Échos Judiciaires Girondins : Représentant 15 % des déclarations de cessation de paiements au tribunal de commerce de Bordeaux (chiffres CCI), les bars, hôtels et restaurants (CHR) sont dans une mauvaise passe…
Franck Chaumès : Le nombre de dépôts de bilan des CHR en Gironde est en augmentation de 36 % par rapport à l’année précédente (source UMIH). Le taux au niveau national est de 20 %, en sachant que d’habitude les pourcentages sont à peu près équivalents. Le président du tribunal de commerce, Marc Salaün, est venu à l’assemblée générale de l’UMIH 33 pour nous alerter et faire passer le message sur l’importance de se mettre en sauvegarde quand on rencontre des difficultés.
Mais ce n’est pas aussi simple. Aller à la chambre de commerce, dire « ça ne va pas dans mon entreprise », ce n’est pas facile. Il faudrait peut-être simplifier ces démarches. On ne demande pas d’aides, juste à être accompagnés. Le secteur CHR souffre et il y a plusieurs raisons à commencer par le remboursement des PGE. On a besoin d’un échelonnement des remboursements. Le problème, c’est qu’en voulant les étirer dans le temps, les taux des PGE sont passés de 1 % à 4,5 %. Il reste un peu plus d’un an, en mars 2026 on aura pratiquement tous fini de rembourser, donc il faut espérer qu’après on aura un bol d’oxygène. Il y a eu aussi une augmentation de 40 % du coût de l’énergie et certaines matières premières ont augmenté de 100 % ! C’est difficile de conserver un plat du jour à 12 € avec la même qualité et quantité !
EJG : Comment expliquez-vous que le taux de dépôts de bilan en Gironde, pour le secteur CHR, soit le plus élevé en France ?
F. C. : Il faut limiter le nombre d’ouvertures de restaurant. L’UMIH a proposé au maire de Bordeaux un numerus clausus. Il faudrait un arrêté qui interdise la création ou le changement d’affectation de locaux sur une zone délimitée, qui correspond à l’hypercentre, élargi au secteur des Chartrons. La proposition est en cours d’instruction. Je salue la ville de Biarritz qui l’a fait autour des halles.
Quand un établissement devient un restaurant ou un bar, il ne revient jamais en arrière. Parce que les conduits sont faits, parce que la copropriété a accepté. En plus, les loyers dans le CHR sont plus élevés que dans le prêt-à-porter. Donc un propriétaire qui a mis son établissement en conformité ne repart pas en arrière. Je le dis souvent au maire de Bordeaux : Il faut s’occuper de l’existant plutôt que du développement.
EJG : Vous considérez qu’il y a trop d’ouvertures de restaurant ?
F. C. : On compte 23 dépôts de bilan par jour, c’est colossal. Mais il y a aussi de nombreuses créations, et tout particulièrement à Bordeaux. Nous sommes victimes de l’attractivité de notre région. On croit qu’il suffit de couper des champignons et faire des œufs brouillés pour ouvrir un restaurant, mais la restauration ne s’invente pas ! Certaines nouvelles affaires mal gérées décrédibilisent et affaiblissent les établissements existants.
Et puis, il y a les effets directs et indirects : on perd l’argent qu’on a investi, mais également celui qu’on doit aux fournisseurs et à l’État. Ce sont les effets collatéraux. Donc à l’UMIH, on va lancer un permis d’entreprendre. Ce diplôme, gratuit et obligatoire, permettra à ceux qui n’ont pas fait d’école hôtelière ou de gestion d’apprendre ce qu’est une masse salariale, une marge, le coût d’un loyer. Il sera dispensé dans toutes les UMIH formations de France. On ne veut pas empêcher les gens de s’installer mais on veut les accompagner. Ça va limiter la casse.
EJG : L’UMIH vient justement d’ouvrir un nouveau CFA à Bordeaux Lac. Pourquoi un tel investissement ?
F. C. : Les formations de l’UMIH se faisaient auparavant dans nos bureaux. L’UMIH formations, qui est une entité à part de l’UMIH nationale, a choisi de faire de Bordeaux une destination premium et c’est devenu le premier centre de formation en France. Nous disposons désormais de 1 800 m2. L’UMIH départementale va également s’y installer, de cette manière les adhérents auront tout sur place.
L’UMIH va lancer un permis d’entreprendre
Franck Chaumès : restaurateur dans l’âme
Béglais « pur jus », Franck Chaumès représente la 4e génération d’une famille de restaurateurs. À l’âge de 14 ans, il commence à enchaîner les saisons, travaille avec ses parents au Bar du Rugby à Bègles et à la concession du Parc Exposition de Bordeaux qu’il a repris. Dès ses 20 ans, il monte des affaires à Biscarrosse puis à Miami. Il a aussi géré plusieurs établissements bordelais tels que la brasserie L’Orléans pendant 10 ans, Le Bellini pendant 7 ans et L’Orangerie depuis 2019. « Je ne sais faire que ça, ce n’est pas un métier pour moi ! », commente-t-il. Engagé à l’UMIH depuis 2012, il est président de la section Gironde depuis 2021.