Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Interview : Soin de Soi, cosmétiques naturels et girondins

Lancé en 1999 par Nelly Pélissier-Hermitte, l’institut de beauté Soin de Soi s’est développé et compte désormais un laboratoire de fabrication de cosmétiques à Gradignan et une boutique à Bordeaux.

Nelly Pélissier-Hermitte, Soin de Soi, Bordeaux

Soin de Soi © Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

« Le bon sens près de chez vous ». Si la formule n’était pas déjà prise, elle pourrait parfaitement coller au développement de l’institut Soin de Soi. Installé à Gradignan depuis 1999, le premier petit institut s’est développé au fur et à mesure des années, adoptant la formule spa et espace de bien-être, puis fabricant ses propres cosmétiques. Aujourd’hui, Soin de Soi compte 3 structures : un institut et un laboratoire/entrepôt à Gradignan, une boutique à Bordeaux, et emploie 37 personnes. Tout a commencé en 1999, Nelly Pélissier-Hermitte ouvre un petit institut de beauté de quartier dans le centre de Gradignan. Avec les années, elle a embauché 3 esthéticiennes et a une clientèle fidèle. Pourtant en 2006, va se produire un événement qui résonne comme une première prise de conscience. Une clientèle allergique à une crème lui demande le dossier produit avec la liste des composants. Elle transmet la demande à la marque qui lui renvoie un dossier de pleines pages de composants chimiques. Estomaquée, elle digère l’information. « Le temps que ça prend pour réaliser vraiment les choses ». Obligée de déménager, elle en profite pour trouver un lieu bien plus ample et cossu.

LE SPA URBAIN

C’est une maison bourgeoise, parquets, hauteur de plafonds, un lieu atypique pour ce type de projet. Il faut relever le défi, monter en gamme « C’est la maison qui a fait le projet du spa ». Le spa urbain est assez rare, mais le modèle va faire mouche. Nelly Pélissier-Hermitte embauche du personnel et choisit de nouvelles gammes de produits cosmétiques haut de gamme. C’est aussi le moment où le paraben est interdit et remplacé par le MIT (méthylisothizalinone) « encore plus allergisant », estime-t-elle. Parallèlement, elle constate tout un tas de problèmes de santé pour elle et ses employées : fausses couches, ongles et peau des mains irrités. « Il y a des conservateurs très forts, de la pétrochimie, silicone, plastique, des perturbateurs endocriniens, de l’aluminium dans les déodorants, du plomb dans les rouge-à-lèvres, etc. Et là, je commence à tout décrypter. » C’est une rencontre qui va précipiter le passage de l’institut à celui de laboratoire.

En 2012, elle fabrique la première huile de massage à partir d’un cocktail d’huiles végétales naturelles et bio qu’elle utilise en cabine

LES COSMÉTIQUES MAISON

En 2012, Nelly rencontre Violaine Peruch, ancienne ingénieur-chimiste devenue sophrologue à l’association des commerçants de Gradignan. Pour les deux jeunes femmes, c’est la même prise de conscience concernant la production des cosmétiques. Elles vont convenir ensemble que Violaine Peruch va fabriquer une première huile de massage à partir d’un cocktail d’huiles végétales naturelles et bio qu’elle utilise en cabine. « On a remarqué alors une véritable amélioration de tous les problèmes de santé. Mais on surfe toujours sur le doute, » souligne-t-elle. Ce projet a été porté par l’ensemble de l’équipe qui a totalement adhéré à ce passage aux produits naturels. La recherche de produit n’aboutit pas – « Le bio ne me suffit pas » dit-elle et elles commencent alors à élaborer leurs propres recettes. « Mais on n’est pas sur un modèle économique avec une rentabilité maximale. C’est pour ça que les industriels ne peuvent pas changer leur modèle, » reconnaît-elle. « Pour rester aussi sains, on est obligés de garder un modèle artisanal. On est un atelier de pâtisserie ! » Les composants ne sont pas chauffés, les produits utilisés viennent de producteurs (la plupart locaux) qui partagent les mêmes valeurs. « On veut être les plus transparents possibles. »

Nelly Pélissier-Hermitte, Soin de Soi, Bordeaux

Soin de Soi © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

LE BON SENS

« Il a été compliqué de défaire le modèle et de revenir au bon sens. » En 2015, la première gamme comprenant 6 produits voit le jour : savon, baume et huile pour le corps, et quelques mois plus tard, la gamme visage. Ensuite, elles lancent les gommages La gamme est élaborée à partir d’huiles essentielles, eaux florales, argiles, huiles végétales, macérâts, et plantes. Elles utilisent les huiles essentielles qui sont des conservateurs naturels et peuvent être utilisés pendant 1 an (contre plusieurs années pour des produits classiques). Les produits sont conditionnés dans des flacons en verre ambré pour les protéger de la lumière, avec des pompes pour que l’air ne rentre pas dedans. Pas de suremballage, mais des étiquettes à l’encre végétale. Les flacons en verre sont consignés, lavés et stérilisés pour resservir. « On va revenir au bon sens ! ».

On n’est pas sur un modèle économique avec une rentabilité maximale

La créatrice de Soin de Soi pensait dans un premier temps garder les produits esthétiques de l’institut en même temps que ses propres créations mais le switch se fait aussi naturellement que rapidement. « Il fallait quand même éduquer les gens car les huiles essentielles n’ont pas la même odeur que des parfums de synthèse. »

RÉDUIRE LA GAMME

En 2018, Nelly associée à Marion Teulière, qui prend en charge la partie marketing/communication, investit un nouveau lieu à Gradignan. Dans ce grand espace entouré de verdure, elles installent leurs bureaux de communication et SAV, le laboratoire de production cosmétique, l’entrepôt, avec étiquetage et envoi des commandes. « Tout est fait en interne pour être le plus autonome possible ». En 2019, Nelly ouvre un nouvel espace en plein centre de Bordeaux (rue de la Vieille Tour), pour faire connaître les produits et faire vivre la e-boutique. La gamme comptant une soixantaine de références est en cours de réduction. « On s’était calé sur l’existant pour produire notre gamme, mais on s’est rendu compte qu’on n’a pas besoin d’autant de produits. On réduit pour être efficace, moins mais mieux ». La gamme va être affinée, passer à 45 références environ, avec une nouvelle identité.

La marque est en cours de labellisation B. Corp

La marque est en cours de labellisation B. Corp, qui correspond à des exigences sociétales, environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public. « Cela va nous aider à mettre en forme tout notre savoir-faire, » indique Nelly Pélissier-Hermitte.

Nelly Pélissier-Hermitte, Soin de Soi, Bordeaux

Soin de Soi © Atelier Gallien – Echos Judiciaires Girondins

Nos produits doivent être achetés en conscience

LE BON MARCHÉ, C’EST NON

Les produits sont vendus en circuit court, via l’e-boutique qui draine des commandes de toute l’Europe, le spa et la boutique. Pour le reste, la directrice se montre inflexible : « On dit non toute la journée. On a dit non au Bon marché, aux Galeries Lafayette Haussman. Cela ne correspond pas à notre image. Nos produits doivent être achetés en conscience. » Les produits sont présents dans certaines maisons d’hôtes « qui correspondent à nos valeurs », chez des naturopathes et dans la chaîne Mob Hôtel, résolument engagée écologiquement comme socialement, qui possède deux établissements à Paris et à Lyon, et qui doit ouvrir 3 nouvelles adresses à Washington, Los Angeles et… Bordeaux ! Le développement se veut lui aussi raisonné. « On n’a pas d’investisseur, de levée de fonds, on dépense ce que l’on gagne. On veut gérer notre croissance, respecter l’humain et la nature. »

C’EST UNE MAISON BLEUE

Pour partager ses valeurs, Soin de Soi a lancé de nouveaux projets tels que la Maison Bleue qui en est à sa 5e édition : « C’est tout Soin de Soi, c’est tout ce qu’on aime, pour faire ensemble et éveiller les gens ». Ce lieu inspirant qui est loué de manière éphémère avec un planning d’activités autour de différents ateliers : créativité, naturopathie, nutrition, yoga, conférences, etc. Rendez-vous pour la prochaine en novembre 2022. Des retraites urbaines sont aussi proposées pour se ressourcer seulement sur une journée. La première en mars célébrait le printemps et les hormones. La prochaine, qui aura lieu le 19 juin, sera dédiée à l’été et à la vitalité, avec ateliers de yoga vinyasa, fabrication d’un masque sur mesure soin de soi et spa thérapie, déjeuner tonique, chants sacrés et bains olfactifs et sonores. Infatigable, Nelly l’assure : « on a encore plein de projets » comme l’élaboration d’un dentifrice « en flacon pompe ! », l’agrandissement du laboratoire. « Il va falloir pousser les murs ! » ou encore la création d’une école de formation.

« COMME UN LABORATOIRE DE PÂTISSERIE »

Il faut s’équiper pour entrer dans le laboratoire Soin de Soi : blouse, sur-chaussure, charlotte, masque… Ils sont entre 3 et 6 selon les périodes à concocter les recettes des différentes formules. Ce jour-là, Amélie est en train de préparer un gommage et mixe des noyaux de prune pour les réduire en poudre. Un peu plus loin, Clémence remplit des petites fioles de sérum. Une opération minutieuse, où tous les ingrédients sont pesés, les lots étiquetés, avec contrôle de ph. « On a investi 10 000 € dans une remplisseuse », sourit Nelly Pélissier-Hermitte, et on a eu une aide en raison de la pénibilité de la tâche. Chaque jour, 2 à 6 préparations sont produites par le laboratoire en fonction de la demande. Dans la pièce d’à côté, les commandes sont préparées, expédiées dans des cartons en carton recyclé fabriqués à Cestas. « Être en circuit court nous permet d’être très agiles ».