L’histoire d’Arkhênum est intimement liée à celle du patrimoine culturel mondial. Créée en 1999 par deux anciens commerciaux de chez Xerox, Patrick Beauchet-Filleau et Christian Chabrier, qui ont acquis le premier prototype de scanner de documents anciens d’un autre fleuron girondin, i2S, pour proposer une prestation de service aux établissements patrimoniaux, Arkhênum fête en 2024 ses 25 ans à la place de leader français de la préservation et de la numérisation du patrimoine écrit.
L’entreprise, qui vient d’être intégrée au programme France 2030, y est parvenue grâce à sa stratégie de diversification. D’abord concentrée sur la numérisation hautement patrimoniale, soit les documents les plus anciens et précieux, comme la Bible de Gutenberg, les Essais de Montaigne, les manuscrits du Mont-Saint-Michel, mais aussi ceux des bibliothèques de fonds d’État ou les registres d’état civil, Arkhênum s’est ensuite tournée vers les documents du XIXe siècle. « Les documents très anciens sont arrivés jusqu’à nous, perdurant pendant des siècles, car ce sont des supports vivants qui peuvent s’adapter à leur environnement », rappelle Laurent Onainty, directeur général d’Arkhênum. À l’inverse des documents produits au XIXe siècle avec l’essor de l’imprimerie, moins durables. « Les conservateurs y ont vu une urgence, car ces documents tombaient en lambeaux. Dans la même veine, nous nous concentrons aujourd’hui sur la presse. C’est un axe majeur de notre développement, car il existe une forte propension à ce que ces informations disparaissent, de par la nature de leur support qui n’a pas été prévu pour durer », note-t-il.
Arkhênum numérise actuellement d’importants fonds nationaux et régionaux, plus de 200 titres de presse disparus ou toujours existants, tels que La Voix du Nord, Le Télégramme de Brest, La Provence, La Dépêche du Midi, La Manche libre, ou encore les collections de Paris Match ou de L’Express.
Bibliothèque en ligne
« Au fur et à mesure des besoins de nos clients, nous nous sommes diversifiés en amont et en aval de la numérisation », poursuit Laurent Onainty. L’augmentation des débits internet a généré pour Arkhênum un afflux de demandes de numérisation de la part d’établissements patrimoniaux, tels que les bibliothèques, archives et musées, qui souhaitaient préserver leurs documents, mais aussi les mettre à la disposition du public. « Entre 2005 et 2012, nous avons connu une phase d’accélération importante sous l’impulsion du ministère de la Culture, qui a cofinancé à hauteur de 50 % toutes les prestations de numérisation de ces documents, à condition qu’ils soient mis en ligne », se souvient le directeur général d’Arkhênum.
C’est dans ce cadre que l’entreprise a commencé à distribuer la plateforme de valorisation du patrimoine d’i2S, LIMB Gallery, une bibliothèque de documents accessible en ligne. Renforçant parallèlement sa force commerciale. L’indexation des documents est aussi à l’origine de l’un des axes de développement actuels d’Arkhênum : les métadonnées. « Nous avons atteint un certain palier dans l’acquisition et la dématérialisation. C’est aujourd’hui le travail post-numérisation qui devient un enjeu stratégique. Et c’est une expertise que nous gardons en interne, c’est important pour nos interlocuteurs publics, même si son coût est élevé », note Laurent Onainty. Parmi les réalisations notables d’Arkhênum, le site de l’Institut national de l’histoire de l’art (INHA) de Paris, qui héberge quelque 500 000 images, et le statut de « plus gros fournisseur d’images » de Gallica, bibliothèque numérique de la BnF.
Rachat par Mobilitas
C’est en 2016, après le départ de ses fondateurs et son rachat à 100 % par la holding familiale spécialisée dans la mobilité internationale Mobilitas (basée à Beauchamp dans le Val-d’Oise), qu’Arkhênum obtient les moyens de se diversifier sur l’amont de la numérisation et le secteur privé. L’opportunité se présente lorsqu’un particulier sollicite l’entreprise pour numériser un fonds brut désorganisé composé de documents, cassettes VHS et objets divers. La poussant à réfléchir à son usage. « Nous avons créé le pôle Héritage et embauché une vingtaine d’archivistes-historiens capables d’appliquer la logique d’inventaire, de localisation et de conservation, pour donner du sens à une collection privée », décrit Laurent Onainty.
Notre capacité à intervenir in situ est l’une de nos forces. Nous sommes les seuls à le faire
Aujourd’hui, Arkhênum intervient en prestation de service auprès d’entreprises et de grands établissements. « À travers les revues internes, les PV, les délibérations de conseils… Ces entreprises produisent du document, de la matière historique à laquelle nous donnons du sens. » Arkhênum commence par un diagnostic puis propose à ses clients des axes stratégiques de communication externe. « Nous travaillons sur l’ADN des marques ou des entreprises, parfois sur l’intimité des familles qui les ont fondées. Le patrimoine est un outil de communication qui intéresse les gens », affirme Laurent Onainty. Ses clients vont d’Yves Rocher à Renault, en passant par de grands joailliers de luxe, ou encore la marque de blaireaux à barbe Plisson 1808, dont les repreneurs affichent désormais la date de création dans le nom.
Ce service est également utilisé en interne par les services de ressources humaines des entreprises, pour préparer les parcours d’intégration des nouveaux collaborateurs. « Étant le premier salarié d’Arkhênum, où je suis entré en tant qu’opérateur et dont je suis devenu directeur général, cela me parle beaucoup », confie Laurent Onainty. Le pôle Héritage pèse aujourd’hui un million d’euros dans le chiffre d’affaires de sept millions d’euros réalisé par Arkhênum en 2023.
Interventions in situ
Si la première incursion à l’international d’Arkhênum date de 2013, lorsque l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon l’invite à prendre part à la numérisation des manuscrits de Tombouctou, menacés par la guerre au Mali, c’est en 2018 que l’entreprise se lance véritablement à l’international. Elle obtient le marché de l’Onu pour la numérisation des archives de la Société des nations : 15 millions de pages composant « les mémoires du multilatéralisme, numérisées et indexées en ligne », décrit Laurent Onainty. Cinq collaborateurs à temps plein ont été mobilisés durant 4 ans à Genève pour mener à bien ce projet salué par l’Onu. « Notre capacité à intervenir in situ est l’une de nos forces. Nous sommes les seuls à le faire », affirme le directeur général.
En 2018, Arkhênum obtient le marché de l’Onu pour la numérisation des archives de la Société des nations
Une dizaine de salariés travaillent actuellement au sein de la Bibliothèque nationale de France (BnF) à Paris, où Arkhênum possède un bureau d’une vingtaine de personnes, mais aussi au musée de Bretagne, en Allemagne, en Suisse ou en Afrique du Sud. « Au total, nous avons aujourd’hui plus d’une centaine de salariés et sommes présents dans une centaine de pays », affirme-t-il.
Et tandis que 95 % de son activité provenait des marchés publics français en 2016, Arkhênum réalise aujourd’hui 20 % de son chiffre d’affaires (passé de 2 à 7 millions d’euros en 5 ans) sur les marchés internationaux. « Nous voulons désormais pousser très fort sur l’international, avec nos activités traditionnelles de numérisation du patrimoine, mais aussi avec notre pôle Héritage », annonce Laurent Onainty.
Perspectives prometteuses
Pour y parvenir, Mobilitas a créé en 2021 Memorist, le pôle patrimoine du groupe. « L’idée du président du conseil d’administration de Mobilitas, Alain Taieb, était, sur le socle de ce que fait Arkhênum, de créer une offre globale pour les besoins du patrimoine, quel qu’il soit et où qu’il soit », détaille Laurent Onainty. Avec Arkhênum comme socle d’expertise et comme véhicule financier de rachat, Mobilitas regroupe au sein de Memorist 5 sociétés : Akhênum, dont il est propriétaire à 100 % ; La Reliure du Limousin, spécialiste de la restauration artisanale de documents anciens, intégré à 100 % dans Mobilitas ; Tribvn, spécialisé dans la numérisation de fonds photos haute qualité et de textiles, où Mobilitas est majoritaire ; la société AGP (Arts graphiques et patrimoine), leader français de la numérisation et de la création de jumeaux numériques de bâtiments et objets historiques, qui propose des expériences immersives en AR-VR, dans laquelle Mobilitas est minoritaire ; et depuis fin 2022, Vectracom, spécialiste de la numérisation audio-vidéo.
« La vocation de Memorist est de conserver, restaurer, numériser et valoriser tout le patrimoine, partout dans le monde, avec des offres conjointes des meilleures entreprises de chaque domaine. Et la capacité de nous projeter localement avec nos équipes », affirme Laurent Onainty, également directeur général de Memorist. « La mixité internationale des équipes représente d’ailleurs un nouvel axe de fidélisation des salariés, qui ont attachement fort à la société. Nous donnons du sens aux carrières », juge-t-il.
Si la stratégie de diversification, d’internationalisation et de croissance externe d’Arkhênum était nécessaire pour faire perdurer l’entreprise, elle lui offre aujourd’hui des perspectives prometteuses. « Nous allons nous positionner sur des appels à projets internationaux France 2030 sur de nouvelles technologies immersives. Mais aussi sur le projet AlUla de l’Arabie saoudite, dont l’idée est d’inventer une expérience culturelle et touristique nouvelle tournée vers la promotion du patrimoine. Porté par la RCU (Royal Commission of AlUla), ce projet de plusieurs milliards de dollars veut tout simplement préparer l’après-pétrole à travers le tourisme culturel et patrimonial. Nous espérons y prendre part », se réjouit Laurent Onainty.
Laurent Onainty en bref
Natif de Toulouse, Laurent Onainty est titulaire d’un diplôme d’archiviste-historien. Entré à la fin de ses études chez Arkhênum en tant qu’opérateur, il devient chef de projet, puis commercial, avant d’être nommé responsable des ventes. Lors du rachat de l’entreprise par Mobilitas en 2016, il est nommé directeur général. Depuis 2021, il dirige également le pôle patrimoine de Mobilitas, Memorist, « avec toujours le sourire et la même envie », assure-t-il.
Arkhênum en 5 dates
1999 : Création par Patrick Beauchet-Filleau et Christian Chabrier
2005-2012 : Diversification en aval de la numérisation avec LIMB Gallery
2016 : Rachat d’Arkhênum par Mobilitas
2017 : Diversification en amont de la numérisation avec le pôle Héritage
2021 : Création du pôle Patrimoine de Mobilitas, Memorist