Commençons par les points communs et notamment l’origine des vignobles sud-américains. Ce sont globalement les conquistadors, qui au cours des 16e et 17e siècles vont commencer à cultiver la vigne. L’origine des vignobles est donc souvent ancienne. Dans ce cas, pourquoi classe-t-on les vignobles sud-américains au sein des pays du « nouveau monde » (du vin) ? Cette notion mériterait largement d’être revisitée car on n’a jamais cessé d’y produire du vin.
Certainement parce que ces pays ont connu un boom extraordinaire de leur production au tournant des années 90. L’Argentine s’est ainsi imposée au 5e rang des producteurs mondiaux de vin. Ces pays restent néanmoins d’abord des consommateurs de bière et le vin est souvent réservé à une sorte « d’élite » intellectuelle ou financière.
Altitude et ensoleillement
Les vignobles sud-américains sont aussi souvent marqués par la présence montagneuse et notamment celle de la Cordillère des Andes ou de la Serra Gaucha. C’est notamment le cas pour l’Argentine et le Chili qui bénéficient ainsi de la fraîcheur de l’altitude mais aussi d’un cycle de maturité de la vigne propice, par la proximité plus forte des rayons UV. La fonte des neiges réduit aussi le recours à l’irrigation. Dans le cas du Brésil, le vignoble se concentre dans le secteur du Rio Grande do Sul, non loin de la frontière avec l’Argentine. La présence d’eau en quantité régule les températures. C’est aussi le cas en Uruguay avec l’influence du Rio Nero.
Les cépages « internationaux »
L’essor pris par l’ensemble de ces vignobles va largement s’opérer dans un premier temps autour des cépages dits « internationaux », en clair bordelais ; cabernet sauvignon, merlot et sauvignon. Bordeaux était alors la référence absolue, le modèle à copier, entre autres pour les cépages. Cabernet et merlot restent d’ailleurs les deux cépages les plus plantés dans le monde ! Pour compléter le tableau, il convient d’ajouter le chardonnay, dont la Bourgogne a fait une star internationale.
Le cépage est assez simple à cultiver et à l’aise sous toutes les latitudes. Surtout son aromatique séduit beaucoup et il se plaît à être élevé en barriques, or le modèle à l’époque est de « boiser » fortement les vins, à la recherche de notes vanillées et toastées. Ce n’est que plus tard que pinot noir, riesling et syrah compléteront la gamme des cépages internationaux largement présents en Amérique du Sud.
Exportateurs
L’un des derniers points communs aux vignobles sud-américains est leur forte orientation exportatrice. C’est notamment le cas pour le Chili, 8e producteur mondial mais 5e au rang des exportations. Une sacrée réussite pour un vignoble plus petit que celui du bordelais ! De fait les Chiliens consomment très peu de leurs vins.
Mais comment exister et se différencier sur le marché mondial sans identité propre ? La réponse fut partiellement trouvée par la spécialisation sur un cépage ou un type de vin.
Comment se différencier sur un marché mondial sans identité propre ? La réponse fut partiellement trouvée par la spécialisation sur un cépage
Le malbec et le torrontès argentins
L’Argentine, qui est un rare pays où la consommation de vins locaux a toujours été importante, s’est ainsi spécialisée sur le malbec. Le pays en produit sept fois plus que Cahors, au début sous les 1 000 mètres, délivrant des malbecs, certes charmeurs mais « costauds ». Depuis les vignerons argentins sont partis à la conquête de l’altitude, dépassant les 1 500 mètres pour bénéficier de nuits fraîches et réaliser des vins mieux équilibrés. C’est le cas avec cette cuvée « Alta Malbec » du domaine Catena Zapata. Ce domaine réputé mondialement est le premier qui privilégiera l’altitude, réalisera des merveilles, offrant à l’Argentine une visibilité et une reconnaissance autour du malbec. Le vin offre une belle puissance sur la prune et un beau végétal sans côté « sucraillon ».
Côté blanc, l’Argentine et plus spécifiquement le vignoble de Cafayete mise sur le torrontès. Ce vignoble situé au nord, à 1 700 mètres d’altitude, est propice à ce cépage autrement appelé « muscat d’Autriche ». Si le nez vous fera penser à un muscat de rivesaltes, la bouche est pourtant ici totalement sèche et cinglante. Amusez-vous à en trouver une bouteille (ce vin ne coûte qu’une dizaine d’euros) et à le servir sur des huîtres. Vos invités vous prendront dans un premier temps pour un « fou », du fait du nez, mais seront convaincus de l’accord, une fois le vin passé en bouche.
Le carménère chilien
Le Chili de son côté a jeté son dévolu sur le carménère. Ce vieux cépage bordelais a quasiment disparu du pays de Mauriac. Il est pourtant autorisé dans la plupart des appellations de la rive droite (Libournais). Il fut re-découvert au début des années 90 par un œnologue français, intrigué de trouver un îlot de plants différents au milieu de vignes de merlot. La Cordillère aura servi de barrière naturelle au phylloxéra, protégeant le vignoble chilien et ces pieds de carménère. Il fait aujourd’hui la fierté du pays et sa capacité à délivrer des vins souples et intensément fruités correspond précisément aux désirs exportateurs du pays. La cuvée « Reserva » du domaine Santa Ema fait couler en bouche un jus de cassis, rehaussé d’un zeste de poivre blanc et de réglisse. Le vin se boit facilement et appelle une bavette grillée.
Le tannat uruguayen
L’Uruguay mise sur le tannat. Ce cépage connu en France, principalement à travers l’appellation Madiran a, effectivement, des origines béarnaises. Longtemps appelé localement « Harriague » du nom d’un ancêtre basque qui l’introduit vers 1870, il s’épanouit particulièrement dans le secteur au climat semi-océanique de Canelones, d’où provient notre vin du jour « Las Brujas » du domaine Gimenez Mendez. Une fois encore, comme pour tous les vins rouges que nous goûterons ce jour-là, il y a une absence de tanins virils, alors qu’ordinairement le tannat est redoutablement tannique dans sa jeunesse. La framboise et des notes racinaires s’invitent en bouche. On l’associera volontiers à un confit de canard.
Les bulles brésiliennes
Avec tout cela, que restait-il au Brésil pour émerger dans l’océan viticole mondial ?
Il s’avère que les Brésiliens apprécient beaucoup les « bulles ». Le Brésil s’est donc naturellement spécialisé dans la production de vins mousseux « un tantinet » sucrés, sur le modèle originel du Prosecco. En général, les cuvées produites sont souvent faciles, dédiées à une consommation festive et ne risquent pas de détrôner nos grands Champagnes. Pour autant ce Brut de chez Miolo, domaine réputé, élaboré autour de nos cépages champenois ; pinot noir et chardonnay, ne démérite pas, et recueille même ce soir-là, un large satisfecit des membres du club de dégustation. L’aromatique est agréable, l’équilibre rafraîchissant et la bulle plutôt fine.
Ces vins ne sont pas toujours faciles à dénicher, la France important surtout des vins sud-américains d’entrée de gamme. Soyez donc curieux et recherchez ces vins qui surprendront vos papilles. L’Amérique du Sud a aussi un autre visage à vous montrer, original, distinctif, aux antipodes d’une production standardisée.