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Influenceurs, réseaux sociaux et alcool : un cocktail à consommer avec modération

Les influenceurs sont devenus l’un des choix privilégiés des opérateurs économiques dans le cadre de la promotion de leur marque, notamment dans le secteur des vins et des spiritueux. Cependant, ces nouveaux ambassadeurs ne disposent pas toujours d’une connaissance juridique approfondie sur la réglementation de la publicité des produits dont ils assurent la promotion.

Lucie Corvisier, Dominique Bruxelle

Me Lucie Corvisier et Me Dominique Bruxelle © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

La loi n° 2023-451 a été adoptée le 9 juin 2023 dans le but d’encadrer l’influence commerciale et de lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. En novembre 2024, la loi a fait l’objet d’une modification par voie d’ordonnance afin notamment de la mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. [1]

L’influenceur est défini par la loi Influence comme une personne physique ou morale qui, à titre onéreux, mobilise sa notoriété auprès de son audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque. Seul l’influenceur agissant à titre onéreux est soumis aux obligations résultant de la loi Influence.

La contrepartie reçue de l’annonceur est classiquement le paiement d’une rémunération en numéraire mais peut également consister en l’octroi d’avantages en nature tels que des produits envoyés sans versement d’une contrepartie financière (bouteilles d’alcool notamment).

S’agissant du secteur des vins et des spiritueux, cette loi démontre une réelle volonté du législateur d’entériner le cadre législatif et réglementaire déjà existant en renvoyant aux articles du Code de la santé publique portant sur la publicité des boissons alcoolisées.

Les règles à respecter

Lorsqu’il assure la promotion de vins ou de spiritueux sur les réseaux sociaux, l’influenceur devra respecter les dispositions de la loi Evin. Les contenus devront également comporter les mentions d’information prévues par la loi Influence.

  • La Loi Evin

L’influenceur est assujetti à la réglementation de la loi Evin qui définit de manière limitative les supports de communication et le contenu de la publicité en faveur de ces produits. Il est autorisé à promouvoir des vins et des spiritueux sur les réseaux sociaux dont la part des mineurs parmi les utilisateurs est, selon les tendances de la jurisprudence majoritaire, inférieure à 30 %.

Concernant les contenus autorisés, l’influenceur peut créer du contenu dans le cadre d’une collaboration commerciale sur [2] :

– Le produit (dénomination de vente, degré volumique d’alcool, moyens de productions, références relatives aux terroirs, caractéristiques olfactives et gustatives, distinctions obtenues). L’ARPP donne une grille de lecture de ces différents éléments dans le cadre de sa Recommandation Alcool, à savoir : aucune argumentation ne doit être tirée de la teneur en alcool de la boisson ; l’origine peut être historique, géographique ou relative à celle des matières premières utilisées pour l’élaboration du produit, le lien avec le produit doit être fondé ; tout composant ou tout ingrédient peut être mis en évidence dès lors qu’il est significatif, qu’il figure ou non sur l’étiquette ; la description doit se rattacher aux opérations qui aboutissent à l’obtention d’un produit fini, embouteillé, étiqueté et présenté au consommateur final ; la notion de terroir s’étend au lieu de production et à tout l’environnement lié (aspects culturels, éléments typiques tenant au sol, aux habitudes, aux goûts des habitants).

– Le mode de consommation (modalités de vente, mode de conditionnement, création de recettes de cocktails)

– Le mode de commercialisation (conditions optimales de dégustation, associations culinaires possibles)

 

Les posts associant les boissons alcoolisées à des moments festifs, de détente et de vacances ne sont pas autorisés.

Tout contenu doit être accompagné du message sanitaire « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération ».

 

  • Les règles en matière de transparence des contenus introduites par la loi Influence

Aux obligations d’informations spécifiques à la loi Evin s’ajoutent celles posées par la loi Influence.

Ainsi, notamment, le contenu réalisé par l’influenceur quel qu’il soit (post, photographie ou vidéo notamment) devra comporter la mention « publicité » ou « collaboration commerciale », ou une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l’activité d’influence et au format du support de communication utilisé, de manière « claire, lisible et compréhensible, sur tout support utilisé ».

La violation de ces dispositions constitue une pratique commerciale trompeuse sanctionnée pénalement.

Par ailleurs, les contenus comprenant des images ayant fait l’objet d’une modification par tout procédé de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage doivent être accompagnés de la mention : « Images retouchées », tandis que les contenus comprenant des images produites par tout procédé d’intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette doivent être accompagnés de la mention : « images virtuelles ». L’ordonnance du 6 novembre 2024 précitée a assoupli cette exigence en permettant que ces mentions puissent être remplacées par « une mention équivalente adaptée aux caractéristiques de l’activité d’influence et au format du support de communication utilisé ».

La violation de ces dispositions est punie d’un an d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.

 

Pourquoi et comment encadrer sa collaboration commerciale

Si la conclusion d’un contrat est dans certains cas obligatoire, elle est dans tous les cas fortement recommandée en raison du principe de responsabilité solidaire introduit par la loi.

  • L’obligation d’un contrat écrit au-delà d’un certain seuil

La signature d’un contrat écrit entre l’influenceur, l’agent d’influenceur et/ou l’annonceur au-delà d’un certain seuil de rémunération ou d’avantages en nature est rendu obligatoire par la loi Influence, sous peine de nullité. Le seuil sera déterminé par décret en Conseil d’État.

Le contrat doit en outre comporter de nombreuses mentions obligatoires : identité des parties, coordonnées postales et électroniques, pays de résidence fiscale, nature des missions confiées, contrepartie, droits et obligations des parties, notamment en termes de droits de propriété intellectuelle, soumission du contrat au droit français lorsque ledit contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français.

  • La responsabilité solidaire et la nécessité d’un encadrement de la relation avec l’influenceur

La loi Influence introduit le principe d’une responsabilité solidaire entre l’influenceur, l’agent d’influenceurs et l’annonceur des dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale, ce qui rend indispensable la contractualisation de la collaboration commerciale entre les parties, afin d’encadrer la promotion par l’influenceur de la boisson alcoolique ou du service (œnotourisme par exemple) concernés en conformité avec la réglementation.

Les actions initiées par l’association Addictions France et par la DGCCRF ne sont en outre pas anecdotiques. L’association Addictions France a ainsi obtenu la condamnation de la société META, en qualité qu’hébergeur, à procéder au retrait de publications Instagram jugées contraires à la loi Evin, et à communiquer les données d’identification des auteurs des posts [3].

Des évolutions législatives sont à prévoir, le dépôt d’un projet de Loi Influence 2 serait en effet envisagé dans les mois à venir.

 

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