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Gironde – Tonneliers, éleveurs de grands vins

Si la tonnellerie existe depuis l’Antiquité, son rôle a beaucoup évolué, jusqu’à occuper une place de choix dans l’élevage des grands vins. Tout à la fois artisan, industriel et scientifique, le tonnelier dispose d’un savoir-faire et d’une expertise uniques, mais peine à susciter les vocations. Poussant la filière à engager plusieurs évolutions que nous détaille François Witasse, président du Syndicat des tonneliers du Sud-Ouest et PDG de la plus vieille tonnellerie girondine, Demptos.

Tonnelier, Bordeaux, François Witasse

© Fédération des Tonneliers de France - Tonnellerie Billon - Serge Chapuis

Échos Judiciaires Girondins : Le référentiel du CAP de tonnelier, qui datait de 1993, vient d’être revu pour s’adapter aux nouvelles réalités du métier et répondre aux difficultés de recrutement. En quoi consistent ces changements ?

François Witasse : « Tout d’abord, il faut savoir que 80 % des tonneliers recherchent des candidats et parmi eux, 100 % rencontrent des difficultés. C’est un point très sensible. D’autant plus sensible que le savoir-faire du tonnelier nécessite une forme d’expertise. C’est pourquoi nous avons souhaité faire évoluer le référentiel du CAP de tonnelier. Nous avons travaillé en collaboration avec les entreprises du secteur, à travers la Fédération, et les formateurs, à travers les 3 principaux CFA français, à Bordeaux-Blanquefort, en Bourgogne et en Charentes, pour adapter la formation aux nouvelles exigences de la tonnellerie. Cette implication inter-professionnelle était nécessaire. En premier lieu, nous avons fait en sorte de mieux inclure la mécanisation. Il faut connaître l’ingénierie du fût, savoir le faire à la main, mais également comprendre comment fonctionnent les outils numériques et comment adapter leur paramétrage. Ce sont désormais deux chapitres séparés. Ensuite, nous avons ajouté une partie administrative et sur la documentation du contrôle qualité, car il faut avoir cette approche de précision. Enfin, il y a désormais une partie sur le savoir-être en équipe et en entreprise. »

80 % des tonneliers recherchent des candidats et parmi eux, 100 % rencontrent des difficultés

EJG : Le secteur a donc connu une importante évolution technologique ?

François Witasse : « La tonnellerie repose sur un savoir-faire artisanal, manuel, que l’on a su mécaniser, sans forcément l’industrialiser. Un certain nombre d’étapes de production et de contrôle ne peuvent pas être faites par des machines. En revanche, certains outils ont été mécanisés et la machine vient désormais appuyer le bras de l’homme. Par exemple, tandis que nous utilisions exclusivement le marteau il y a quelques décennies, aujourd’hui le tonnelier peut être assisté par des presses hydrauliques. Là où autrefois on utilisait la sérigraphie ou l’estampe à feu, la technologie de gravure laser permet de marquer plus rapidement le bois et avec plus de précision. Mais tout cela n’interfère pas dans la qualité constitutive de la barrique. Ça facilite le travail, c’est une différence importante. D’autres avancées technologiques ont aussi été permises, grâce au travail de la Fédération, et nous mettons par exemple à disposition de nos adhérents une alternative au mastic de fonçage traditionnel (composé de farine et d’eau), qui nous permet notamment de faire des barriques sans gluten ou casher. »

 

EJG : La tonnellerie Demptos possède également son propre centre de recherche scientifique…

François Witasse : « En effet, nous avons créé un laboratoire de recherche en 1991, en collaboration avec l’université de Bordeaux (à Talenc…