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Courtiers en vins et spiritueux : La fin du vide législatif

La profession de courtier en vins et spiritueux est une profession méconnue. Pourtant, ce professionnel est un entremetteur précieux entre les propriétés et les négociants. Juridiquement, le courtier est un intermédiaire qui met en relation les personnes désireuses de contracter entre elles une opération commerciale.

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Dans la vie de tous les jours, le courtier va devoir développer ses talents de conciliateur et de négociateur pour rapprocher l’offre (des propriétés) et la demande (du négoce) et il va également s’assurer de la bonne réalisation de la transaction entre ces deux parties. Dans la région bordelaise et en Bourgogne, plus de 70 % des transactions entre les propriétés et les négociants passent par le courtage pour le vrac. Pour les crus classés et en Champagne, ce chiffre monte à 90 %. C’est dire l’importance du métier de courtier et la confiance qui leur est reconnue par toute la profession.

Le métier de courtier en vin a été codifié la première fois en 1321, par une ordonnance de Philippe le Bel. Plus récemment, la profession de courtier en vin était réglementée par une loi du 31 décembre 1949 n° 49-1652, qui a fait l’objet de multiples arrangements au fil du temps. Alors qu’il fallait auparavant obtenir une carte professionnelle pour exercer, l’accès à la profession a été profondément remanié par la loi du 9 décembre 2016 n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cette loi est en effet venue rétablir l’obligation de formation et d’examen préalable en exigeant comme condition à l’exercice de la profession de « justifier de connaissances et d’une expertise professionnelle, dans des conditions définies par décret ».

2 décrets et 1 arrêté ont été promulgués le 13 octobre 2020 définissant les modalités d’accès et d’exercice de la profession de courtier en vin et spiritueux

Pour autant, sans le texte d’application – le fameux décret – permettant d’en fixer les modalités, c’est un véritable vide juridique qui s’était installé pour les courtiers en vins. La situation devenait préoccupante dans le secteur puisqu’on assistait à l’émergence de nouveaux acteurs qui s’auto-revendiquaient courtiers et qui ne présentaient pas les garanties juridiques et déontologiques nécessaires à la pratique du courtage, à savoir les connaissances du droit viticole, les connaissances œnologiques, la connaissance des vignobles etc. Ce phénomène s’établissait au préjudice des courtiers mais également des viticulteurs et négociants. Le législateur a donc mis un terme à la situation en promulguant le 13 octobre 2020 deux décrets et un arrêté définissant les modalités d’accès et d’exercice de la profession pour les candidats au courtage et la création d’un registre national des courtiers en vins et spiritueux pour les courtiers en activité. Pour rappel, pour exercer la profession, le courtier en vin doit :

  • jouir de ses droits civils ;
  • ne pas être frappé par une interdiction d’exercer ;
  • être de nationalité française ou se trouver en situation régulière sur le territoire ;
  • ne pas exercer une activité incompatible mentionnée par décret ;
  • ne faire aucun achat vente pour son compte sauf achat pour les besoins familiaux ou vente provenant de leur propriété ;
  • ne pas être titulaire d’une licence de marchand de vins et spiritueux en gros ou détail.

En plus de ces conditions, l’examen de passage d’accès à la profession est désormais précisé par le législateur. L’examen sera ouvert aux seuls candidats qui justifient (i) avoir accompli un stage dans la filière viti-vinicole d’une durée de 6 mois minimum ; ou (ii) avoir obtenu un diplôme dans une formation viti-vinicole, ou bien encore (iii) avoir acquis une expérience professionnelle de 6 mois minimum au sein de l’UE ou de l’espace économique européen. L’examen est destiné à apprécier les connaissances et aptitudes du candidat à exercer la profession de courtier à travers un exposé oral puis un entretien devant un jury. Le jury attendra certainement du candidat qu’il ait des connaissances sur le droit et l’administratif, la négociation et la médiation, sur le métier de courtier, la vinification, dégustation mais également sur la région viticole envisagée.

Pour les courtiers en exercice, venant remplacer la carte professionnelle, le décret institue un registre national des courtiers en vins et spiriteux

Jérôme DUFOUR

Jérôme DUFOUR © D. R.

En outre, le décret fournit la liste des activités incompatibles avec l’exercice du métier de courtier en vin comme par exemple l’achat ou la vente de vins ou spiritueux en gros ou au détail ; la profession de vinificateur et œnologue prestataires de services ; l’activité de transitaire, transporteur ou manutentionnaire ou bien encore les dirigeants ou employés d’entreprises dont l’activité est relative à la viticulture (négociants, caves coopératives, organismes privés ou parapublics). Pour les courtiers en exercice, venant remplacer la carte professionnelle, le décret institue un registre national des courtiers en vins et spiritueux. Ce registre permettra d’encadrer et de vérifier les demandes émanant de professionnels qui se revendiquent courtiers. Désormais il faudra demander son inscription au registre moyennant le paiement d’une redevance dont le montant a été fixé à 300 euros. Pour ce faire, les demandeurs auront à remplir le formulaire d’inscription figurant en Annexe de l’arrêté du 13 octobre 2020 fixant les modalités d’inscription au registre, fournir la photocopie de leur carte d’identité et une attestation d’employeur si le demandeur est salarié. Les titulaires de la carte professionnelle devront également joindre leur carte ou la preuve par tout moyen qu’ils en sont bien titulaires et auront 6 mois pour demander leur inscription. Le registre sera tenu et actualisé par la chambre de commerce et d’industrie. Désormais chaque modification d’information devra être déclarée au président de la chambre et l’arrêt d’exercice de la profession devra faire l’objet d’une demande de radiation du registre. Pour s’assurer du respect de ces conditions le décret prévoit des contraventions de cinquième classe (de 1 500 à 3 000 euros) pour les personnes qui ne se sont pas inscrites au registre, qui n’ont pas informé le président des modifications précitées ou qui n’auraient pas demandé leur radiation malgré la cessation d’activité.

Ces nouvelles dispositions, fixant enfin un cadre réglementaire, devraient permettre à de nombreux candidats de « repeupler » cette profession dont les effectifs s’étiolaient depuis plusieurs années en raison de ce vide juridique désormais comblé.