Échos Judiciaires Girondins : Vous avez pris vos fonctions de directrice régionale de la Banque de France Nouvelle-Aquitaine le 4 octobre. Quelle est votre feuille de route ?
Marie-Agnès de Montbron : Elle s’inscrit obligatoirement dans la continuité de ce qu’ont fait mes prédécesseurs : nous avons tous les mêmes missions et objectifs. En revanche, sur la forme, chacun met sa personnalité et fait en sorte d’embarquer les équipes. Quand j’ai quitté Orléans, où je suis restée un peu plus de deux ans et demi, j’ai été marquée par la réaction des équipes qui m’ont fait remarquer que les directeurs régionaux changeaient régulièrement, et qu’elles avaient l’impression d’être des faire-valoir. Elles travaillent, nous obtenons de bons résultats, nous sommes promus, nous par- tons, et elles doivent recommencer avec quelqu’un d’autre. Nous ne décidons pas de la durée pendant laquelle nous restons sur un poste, et cela peut parfois sembler court. Je serai donc très vigilante, même si je ne connais pas le terme de ma prise de fonction, à montrer ma volonté d’inscrire mon action dans la durée. Je crois qu’il y a un très bon état d’esprit en Nouvelle-Aquitaine, on sent que les missions de service public et les services rendus sont vraiment chevillés au cœur de tous les agents. Nous devons continuer à leur donner la possibilité de rendre ces services au public et à la société dans les meilleures conditions possibles. C’est mon challenge : le sens et la qualité de vie au travail.
EJG : Et en externe ?
M.-A. de M. : Je veux être à l’écoute de tout l’écosystème avec lequel nous travaillons. Cela va des situations individuelles des particuliers aux entrepreneurs, qui eux-mêmes vont du micro-entrepreneur aux chefs d’entreprise de PME, ETI, avec des problématiques différentes en termes de financement, de cotation, de connaissance de leur environnement, de la concurrence, etc. Et puis il y a aussi tous les partenaires publics et institutionnels de la Banque de France, tous les services de l’État : les finances publiques, l’URSSAF, la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), Pôle emploi, la préfecture… Au sein de cet écosystème très varié, nous devons aider les citoyens et les entrepreneurs à trouver le bon interlocuteur, nous avons un rôle de passeur d’informations. Dans ce cadre, la première mission de Banque de France en région est de se faire connaître, de faire savoir que nous sommes à la disposition de tous ceux qui en ont besoin, de nouer des liens étroits avec tout l’écosystème, et puis quelques fois, de réexpliquer notre rôle.
EJG : Justement, quelles sont les missions de la Banque de France en région ?
M.-A. de M. : La Banque de France a trois missions principales : la stratégie monétaire, la stabilité financière et les services à l’économie et à la société. En région, pour ce qui est de la stratégie monétaire, nous faisons en sorte que chaque citoyen ait confiance dans la monnaie et puisse avoir accès à des espèces triées, vérifiées et en bon état d’usage, à n’importe quel endroit du territoire, au travers de notre réseau de caisses, de nos relations avec les banquiers et les transporteurs de fonds. En ce qui concerne la stabilité financière, nous sommes en relation avec les banquiers et suivons la fourniture de crédits en région, les relations des banquiers entre eux, leurs relations avec les particuliers et les entrepreneurs. C’est surtout sur le pilier des services à l’économie et à la société que nous sommes présents en région. Nous sommes d’ailleurs la seule banque centrale à remplir cette mission en Europe ! Et c’est notre force : nous avons une vision à 360 degrés sur la situation des particuliers, la situation des entreprises et la situation des banques.
Nous avons une vision à 36o degrés sur la situation des particuliers, des entreprises et des banques
EJG : Que recouvrent les services à l’économie et à la société ?
M.-A. de M. : Depuis la loi Neiertz du 31 décembre 1989, nous sommes responsables de la tenue du fichier national des incidents de remboursement de crédits aux particuliers, dans le cadre du surendettement des particuliers. La Banque de France tient également les fichiers d’incident de paiement, c’est- à-dire que nous assurons l’intégrité de l’information. La quasi-totalité des questions qui nous sont adressées par les particuliers concerne le surendettement et le fichage. Il est cependant important de rappeler que nous ne fichons personne, ce sont les banquiers commerciaux qui nous envoient des demandes pour ficher quelqu’un pour incident de paiement, et les demandes en sens inverse lorsque la situation est régularisée. Nous gérons également les questions de droit au compte. Cela signifie que toute personne dépourvue de compte bancaire peut s’adresser à la Banque de France qui désignera un établissement qui lui ouvrira un compte. Enfin, nous proposons aux particuliers le service « Info banque », dans le cadre duquel nous expliquons les procédures pour régulariser une situation ou gérer un litige avec les banquiers et assureurs.
EJG : Quel est votre rôle auprès des entreprises ?
M.-A. de M. : Nous avons un rôle très important, tout d’abord parce que nous cotons les entreprises. Cette notation est doublement utile, puisque d’une part, elle permet au dirigeant de connaître la situation financière de son entreprise. Nous recevons d’ailleurs tous les chefs d’entreprise qui le demandent pour leur expliquer comment nous avons procédé et quels seraient les éléments qui permettraient d’améliorer leur cotation. D’autre part, les banques ont accès à cette cotation au travers du fichier Fiben, et accordent des crédits en fonction de la qualité de la notation de l’entreprise. En termes de politique monétaire, cela permet d’apporter en garantie pour le refinancement bancaire des créances privées bien notées par la Banque de France. Avec une incidence sur la stabilité financière. Nous proposons également aux entreprises la médiation du crédit, mise en place lors de la crise financière de 2008-2009, qui a retrouvé son utilité avec la crise sanitaire. Concrètement, ce dispositif joue le rôle de médiateur entre un entre- preneur en difficulté et ses banquiers. Nous mettons également à disposition, dans chaque département, un correspondant TPE-PME, qui oriente les chefs d’entreprise vers le bon interlocuteur en fonction de leurs besoins.
Nous recevons tous les chefs d’entreprise qui le demandent pour leur expliquer quels seraient les éléments permettant d’améliorer leur cotation
EJG : La Banque de France en région porte également « l’éducation budgétaire et financière » des publics. De quoi s’agit-il ?
M.-A. de M. : C’est un pilier extrêmement important de notre action depuis fin 2016. L’éducation budgétaire et financière vise à donner un minimum de connaissances budgétaires et économiques à tous ceux qui en ont besoin. Pour les particuliers, nous nous appuyons sur des publics relais que sont les intervenants sociaux, qui démultiplient ces connaissances vers les publics fragiles. Et sur les enseignants, avec qui nous avons signé des conventions et auxquels nous mettons à disposition des programmes sur un espace en ligne dédié, à destination des élèves du primaire et du collège. Nous intervenons aussi dans le cadre du service national universel (SNU) : plus de 3 650 jeunes ont ainsi été sensibilisés aux thématiques financières et budgétaires lors de 176 interventions de la Banque de France organisées en Nouvelle-Aquitaine en 2023. Nous mettons l’ensemble de ces ressources gratuites, fiables et à jour à disposition sur le portail Mes questions d’argent (MQDA). Et nous proposons le même principe pour les entrepreneurs sur le portail Mes questions d’entrepreneur (MQDE).
EJG : La Banque de France régionale produit également des enquêtes de conjoncture mensuelles…
M.-A. de M. : Nous avons la chance, à la Banque de France, d’être assis sur un gisement de données fabuleux et d’avoir établi depuis très longtemps d’excellentes relations de confiance avec les chefs d’entreprise. Au niveau national, environ 8 500 entreprises sont interrogées tous les mois, et nous disposons de 934 informateurs de conjoncture en Nouvelle- Aquitaine, dont 237 en Gironde. Ces enquêtes mensuelles de conjoncture sont très attendues par nos partenaires de l’écosystème. Elles nous permettent d’avoir très tôt une excellente visibilité de l’activité économique au niveau des régions grâce aux informations qui émanent du terrain. Cela nous per- met de confronter et de réconcilier la vision macro et micro, et de garder les pieds sur terre. Et s’il est vrai que nous avons toujours un discours plutôt optimiste à la Banque de France, qu’il est important de véhiculer aux chefs d’entreprise, ces enquêtes nous ont par exemple permis d’anticiper le ralentissement de 2023.
EJG : La succursale bordelaise de la Banque de France fête ses 175 ans cette année. Comment son rôle a-t-il évolué au fil du temps ?
M.-A. de M. : Certaines activités régionales comme la compensation ont disparu. Mais ce qui a profondément changé à la Banque de France, c’est notre ouverture, du fait du passage à l’euro notamment, et notre intégration dans le système européen de banque centrale. Nous ne raisonnons plus en circuit fermé, nous imprimons désormais des euros pour le compte de l’Eurosystème. Cela induit une dimension supranationale extrêmement importante. Et nous oblige en termes de performances et de qualité des services rendus par rapport aux autres banques centrales nationales. Cela nous a poussés à développer notre expertise, nous avons beaucoup évolué en termes de compétences. Pour autant, sur le terrain, c’est à des particuliers et à des chefs d’entreprise que nous nous adressons. Nous devons réussir ce double challenge de rester très proche du citoyen et du chef d’entreprise, tout en étant experts sur des thématiques très spécifiques.
EJG : Lesquelles par exemple ?
M.-A. de M. : Nous menons par exemple des expérimentations sur la blockchain ou des travaux sur la monnaie numérique de banque centrale. La Banque de France évolue en épousant son contexte, en vivant avec son temps. C’est également le cas en termes d’organisation : nous avons quasiment dématérialisé toutes nos activités, mis en place le télétravail. Nous disposons d’outils qui nous permettent d’être à la hauteur en termes de fiabilité, de qualité du service rendu, de rapidité, de rigueur, de sérieux. La Banque de France est bien dans son époque et c’est très important car nous sommes attendus dans ce registre-là.
LA BANQUE DE FRANCE NOUVELLE-AQUITAINE EN CHIFFRES
Date de création de la succursale de Bordeaux : 1848
Succursales : 13
Agents : 320