Les articles L.232-21 et suivants du Code de commerce créent une obligation, pour les sociétés commerciales, de publication de leurs comptes instaurée initialement pour permettre une plus grande transparence des entreprises à l’égard à la fois de leurs fournisseurs et de leurs clients. Souvent considérée comme intrusive à l’excès par certains entrepreneurs, elle les conduit parfois à ne pas procéder à ce dépôt, au risque d’encourir une sanction (amende de cinquième classe sanctionnée par 1 500 euros et portée à 3 000 euros en cas de récidive et éventuelle injonction civile de déposer).
Il est vrai que le montant de l’infraction peu élevé au regard des enjeux de confidentialité et la rareté des sanctions prononcées a pu conduire certains chefs d’entreprise à se détourner de cette obligation légale malgré un durcissement des tribunaux sur le sujet.
L’ordonnance du 30 janvier 2014, puis l’article 213 de la loi Macron du 6 août 2015 et enfin la loi PACTE du 22 mai 2019 ont entendu ménager le nécessaire besoin de confidentialité des entreprises et l’objectif public de transparence de la vie économique en instaurant une option possible, pour certaines entreprises, pour rendre confidentiels leurs comptes sociaux.
La confidentialité des comptes : une option ouverte au chef d’entreprise
Les sociétés commerciales ayant la nature de micro-entreprises ou de petites entreprises peuvent demander que leurs comptes ne fassent pas l’objet de publicité. Cette option ne constitue en rien une obligation alors même que les critères seraient réunis pour en bénéficier.
Une option écrite et signée sous forme d’une déclaration normée doit être déposée à l’appui. Elle ne peut pas être formulée a posteriori selon la jurisprudence actuelle. Certains greffes ont pu avant cette position procéder à des rectifications mais il semble qu’à ce jour, cette pratique ne soit plus envisageable.
Les sociétés commerciales ayant la nature de micro-entreprises ou de petites entreprises peuvent demander que leurs comptes ne fassent pas l’objet de publicité
Il est recommandé parfois de ne pas solliciter cette confidentialité. Par exemple, pour les sociétés d’architecture, la confidentialité peut être de nature à exclure le requérant d’un dépôt de candidature pour un marché public. Certaines entreprises du bâtiment peuvent se voir refuser un crédit fournisseur par les enseignes de fourniture au motif que leurs comptes ne sont pas accessibles publiquement et ne permettent pas à ladite enseigne de faire leur propre cotation. Il ne s’agit là que d’exemple mais il convient quoi qu’il en soit de toujours analyser l’avantage à tirer de la confidentialité du dépôt des comptes annuels au regard de ses effets et de la nécessaire transparence légitime qu’on peut attendre de toute entreprise.
La confidentialité des comptes ne présente par ailleurs pas souvent un grand intérêt dans le cadre d’un processus de cession. En effet, quel intérêt de rendre confidentielles des informations que l’on va donner par ailleurs en accès libre à un potentiel acquéreur sur signature d’un simple accord de confidentialité. Par ailleurs, le dépôt des comptes auprès du greffe n’impose en rien de faire de son entreprise un livre ouvert pour tous. Tout ne se dépose pas au greffe. La liste des informations à déposer auprès du greffe est suffisamment cadrée par la loi pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en donner plus.
Confidentiel : ce qui est secret pour certains ne l’est pas pour d’autres
La confidentialité a pour but d’éviter la divulgation des comptes sociaux d’une entreprise au public. Cela ne veut pas dire que les informations contenues dans ces comptes ne sont pas révélables par ailleurs.
Tout d’abord, elle n’est pas opposable à certains organismes tels que la Banque de France, les autorités judiciaires et administratives et aux sociétés qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice des sociétés qui réclament la confidentialité de leurs comptes (agence de notation de crédit, conseillers en investissements participatifs, établissements de paiement, intermédiaires en opération de banque et services de paiements, sociétés spécialisées en information de solvabilité et de prévention de défaillance…).
Par ailleurs, les comptes sociaux demeurent toujours accessibles aux greffiers, aux associés, dirigeants sociaux, tiers habilités à en connaître, conseils. Si bien sûr les personnes ayant à connaître des comptes sociaux d’une entreprise peuvent être visées par une obligation de confidentialité (avocat, expert-comptable, notaire…), certaines personnes ne sont visées que par une simple discrétion légitime au mieux rendant la confidentialité parfois assez illusoire.
Micro-entreprise ! Mais mon entreprise n’est pas une micro-entreprise
Les micro-entreprises peuvent rendre confidentiels l’intégralité de leurs comptes annuels (bilan et compte de résultat) alors que les petites entreprises, quant à elle, ne peuvent rendre que leur compte de résultat confidentiel (leur bilan restant public). La notion de micro-entreprise ne doit pas être confondue avec le terme de micro-entreprise (antérieurement auto-entreprise) qui définit une entreprise individuelle soumise à un régime fiscal et social simplifié.
La micro-entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants lors du dernier exercice comptable clos (rapporté le cas échéant à douze mois) :
Total de bilan : 450 000 euros
Chiffre d’affaires : 900 000 euros
Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice : 10
Est par ailleurs une petite entreprise, une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants lors du dernier exercice comptable clos (rapporté le cas échéant à douze mois) :
Total de bilan : 7 500 000 euros
Chiffre d’affaires : 15 000 000 euros
Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice : 50
Ces seuils s’analysent à chaque clôture et une société ne demeure pas à vie dans une catégorie. Cela peut expliquer que pour un exercice votre société bénéficie ou non de la confidentialité de ses comptes sociaux lors du dépôt, ou d’une confidentialité partielle. Par ailleurs, attention ces seuils peuvent être amenés à changer (c’est par exemple le cas pour les comptes clos à compter du 01/01/2024).
Certaines entreprises sont exclues du mécanisme
Certaines entreprises bien que pouvant répondre à la qualification de micro-entreprises ou de petites entreprises (on exclura le cas des moyennes entreprises qui ne bénéficient pas d’une réelle confidentialité mais d’un droit à diffuser des informations sommaires et limitées) ne peuvent pas bénéficier de la confidentialité pour autant car sont exclues expressément par la loi.
Certaines micro-entreprises ne peuvent pas bénéficier de la confidentialité pour leurs comptes annuels. Cela vise notamment :
– certains établissements de crédit et sociétés de financement ;
– certaines entreprises d’assurance et de réassurance, certains organismes de sécurité sociale, certaines institutions de prévoyance et leurs unions ;
– les personnes et entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
– les personnes et entités qui font appel à la générosité publique (loi n° 91-772 du 7 août 1991) ;
– les entreprises dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières.
Les entreprises suivantes, même lorsqu’elles répondent à la définition des petites entreprises, ne peuvent déclarer confidentiel leur compte de résultat, notamment :
– certains établissements de crédit et sociétés de financement ;
– certaines entreprises d’assurance et de réassurance, certains organismes de sécurité sociale, certaines institutions de prévoyance et leurs unions ;
– les personnes et entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
– les personnes et entités qui font appel à la générosité publique ;
– les sociétés appartenant à un groupe au sens de l’article L.233-16 du Code de commerce.
Une société holding est une société qui a une détention dans une ou plusieurs sociétés (filiales). Ces titres peuvent être de participation ou non (selon la qualification qu’on peut y donner en droit fiscal ou en droit des sociétés, cette notion pouvant varier par ailleurs). Cette détention constitue en réalité une simple activité patrimoniale et civile au plan juridique dès lors que la société holding a, à l’égard de ces participations, un rôle passif. En revanche, certaines sociétés holding ont un rôle actif sur leurs filiales, que ce soit sous la forme d’un mandat social ou d’une gestion active de leur participation.
Les holdings pouvant prétendre au régime des micro-entreprises, car en respectant les seuils, ne peuvent bénéficier de la confidentialité qu’à la condition qu’elles n’aient pas une activité de gestion de ces titres de participation. Dès lors une holding passive pourrait tout à fait bénéficier de la confidentialité de ses comptes selon un avis du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés (CCRCS 2019-011 du 19 décembre 2019). Selon ce Comité la simple détention de titres de filiales ou de participation ne constitue pas en soit une activité de gestion de ces mêmes titres en tant que telle. Il conviendra donc au cas par cas de déterminer si le rôle de la société holding peut s’analyser ou non en une gestion des titres détenus à son actif.
En revanche, pour les holdings répondant à la définition des petites entreprises, la participation à un groupe au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce exclut la société en question du bénéfice de la confidentialité (de même qu’une filiale appartenant au même groupe). Cela vise le cas où cette société exerce un contrôle sur la filiale en question (contrôle exclusif par exemple en détenant la majorité des droits de vote ; contrôle conjoint du fait d’un partage de contrôle avec un nombre limité d’associés).
Il convient là encore d’être vigilant et de faire une analyse au cas par cas en présence de société participant à un groupe.