverte en 2018, bientôt dédiée au conditionnement des compléments alimentaires », détaille Benoît Lemaire.
Créations d’emplois
Car si 80 % des compléments alimentaires vendus le sont aujourd’hui sous forme de gélule, « les États-Unis estiment que d’ici 5 ans, les gummies représenteront 60 % du marché américain. La cible du marché des compléments alimentaires rajeunissant, avec une appétence pour les gommes », note le directeur général d’Activ’Inside. Proposant des compléments alimentaires près de 3 fois plus chers que ses concurrents étrangers, l’entreprise a ainsi décidé de se distinguer par la qualité de ses infrastructures et par une méthode scientifique éprouvée.
Nous avons deux grands frères que l’on suit avec attention : la cosmétique sur les tendances ; et la pharmacie sur les process
« Nous avons deux grands frères que l’on suit avec attention : la cosmétique sur les tendances ; et la pharmacie sur les process », résume Benoît Lemaire. Après avoir créé 25 postes en trois ans, Activ’Inside prévoit de recruter encore une vingtaine de personnes dans les deux ans à venir.