Couverture du journal du 03/12/2024 Le nouveau magazine

Belull : la fibre du design

HOURTIN. Imaginée par Bénédicte Lull pour valoriser les chutes de fibre de carbone de l’entreprise familiale de fabrication de pièces composites, Epsilon Composite, Belull est la première maison d’édition de mobilier de luxe en fibre de carbone « surcyclée ». Elle lance sa première collection 100 % fibre de carbone avec le designer Arnaud Lapierre.

Bénédicte Lull, Belull

Bénédicte Lull, fondatrice de Belull. © Mathias Sgandura / Belull

« Nous sommes les Pierre Soulages du carbone », sourit Bénédicte Lull. C’est en constatant les importantes chutes de fibre de carbone de l’entreprise familiale dirigée par son mari Stéphane Lull, Epsilon Composite, qu’elle crée en 2021 la première maison d’édition de mobilier design en fibre de carbone surcyclée. « La fibre de carbone est un matériau noble, très onéreux, aux propriétés uniques de légèreté et de rigidité. Fabriquer du mobilier avec ces chutes de production nous donnait la possibilité de maîtriser toute la chaîne et d’assurer une fabrication entièrement locale, dans le Médoc. C’est une valeur importante pour moi », assure la fondatrice de Belull.

Bénédicte Lull, Belull

La lampe T, pièce phare de la collection 100 % fibre de carbone désignée par Arnaud Lapierre. © Studio Brinth / Belull

Un an de développement

Mais le challenge était de taille. Tubes de rouleaux d’imprimerie patinés par le temps et les éléments, plats d’ouvrages de génie civil, arcs… « Il a fallu transformer ces pièces industrielles en fibre massive, faites de tubes et de plats, en quelque chose d’esthétique », poursuit-elle. Gris anthracite, à l’aspect lisse ou torsadé, la fibre de carbone voit de plus sa couleur varier en fonction de la lumière. Pour tirer parti de ces caractéristiques, Bénédicte Lull imagine tout d’abord des objets. Prototypée par deux ouvriers spécialisés détachés pour Belull dans les ateliers d’Epsilon Composite, qui travaillent avec des menuisiers et métalliers locaux, chaque pièce nécessite un an de développement. « Il s’agit d’un véritable artisanat d’art sur de la fibre composite. Nous créons des produits haut de gamme, assemblés à la main, dont la valeur réside dans la matière et la mise en œuvre, puisque nous utilisons la fibre de carbone sans la détruire », explique-t-elle.

Bénédicte Lull, Belull

© Cécile Perrinet Lhermitte / Belull

Designers bordelais

Pour lancer ses premières pièces de mobilier en série limitée, Bénédicte Lull a souhaité faire appel à des designers locaux, intéressés par le challenge de la fibre de carbone. La toute première collection Belull est ainsi confiée au Bordelais Emmanuel Gallina, qui associe la fibre de carbone au marbre et au bois. Puis Vincent Poujardieu, dont une lampe a été offerte au roi Charles III d’Angleterre lors de sa visite à Bordeaux en 2023, crée un paravent.

Bénédicte Lull, Belull

© Studio Brinth / Belull

La dernière collection, lancée cet automne, est signée du designer bordelais Arnaud Lapierre, créateur du Sapin Verre, qui remplace l’arbre de Noël sur la place Pey-Berland depuis bientôt quatre ans. « Tout comme Belull, Arnaud Lapierre souhaite créer des objets qui ont du sens, dans l’esprit du surcyclage. Il a imaginé sur une collection 100 % fibre de carbone, où la matière est présentée dans sa forme brute, lisse ou sablée », précise Bénédicte Lull. Elle travaille actuellement sur une nouvelle collection de tabourets au style pop.

Bénédicte Lull, Belull

© Studio Brinth / Belull

Goldman Sachs et hôtel Hilton

Bureaux d’architecte, tables de nuit, tables basses, têtes de lit ou encore bibliothèques, les pièces de la maison Belull sont distribuées chez Silvera, Agora, Pontile et par l’agence bordelaise 7 mars. Vendues sur le site Archiproducts Shop, elles intéressent également des architectes et architectes d’intérieur, comme le Bordelais Ludovic Cochet, qui a imaginé une collection de tables. « Nous souhaitons cibler des architectes qui aménagent des hôtels, des sièges sociaux ou des restaurants haut de gamme », confie Bénédicte Lull, qui compte parmi ses clients Goldman Sachs et un hôtel Hilton parisien. « Nous avons la capacité de produire en grande série. Selon moi, c’est le volume qui pourra nous faire décoller », estime-t-elle.

Maison Bellul recherche actuellement des distributeurs aux États-Unis ou aux Émirats

Elle recherche actuellement des distributeurs aux États-Unis ou aux Émirats, où son mobilier « onéreux et dont le design correspond à des gens qui souhaitent affirmer un intérieur différent, plaît ». En janvier 2025, Belull exposera pour la première fois au salon Maison & Objets à Paris, sur un stand de 18 m2 orné d’un mur et de présentoirs en fibre de carbone, créés pour l’occasion. « Je fais tout depuis le début sur fonds propres. Nous investissons énormément cette année afin de décoller en 2025 », espère Bénédicte Lull.

Bénédicte Lull, Belull

Les chutes de fibre de carbone se présentent sous forme de cylindres ou de plat. © Hervé Lefèvre / Belull

Bénédicte Lull : parcours

Après une carrière dans le secteur viticole, où elle a tour à tour été commerciale pour le domaine Rothschild, directrice régionale chez Dourthe-Kressmann, puis directrice nationale pour le négociant De Luze, Bénédicte Lull décide de rejoindre son mari dans l’entreprise familiale Epsilon Composite. Parmi les pionniers et leaders mondiaux de la fabrication de pièces composites à base de fibre de carbone, l’entreprise installée à Gaillan-en-Médoc travaille pour des secteurs divers tels que l’industrie, la construction, l’aéronautique et l’énergie. Constatant alors l’importance des chutes de production, Bénédicte Lull travaille dès 2017 à imaginer une façon de les valoriser. Elle crée en 2021 la première maison d’édition de mobilier en fibre de carbone surcyclée, Belull. Un nom qui rend hommage à la famille Lull et s’inspire du symbole de la libellule, dont la légèreté rappelle celle de la fibre de carbone.