« Il y a trois façons de réagir à l’augmentation des droits de douane américains, qui ne s’opposent pas : résilience, résistance et une riposte, qui ne peut être qu’européenne », affirmait Alain Rousset, président du Conseil régional, en ouverture d’une réunion organisée le 17 avril en présence des représentants des filières régionales concernées. « Il faut aussi un engagement appuyé de la France et de l’Europe en faveur de l’appareil de recherche et des innovations de rupture, essentielles pour notre souveraineté », ajoutait-il.
Si la Banque de France estime qu’il n’y aura « pas d’impact à long terme sur l’activité française, dont les exportations vers les États-Unis représentent 1,7 % du PIB », il existe néanmoins un problème plus important : « la forte imbrication entre les chaînes de valeur de production de certaines filières françaises avec les États-Unis », a prévenu Vincent Bignon, conseiller senior à la Banque de France.
D’autre part, « ces annonces ont un impact négatif pour l’activité économique et sur l’inflation, notamment aux États-Unis (…). À la Banque de France, nous considérons que la dimension importante est l’opportunité qui se présente de résoudre nos problèmes au sein de l’Union européenne », poursuit-il. Et notamment de parvenir à « muscler le financement de l’innovation », comme le recommande le rapport Draghi.
Cinq secteurs principaux
En région Nouvelle-Aquitaine, cinq secteurs principaux sont déjà touchés par l’augmentation de 10 % des droits de douane imposée par les États-Unis. « Ils représentent à eux seuls 76,4 % des exportations régionales », a précisé Jean-Noël Navarro, directeur principal des douanes et droits indirects de Nouvelle-Aquitaine. Les vins et spiritueux, qui exportent pour plus de 3 milliards d’euros, représentent 44 % des exportations néo-aquitaines outre-Atlantique ; l’aéronautique et le spatial, 16 % ; les produits chimiques, 5,5 % ; le matériel électrique plus de 4 % ; et les produits pharmaceutiques plus de 2,6 %.
« Les entreprises néo-aquitaines doivent commencer par faire un inventaire de leurs clients américains. Ensuite, il faut être vigilant au taux de change avec le dollar. Et enfin, tenir compte des droits de douane imposés à la Chine, dont la flotte représente plus de 50 % de la logistique maritime mondiale », rappelle-t-il. La plupart des entreprises sous-traitant leurs déclarations de douanes, « elles doivent demander à leurs prestataires sur quel code des douanes ils se basent », insiste-t-il.
Menace sur les emplois
Invités à s’exprimer, les représentants des filières concernées sur le territoire ont évoqué leurs problématiques. « Nous prônons une approche diplomatique et négociée », a assuré Catherine Dupeyrat, directrice de Bordeaux Négoce. « Le monde a changé, nous devons aller chercher des opportunités de marché ailleurs », a estimé pour sa part Rodolphe Lameyse, directeur général de Vinexposium, citant l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud.
Pour le secteur aéronautique, dont une forte proportion est destinée aux États-Unis, la conjoncture « risque de ralentir les investissements, ce qui représente une menace sur les emplois », a prévenu Anouk Laborie, directrice générale du pôle de compétitivité Aerospace Valley.
La peur des sous-traitants
L’industrie chimique, « déjà en crise depuis 2 ans », s’estime néanmoins « peu menacée, les entreprises néo-aquitaines se concentrant sur la chimie de spécialité et les ingrédients », remarque Frédéric Bataille, délégué général de France Chimie. Quant à l’agroalimentaire, en dépit d’une importante activité à l’export, « le marché s’est déjà resserré ces dernières années sur les pays de l’UE », a noté Julien Toueille, directeur de l’Agence de l’alimentation AANA.
La CPME Nouvelle-Aquitaine s’est fait l’écho « de la colère des entreprises face à l’instabilité de l’environnement international et de la politique nationale ; de la peur des sous-traitants d’être utilisés comme variable d’ajustement ; et de l’inquiétude de l’industrie textile sur l’agressivité de l’Asie », a transmis Bertrand Demier, son vice-président.
Ne pas oublier les TPE
Enfin, « il ne faut pas oublier les petites entreprises qui font vivre les territoires, dont le savoir-faire est reconnu dans le monde entier. À l’instar des fabricants d’instruments de musique haut de gamme qui exportent 50 à 70 % de leur production aux États-Unis », a rappelé Éric Ozoux, vice-président de l’U2P Nouvelle-Aquitaine.
« Nos entreprises ne peuvent pas se contenter d’un marché national. La Team France Export de Nouvelle-Aquitaine est en ordre de marche pour les accompagner. Il faut nous solliciter », a conclu Frédérique Charpenel, conseillère régionale déléguée à l’international.
Les ETI néo-aquitaines face à la hausse des droits de douane américains
72 % des ETI du Club ont une activité à l’international
Les États-Unis sont leur 2e marché à l’export après l’Europe
21 ETI du Club sont présentes aux États-Unis
34 % des ETI réalisent plus de 5 % de leur CA aux États-Unis
Pour 64 %, une hausse des droits de douane américains est un risque modéré à important
40 % anticipent un risque sur leurs investissements et sur l’emploi
45 % des dirigeants envisagent de revoir leur stratégie d’export
Source : Enquête flash du Club des ETI de Nouvelle-Aquitaine menée du 4 au 9 avril 2025 à laquelle ont participé 40 ETI sur les 130 adhérant au Club