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[ Bordeaux ] Asobo : le conquérant du jeu vidéo

Le studio bordelais, dont le nom signifie « Amusons-nous » en japonais, ne joue plus. En seulement 2 ans, il signe deux succès critiques et populaires, "A Plague Tale : Innocence" et "Microsoft Flight Simulator 2020". Et travaille déjà sur une nouvelle création originale. Il nous livre les secrets de son ascension.

© ASOBO

Grégory Carreau, Directeur des opérations chez Asobo

La réussite du studio Asobo Bordeaux, entré dans la cour des grands du jeu vidéo avec son titre A Plague Tale : Innocence, élu meilleur jeu aux Pégases 2019 ; puis avec la version 2020 de la franchise phare de Microsoft, Flight Simulator, peut sembler insolente. Mais en faisant la synthèse entre création originale et prouesses technologiques, Asobo avait toutes les cartes en main pour devenir un acteur majeur du jeu vidéo, en France et dans le monde. Créé en 2002 par 12 associés, issus de la société de jeux bordelaise Kalisto et qui détiennent toujours 100 % du studio, Asobo commence sa carrière en développant plusieurs jeux familiaux sous licence Pixar, entre 2002 et 2009. « C’est à l’issue de cette période qu’a démarré la collaboration avec Microsoft », relate Grégory Carreau, directeur des opérations chez Asobo Studio. Une collaboration placée sous le signe des défis technologiques et de l’innovation dans les expériences de jeu. Avec des jeux-vitrines imaginés tout d’abord pour la Kinect, « une véritable révolution dans le monde du jeu vidéo, puisqu’on abandonne la traditionnelle manette au profit d’une caméra qui capte les mouvements du joueur et fait office de contrôleur », note-t-il. Puis pour le casque de réalité mixte et augmentée Hololens, « un dispositif totalement nouveau, basé sur un casque et des hologrammes ».

DES RETOMBÉES DURANT 10 ANS

Deux expériences qui ont permis à Asobo de faire ses preuves, et ainsi de se voir confier par Microsoft la réactivation de sa précieuse franchise, le jeu de simulation Flight Simulator, créé en 1982 et qui végétait depuis 2012. « Là aussi, il y avait un énorme challenge technologique à relever puisqu’il s’agissait d’exploiter les données cartographiques Bing Maps de Microsoft et de les augmenter pour recréer la terre entière », indique Grégory Carreau, le tout dans les univers très spécifiques de l’aviation et de l’aéronautique.

Microsoft Flight Simulator 2020 est un succès planétaire qui a dépassé le million de joueurs en seulement 2 semaines

Après 4 années de travail, qui ont mobilisé près de 120 salariés sur les 215 que compte Asobo, Microsoft Flight Simulator 2020 est un succès planétaire, qui a dépassé le million de joueurs en seulement 2 semaines. Maintenance, améliorations, nouveaux contenus, versions réalité virtuelle (VR) et console… « L’ambition, c’est désormais de continuer à nourrir le jeu, nourrir la communauté des joueurs et celle des créateurs de contenus tiers », poursuit Grégory Carreau, qui confirme que Microsoft Flight Simulator devrait avoir des retombées pour le studio pendant encore une dizaine d’années.

Un projet de long terme qui doit permettre à Asobo de se consacrer à ses autres travaux : les créations originales et jeux d’actions-aventures. En parallèle de sa collaboration avec Microsoft, le studio a en effet continué de s’associer avec d’autres partenaires, notamment Ubisoft, sur des licences comme Monopoly. « C’est l’autre savoir-faire reconnu d’Asobo : notre capacité à travailler pour les autres, pour le compte de franchises, de marques et d’univers existants », estime Grégory Carreau, ancien de chez Ubisoft, qui a travaillé durant 12 ans pour le plus important éditeur français, avant de rejoindre « son chouchou » parmi les studios de développement hexagonaux.

A Plague Tale : Innocence a fait naître l’idée d’établir des franchises sur lesquelles on pourra s’appuyer à l’avenir

Et surtout, Asobo a développé ses propres créations originales, « avec une touche narrative très forte », comme A Plague Tale : Innocence (Focus Home Interactive), sorti en 2019 et consacré par de nombreux prix. Le jeu, qui a largement dépassé le million de joueurs depuis juin dernier, a fait naître « l’idée d’établir des franchises sur lesquelles on pourra s’appuyer à l’avenir », confie le directeur des opérations, qui rappelle qu’une nouvelle collaboration a déjà été annoncée entre Asobo et l’éditeur Focus Home Interactive, sur laquelle travaille une soixantaine de développeurs dédiés.

MOTEUR DE JEU MAISON

Voilà donc aujourd’hui « les deux jambes d’Asobo : d’un côté les créations originales, des jeux d’actions-aventures à la troisième personne, avec une touche narrative très forte ; et de l’autre Microsoft Flight Simulator, une franchise mythique, un gros défi technologique, avec un partenaire très important », résume Grégory Carreau. Deux axes qui ont pu profiter de l’atout du studio : un moteur de jeu maison, « une technologie propriétaire qui peut être customisée selon les besoins des projets ». Et qui offre à Asobo cette capacité technologique et créative. Et lui permet notamment « de développer des mondes ouverts énormes », précise le directeur des opérations. Comme ce fut le cas pour le jeu de courses de véhicules Fuel (Codemasters), une création originale d’Asobo qui avait battu en 2009 le record Guiness du plus grand monde à parcourir. Avec Microsoft Flight Simulator, « on atteint une autre dimension, avec la terre entière à l’échelle 1 », s’enorgueillit Grégory Carreau. Une technologie qui promet encore de nombreux exploits et succès au petit studio devenu grand.

 

HOLOFORGE, LA « TROISIÈME JAMBE » D’ASOBO

Environ 25 personnes travaillent pour Holoforge, une sorte de « spin-off » d’Asobo Studio, où se maintient et se développe le savoir-faire technologique acquis en matière de réalité mixte et de réalité augmentée. C’est en imaginant des contenus pour le casque Hololens de Microsoft, entre 2012 et 2016, que le studio a « atteint une avance technologique » qu’il a souhaité conserver. En revanche, comme il n’y a pas de marché du jeu vidéo autour de la réalité mixte, les solutions développées par Holoforge sont destinées aux professionnels de la santé, de l’industrie, de l’aéronautique ou de la culture, etc. « Cela nous permet également de développer notre savoir-faire B2B », remarque Grégory Carreau.

 


BORDEAUX, MA VILLE

Né à Bordeaux et installé à la Cité mondiale depuis 2002, le studio de développement de jeux vidéo Asobo a bien l’intention d’y rester. « C’est notre lieu historique. Il est très attractif en termes de recrutement de talents. Et il y a dans la région un véritable écosystème du jeu vidéo qui se développe et se consolide chaque année », assure Grégory Carreau. C’est pourquoi le studio « prévoit de grandir encore dans les années à venir », et n’a « pas l’intention de le faire ailleurs ». D’autant que la région est aussi une source d’inspiration, si l’on en croit le scénario du jeu A Plague Tale : Innocence, qui se situe en terre de Guyenne. « Il y avait un intérêt créatif à s’ancrer dans une région existante, en particulier la nôtre, pour donner un ton réaliste au jeu », consent le chef des opérations.