Couverture du journal du 05/11/2024 Le nouveau magazine

Joël Dupuch : En haut de l’affiche

Un maillot du XV de France signé par les joueurs, des photos en compagnie de Guillaume Canet ou de Pierre Gagnaire, des caricatures griffonnées sur un coin de table, et l’affiche de son nouveau spectacle Conversation(s). Mettre un pied dans le bureau de Joël Dupuch, c’est découvrir sa vie, ses amitiés, ses passions. C’est ici, aux Jacquets sur la presqu’île du Cap-Ferret qu’il est né, a grandi et fait sa vie, jusqu’à devenir cet ostréiculteur connu et reconnu de tous. Avant les Parcs de l’Impératrice, son exploitation d’huîtres « d’exception », il y a eu de nombreuses aventures, avec ce produit phare en tête d’affiche. Producteur, écailler, restaurateur, il est passé par toutes les cases et approvisionne aujourd’hui les tables les plus prestigieuses.

Joël Dupuch

© Atelier Gallien - Echos Judiciaires Girondins

Mais si Joël Dupuch est connu, bien au-delà de son village d’enfance, c’est aussi pour ses apparitions au cinéma, en particulier dans les films de Guillaume Canet, avec qui il partage une amitié depuis plusieurs années. Des Petits Mouchoirs au prochain Astérix, l’ostréiculteur se prête volontiers au jeu. Écrivant au passage un livre ou un spectacle, comme celui qu’il va présenter le 18 octobre prochain au Fémina. Teint hâlé et carrure de rugbyman, ce personnage à la gouaille savoureuse y raconte sa vie, ses amours, ses amis, ses emmerdes…

Échos Judiciaires Girondins : Quelle part occupe l’ostréiculture dans votre vie bien remplie ?

Joël Dupuch : « 98 % de ma vie, c’est l’ostréiculture, après j’ai mes petites respirations. Je vais faire du cinéma, j’écris… Sur la vague du bonheur paru en 2012, et là j’écris encore, tout le temps, j’adore ça. »

Échos Judiciaires Girondins : Pour être édité ?

Joël Dupuch : « J’écris et après on voit ce qu’on en fait… moi je n’aime pas annoncer des coups tant que rien n’est signé, donc… ça peut rester des vœux pieux, tant que les choses ne sont pas abouties, elles n’existent pas. »

Échos Judiciaires Girondins : Et justement dans ces projets, vous allez monter sur scène pour présenter un spectacle inédit ?…

Joël Dupuch : « Oui un one man show. Ça s’appelle Conversation(s) car j’aime bien la conversation mais je n’aime pas les débats, convaincre l’autre, être enfermé dans ses convictions, ça ferme les horizons. J’ai eu la chance d’avoir une vie faite de chances et de malchances, et raconter ses grâces ou ses disgrâces peut faire du bien à des personnes confrontées à des situations similaires. Ce sont des tranches de vie, mais Lauzier (dessinateur, ndlr.) l’a fait bien mieux que moi. »

Échos Judiciaires Girondins : Quelle est la genèse de ce projet ?

Joël Dupuch : « Il y a un type qui m’a dit : « Pourquoi tu ne raconterais pas tes conneries sur scène au lieu de les dire à table ? », je lui ai répondu : « Parce que ce n’est pas mon job » il m’a dit : « Je m’en occupe », « J’ai dit OK, tu me dis à quelle heure j’arrive et je serai là. » C’était un agent de spectacle. Je me suis retrouvé à bosser avec Live Nation, un des plus gros tourneurs mondiaux, c’est du lourd ! Je les ai rencontrés, ils ont été intéressés, et voilà. Sinon, je n’aurais jamais organisé ça… peut-être à la salle des fêtes du Cap-Ferret ! Ce sera mon florilège de conneries. Mais pas toutes gaies. On est plus construit par les échecs que par les réussites. Si on en sort, on n’est plus pareil. »

Échos Judiciaires Girondins : Vous allez parler de rugby ? de cinéma ? de people ?

Joël Dupuch : « Je vais parler de tout, comme ça vient. Après j’ai un plan, ça commence à ma naissance, jusqu’à aujourd’hui. Donc c’est une ligne que je connais bien ! il y aura peut-être des omissions, mais ce sera assez conforme à ce que je suis. »

Un type m’a dit : pourquoi tu ne raconterais pas tes conneries sur scène au lieu de les dire à table ?

Échos Judiciaires Girondins : C’est plutôt intime…

Joël Dupuch : « Oui puisque le sous-titre c’est « Mes mille et une vies ». Ce sera un moment de partage avec les gens. Après qu’est-ce que ça va donner ? Si au bout d’un quart d’heure les gens se disent : « Mais qu’est-ce qu’il nous emmerde… ».»

Échos Judiciaires Girondins : Vous avez le trac ?

Joël Dupuch : « Non, je crois que je suis génétiquement constitué sans stress. C’est une chance énorme. Je n’ai pas d’imaginaire inhibant ou effrayant. Je ne projette jamais rien. Je fais un effort pour garder toute mon acuité sur l’instant que je vis. Et j’essaie de ne pas gaspiller mon temps à projeter quelque chose, car je sais d’expérience que ce n’est jamais juste. C’était ou trop, ou pas assez. Après on se retrouve confronté au fait que ce que l’on vit n’est pas en adéquation avec ce que l’on a espéré ou redouté, on essaie toujours de calculer le delta entre ce qui est au lieu de le vivre pleinement. Donc je ne me dis pas il va se passer ci ou ça, j’attends d’ouvrir la porte et de voir. »

Échos Judiciaires Girondins : Sur quel format est-ce prévu ?

Joël Dupuch : « Aucune idée, ça peut durer 1 h, 2 h, il y aura beaucoup de spontanéité, en fonction du public. Il faut partager : une conversation c’est livrer des choses, regarder comment elles sont prises, et développer… ou pas. La première aura lieu au Femina à Bordeaux, puis au Trianon à Paris. »

Échos Judiciaires Girondins : Et après…

Joël Dupuch : « Je ne sais pas, ce sont des essais. Si ça marche et que ça me plaît il y en aura d’autres. Sinon j’arrête. »

Mon spectacle sera un one man show qui s’appelle Conversations(s). J’aime la conversation mais pas les débats, convaincre l’autre, être enfermé dans ses convictions

Échos Judiciaires Girondins : Et le cinéma ?

Joël Dupuch : « J’ai fait une figuration dans le prochain Astérix de Guillaume Canet. Mais tout ce qui est spectacle, c’est mes récréations, mes loisirs. »

Échos Judiciaires Girondins : Le cinéma est lié à votre amitié avec Guillaume Canet ?

Joël Dupuch : « Oui j’y suis allé parce que Guillaume m’y a amené, sinon… j’ai tourné avec quelques autres réalisateurs mais je n’ai pas d’agent, je ne cours pas les castings. Je le fais parce que ça m’amuse, de me retrouver dans cet univers qui n’est pas le mien, avec d’autres codes, d’autres fonctionnements, d’autres organisations. C’est comme voyager. C’est l’aventure. Mais mon travail c’est les huîtres. »

Je n’ai pas d’agent, je ne cours pas les castings. J’ai fait du cinéma parce que ça m’amusait

BIO EXPRESS

1955 : Naissance à Arès
1978 : Rachète les huîtres Brunet, sa 1re affaire
1983 : Ouverture du restaurant Joël D jusqu’en 2008
1994 – 2000 : Vice-président de la CCI de Bordeaux
2008 : Lance les Parcs de l’Impératrice (Lège Cap-Ferret)
2009 : Joue Jean-Louis dans Les Petits Mouchoirs de Guillaume Canet
2012 : Parution de son 1er livre Sur la vague du bonheur (éditions Michel Lafon)
2021 : One man show Conversation(s) le 18 octobre à Bordeaux (Théâtre Fémina) et le 23 octobre à Paris (Trianon)

On conditionne les huîtres une à une. C’est un travail de sélectionneur et d’orfèvre. Cette qualité, c’est notre signature

Échos Judiciaires Girondins : Pourquoi continuer l’ostréiculture ?

Joël Dupuch : « Mais c’est ma passion ! je reçois les clients, les restaurateurs, la gastronomie, qui amène au vin, aux producteurs. J’ai une vie passionnante. La vie culturelle est presque plus sclérosante. On exporte partout, en Europe. On a 300 à 400 clients, ça va du bouiboui au 3 étoiles. Je voyage dans des univers différents. J’aime sortir de ma zone de confort. »

Échos Judiciaires Girondins : Vous n’avez pas d’espace de dégustation ?

Joël Dupuch : « Non ce n’est pas notre ADN, j’ai fait de la restauration à Bordeaux et je n’ai plus envie de cette contrainte. C’est passionnant, merveilleux car on rencontre des tas de gens. Je me suis fait un carnet d’adresses phénoménal avec la restauration, mais c’est trop prenant, trop dur. Je ne suis plus très jeune. »

Échos Judiciaires Girondins : Le métier d’ostréiculteur a beaucoup changé ?

Joël Dupuch : « Oui en termes de pénibilité, c’est qu’aujourd’hui les moyens techniques évitent de faire un travail de bagnard. Jusqu’aux années 80, c’était un métier très rude. Grâce au développement des matières, on a maintenant des vêtements de confort qui sont chauds, légers, antitranspirants. »

Échos Judiciaires Girondins : Et par rapport à la production ?

Joël Dupuch : « On travaille avec des producteurs d’un peu partout, Danemark, Espagne, et moi ce qui m’importe c’est la qualité du mollusque. J’aime les huîtres charnues, croquantes, fermes. Elle évolue avec la climatologie, donc on essaie de trouver les bons produits en fonction de nos critères, et ensuite on resélectionne, on affine, on retravaille les produits. On les conditionne une à une. C’est un travail de sélectionneur et d’orfèvre. Cette qualité c’est notre signature. Ce qui m’intéresse c’est de partager ma philosophie du produit avec des restaurateurs. J’ai appris mes produits avec eux. Leurs remontées m’intéressent beaucoup. Je me remets en question, c’est la base de l’excellence. »

Échos Judiciaires Girondins : Qu’est-ce qu’un chef peut amener à l’huître ? Le produit ne se suffit pas ?

Joël Dupuch : « L’huître est un produit d’une noblesse fabuleuse que des chefs cuisinent. Une huître, c’est très esthétique, donc il faut qu’elle le reste, cuite ou crue. Moi je ne suis pas un Ayatollah du goût. Chacun trouve son chemin du bonheur. Si on a envie de mettre du citron, on le fait. Le début du plaisir, c’est le plaisir ! »

Échos Judiciaires Girondins : Il n’y a pas, avec les huîtres triploïdes, une tendance à uniformiser le goût ?

Joël Dupuch : « Il n’y aura jamais d’uniformisation car l’huître est un produit vivant qui évolue tout seul au rythme de la salinité, des planctons. C’est un produit bio avant l’heure. Les clients ont un niveau d’exigence de qualité. On est sur un produit de luxe pour une clientèle de luxe. Il faut gérer en amont la production, et en aval, la commercialisation. C’est dissocié. (Son téléphone sonne…). Là je vais aller un vendredi soir au Moulleau pour ouvrir les huîtres devant les gens. Mon job, c’est de faire mes huîtres, contrôler la qualité, et faire de la promo… parfois avec les cochonailles d’Éric Ospital, les truffes de Guillaume Gé, le caviar Sturia ou avec des gens du vin. Ma vie, c’est du partage et de la rigolade. »

Échos Judiciaires Girondins : Vous partez souvent sur votre bateau ?

Joël Dupuch : « Ça c’est la vision romantique de l’ostréiculteur (rires). Je prends ma plate quand j’en ai vraiment besoin. La plupart de nos parcs sont accessibles en tracteur. C’est moins poétique de prendre son tracteur pour charger 5 palettes que de prendre son bateau le matin au lever du soleil ! On essaie d’être efficace. La presse a envie que nos vies soient des bascules phénoménales, mais ce qui fait la qualité d’un produit, c’est la durée, tenir la qualité dans le temps, c’est tenir tous les jours. Ça nécessite de l’attention tous les jours. C’est le prix de l’excellence. J’essaie de ne faire que ça et de le faire bien. »

Ma vie, c’est du partage et de la rigolade !

Échos Judiciaires Girondins : Avez-vous été impacté par la période Covid ?

Joël Dupuch : « Oui bien sûr, on ne travaille qu’avec des restaurateurs. On a continué, mais on avait du chômage partiel, on a adapté notre activité. On fait peu de vente directe. On a eu un gros manque à gagner, une baisse de revenu très importante. Mais l’État français a été très bon dans la gestion économique de cette crise. Ça a été plus dur pour les entrepreneurs italiens, anglais ou espagnols. »

Échos Judiciaires Girondins : Quel est votre journée type ?

Joël Dupuch : « Je me lève à 6 h, j’assiste au lever du soleil parce qu’il est merveilleux. C’est le premier cadeau de la journée, je poste une photo sur Instagram, comme ça j’envoie un peu de beauté à ceux qui ne sont pas ici. Je bois mon café au bistrot du coin avec les copains de l’école primaire, après, je lève les huîtres, on emballe, on appelle les clients, on les expédie. Au déjeuner comme au dîner, il y a toujours un pote fournisseur, client ou partenaire… »

Échos Judiciaires Girondins : Vous voyagez ?

Joël Dupuch : « Aller en tournée c’est un voyage. Le mec qui vient au Cap-Ferret, qui ne connaît pas l’univers de l’ostréiculture, ni la forêt, il ne connaît rien du Ferret. Ce n’est pas juste une carte postale. Là j’ai passé 4 heures avec un éleveur de pur-sang arabe en Dordogne, c’est un voyage. J’ai vu des équipements sublimes, j’ai vu un mec heureux qui s’éclatait. Le pur-sang arabe, c’est le plus beau cheval du monde. Je partage cette passion avec ma fille de 16 ans. J’essaie de lui faire vivre la même vie que j’ai eue, empreinte de liberté, d’espace, de rencontres, d’ouverture aux autres. Il n’y a que ça qui m’intéresse dans la vie : les rencontres et les moments. »

Échos Judiciaires Girondins : Vous aimeriez que vos enfants prennent votre suite ?

Joël Dupuch : « On fait les huîtres de père en fils depuis 6 générations, ça a été mon choix, c’était inné et acquis. Mais mes fils font autre chose, il n’y a pas d’obligation. La vie ça doit être des choix. Ma fille, elle, veut devenir vétérinaire équin. Elle est passionnée par les chevaux, et je lui souhaite de réussir. Moi je suis là pour l’accompagner, pour l’aider à rendre réalisables ses rêves. »

Échos Judiciaires Girondins : Vous lui avez parlé de votre spectacle ?

Joël Dupuch : « Oui elle m’a dit, et si tu te plantes ? Ben si je me plante, je rentrerai à la maison. Mais elle le connaît mon spectacle. Je lui fais tous les jours ! »

Échos Judiciaires Girondins : Si je vous dis que votre personnage des Petits Mouchoirs vous ressemble, ça vous agace ?

Joël Dupuch : « Pas du tout, je suis assez conforme, assez peu surprenant. J’ai les mêmes amis depuis 60 ans. Je pense être cohérent, sans surprise. Je peux être surprenant, mais sans surprise. Ceux qui me connaissent savent où me trouver. Je n’essaie pas d’être un autre. J’assume tout, échecs comme réussites. J’ai plus de courage que de mémoire, je ne sais pas mentir. »

Le mec qui vient au Cap-Ferret, et ne connaît ni l’ostréiculture, ni la forêt, ne connaît rien du Ferret. Ce n’est pas juste une carte postale.

Échos Judiciaires Girondins : Et la politique…

Joël Dupuch : « J’ai vécu dans ces univers, j’étais vice-président de la Chambre de Commerce à Bordeaux, j’ai travaillé à l’arrivée de Juppé, c’était passionnant, l’après Chaban. Veni vidi vici. J’ai vu mais pas vaincu ! Ce n’est pas mon univers. »

Échos Judiciaires Girondins : Pourtant vous avez du charisme, des convictions…

Joël Dupuch : « La politique c’est être élu. Et pour être élu, il ne faut pas être clivant, il faut être consensuel. Le consensus, ça me débecte : l’absence de décision, d’arbitrage, de choix, et d’acceptation d’assumer. Ça m’emmerde. Je suis davantage passionné par l’histoire que par les petites phrases des politiques ! »

Échos Judiciaires Girondins : Vous avez d’autres projets ou envies ?

Joël Dupuch : « J’en ai plein. Il y a une très jolie phrase d’un rabbin qui dit : « Ne demande pas ton chemin à celui qui le connaît, tu pourrais ne pas t’égarer. » Moi j’adore m’égarer. Je déteste les itinéraires tracés, l’uniformisation, je ne suis pas moutonnier du tout ! »

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