Cette année, Thierry Lalet, président de la confédération des chocolatiers et confiseurs de France, proposera pour Noël une crèche en chocolat et le traditionnel Père Noël dans sa chocolaterie bordelaise. Une période cruciale pour la profession. Dans un contexte compliqué par la hausse de prix des matières premières et d’éventuelles réformes dont une taxe sur les produits sucrés, l’enjeu est de taille pour la profession.
400 adhérents
C’est pour briser la « solitude du dirigeant », mais aussi « pour échanger avec ses confrères et faire bouger les lignes », que Thierry Lalet est entré à la Fédération des chocolatiers et confiseurs de France, il y a une quinzaine d’années, avant d’en devenir le président en 2022. Celle-ci regroupe 400 adhérents. S’il souhaiterait plus d’engagement de la part de ses confrères, « il y a une prise de conscience des entreprises de notre travail de représentation vis-à-vis des pouvoirs publics », souligne-t-il. La profession compte un autre syndicat Alliance 7 qui réunit les industriels : « Mais ce ne sont pas les mêmes enjeux », insiste-t-il.
12 CFA en France
Longtemps, il a été en charge de la partie formation pour la fédération. Les futurs chocolatiers ont le choix entre un CAP chocolatier confiseur (qui dépend de l’Éducation nationale) et un BTM (brevet technique des métiers) en alternance (dépendant de la chambre des métiers et de l’artisanat). Le BTM, qui permet également de découvrir la gestion d’entreprise et la commercialisation, est dispensé dans 12 CFA en France, dont Bayonne pour le Sud-Ouest. « On vient justement de clôturer la réforme du CAP qui interviendra dans deux ans », explique Thierry Lalet.
On vient de clôturer la réforme du CAP qui interviendra dans deux ans
Dans la nouvelle version, il n’y aura plus de pâtisserie, mais davantage de confiserie, avec une exigence plus poussée sur la technique et sur la fabrication. Il y a aussi tout un enseignement sur la filière approvisionnement et les démarches de responsabilité et d’engagement éthique vis-à-vis des planteurs.

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La profession sous pression
Dans les mois à venir, la fédération professionnelle devra porter la voix de ses adhérents sur plusieurs questions critiques. « Il y a une possibilité de changement de TVA qui pèse sur nous. » La taxe, de 5,5 % actuellement, pourrait passer à 20 %. « Il semblerait que ce soit abandonné mais on n’est sûr de rien ! Nous avons déjà subi une énorme augmentation de la fève de cacao qui a pris 400 % en moins d’un an », regrette-t-il. Une augmentation qui a une incidence directe sur le produit chocolat : les fournisseurs ont augmenté leurs prix de la matière chocolatée de 35 à 40 %. « Il est impossible pour nous de répercuter une telle augmentation ».
Le prix de la fève de cacao a augmenté de 400 % en moins d’un an

© Louis Piquemil – Echos Judiciaires Girondins
Une taxe sur le sucre
Autre motif d’inquiétude pour la profession : une taxe sur les produits contenant plus de 30 % de sucre. La taxe, qui a failli être mise en place au 1er janvier 2025, est pour l’instant ajournée. Une commission avec les différents acteurs du dossier – industrie, artisanat – doit être organisée (avec objectif une mise en application en 2027) afin de trouver des solutions pour réduire les quantités de sucre et vers qui tourner la taxe. « Il y a eu une taxe soda en Angleterre qui a bien fonctionné, explique Thierry Lalet, qui a permis à l’industrie de reformuler ses recettes. » La profession attend donc cette concertation « mais tant que le gouvernement n’a pas tranché, on reste vigilant », souligne-t-il.
Les chocolatiers ont aussi été durement éprouvés pendant le covid : « On n’a pas bénéficié d’aides car on avait le droit d’être ouvert. Mais tous les professionnels n’ont pas pu mettre en place un site internet pour la vente en ligne ou un système de livraison », insiste-t-il. Les chocolatiers sont également pénalisés par le coût de l’électricité et s’inquiètent de la réduction des aides pour l’apprentissage quel que soit le type d’entreprise. « C’est l’avenir de nos métiers d’artisans », plaide Thierry Lalet.
Gestion de trésorerie
Il faut dire que l’activité des chocolatiers est saisonnière. Les chocolatiers réalisent entre 40 et 50 % de leur chiffre d’affaires pendant les fêtes de fin d’année, et 10 à 15 % à Pâques : « Il y a une gestion de trésorerie serrée car dès début septembre, on prépare Noël, on a plus de sorties que d’entrées, donc les petites entreprises sont fragilisées. » La confédération accompagne ainsi les entreprises rencontrant des problèmes de trésorerie. Elle est aussi en négociation avec les syndicats pour revaloriser les salaires et essaie d’inciter les chefs d’entreprise en ce sens.
Dès début septembre, on prépare Noël, on a plus de sorties que d’entrées d’argent, les petites entreprises sont fragilisées
Artisans ou industriels
La France compte environ 2 000 entreprises en France et une centaine en Gironde. « Mais la profession réunit des entreprises très différentes avec des industriels tels que Cémoi (Bègles) ou Mademoiselle de Margaux (Margaux-Cantenac) et des petits artisans. Il y a aussi des pâtissiers qui vendent des chocolats. »
La confédération travaille actuellement sur un vade-mecum concernant les étiquetages et les process de fabrication pour uniformiser les contrôles sur la France entière.
Meilleur apprenti de France
La Fédération vient aussi de relancer le concours du meilleur apprenti de France. Les sélections ont eu lieu, en lien avec les CFA de Rennes, Arras, Dijon et Belfort : « J’espère que l’an prochain, il y aura des candidats du Sud-Ouest », s’amuse Thierry Lalet. La finale, qui a eu lieu le 29 octobre dernier, a permis de distinguer Marjorie Miette, originaire de Rouen, au terme d’un concours où elle a dû réaliser des bonbons de chocolat, guimauves, une spécialité et un présentoir : « Ils sont confrontés à trois jurys (fabrication, production et présentation). C’est une reconnaissance importante de la profession. »
Cacao Show
La remise des prix a eu lieu le premier jour du salon du chocolat, lors du Cacao Show le 30 octobre, qui est un autre grand moment pour la profession : « C’est le grand rendez-vous avec le public, commente Thierry Lalet, on a beaucoup de demandes sur la fabrication du chocolat, la transformation de la fève ».
Cet événement qui réunit le grand public et les professionnels voit également la venue de beaucoup de pays producteurs de cacao : « ça permet de nouer des contacts et d’améliorer le sourcing ! », souligne le chocolatier.
Un ultime rendez-vous avant la ligne droite jusqu’aux fêtes. « Dans ce contexte un peu trouble, les clients sont toujours là, assure le chocolatier, en revanche on s’interroge sur la partie professionnelle, les cadeaux d’entreprise. Mais le chocolat est un produit de réconfort, alors consommez du chocolat », s’amuse-t-il en forme de boutade.
Thierry Lalet : Le chocolat en héritage
« Le poids de l’héritage familial on l’avait, mais nos parents ne nous ont jamais contraints ! » Et pour cause, Thierry Lalet est la quatrième génération de la chocolaterie Saunion. Son frère a choisi d’être dentiste, et lui, après des études de commerce, a commencé à se former au métier de pâtissier, puis de chocolatier confiseur. À Paris, il travaille en laboratoire pour des pâtissiers « J’étais en quelque sorte chocolatier en chambre », plaisante-t-il. À la fin des années 90, il revient à Bordeaux et intègre la chocolaterie familiale au moment même du départ du chef de fabrication. « Il a fallu réorganiser l’entreprise, commente-t-il, recruter, moderniser les produits tout en gardant les fondamentaux. C’était et c’est toujours, je pense, la bonne solution. Nous avons conservé notre savoir-faire et une clientèle fidèle. » Ce mélange de tradition et de dynamisme reste sa marque de fabrique. Aujourd’hui, Saunion propose toujours ses incontournables tels que la guinette bordelaise et toute une gamme de fruits à base d’alcool. Mais il n’hésite pas à casser les codes avec l’atelier « Choco Bordeaux » au CIVB, qui propose des accords chocolat/vin ou encore une activité consulting en chocolaterie ! Fort de toutes ces expériences, il s’est investi depuis une quinzaine d’années au sein de la confédération des chocolatiers et confiseurs de France, jusqu’à en devenir le président il y a deux ans.