Il y a à peine quelques mois, nous imaginions que notre futur s’inscrirait dans le metaverse. Mais c’est l’intelligence artificielle (IA) qui, brusquement, a fait irruption dans le quotidien de nos vies professionnelles. Son accessibilité et sa facilité d’utilisation en ont fait un totem de notre société hyperconnectée. Une étude américaine de septembre 2024 démontre que déjà 39 % des adultes utilisent au quotidien ces outils outre-Atlantique, avec une pénétration deux fois plus rapide que celle des PC ou de l’internet.1
Dans un cadre professionnel, la rédaction de textes et supports de communication arrive largement en tête, devant la veille et la recherche documentaire, les tâches administratives, la traduction, la programmation de logiciels, l’analyse des données, la fonction support et la génération d’idées créatives. De plus en plus d’outils promettent aux entreprises de produire du contenu plus vite, de manière ciblée, et à moindre coût.
L’IA, ce collègue qui ne dort jamais
Nos observatoires des métiers de la communication le confirment, les services communication sont aujourd’hui confrontés à une double contrainte : une multiplication de canaux de communication avec des budgets très restreints. Si l’on ajoute à cela le culte de la réactivité, on comprend aisément l’engouement que suscitent des plateformes qui promettent l’automatisation de création de sites web, la rédaction d’articles, la création de visuels ou de thématiques pour un podcast. Pourquoi attendre des semaines pour avoir un rapport d’analyse, si l’on dispose de logiciels capables de déchiffrer des milliards de points de données pour prédire les comportements des consommateurs et orienter les stratégies marketing ?
Dans le domaine des relations publiques, l’IA offre également des avantages indéniables. Scanner des millions de sources pour repérer les mentions d’une marque, détecter des signaux faibles ou identifier les influenceurs clés est un atout stratégique.
Mais si l’IA est souvent le collègue Shiva, vous ne pourrez pas lui sous-traiter l’essence même des métiers de la communication : transmettre du sens, faire preuve d’empathie, créer des relations de confiance durables avec tous les publics d’une organisation. L’IA manque d’intuition ou de compréhension du contexte économique, sociétal, voire médiatique, et ne saura gérer des situations de crise complexes.
L’IA manque d’intuition ou de compréhension du contexte économique, sociétal, voire médiatique
IA, une nouvelle ère de la créativité ?
Nous découvrons chaque minute de nouveaux outils, tous plus spectaculaires les uns que les autres, permettant de générer des images et des vidéos de plus en plus sophistiquées, aussi bien réalistes qu’oniriques. L’IA générative, tout en n’ayant pas de conscience créative, participe à stimuler la créativité humaine en apportant rapidité, personnalisation et des ressources inédites pour explorer de nouvelles idées. Plutôt que de la remplacer, elle redéfinit la créativité, facilitant le brainstorming, le prototypage et les tests de concepts. Elle offre aussi une personnalisation inédite.
Dans son étude annuelle de GenAI Creative Playbook,2 l’ANA (Association of National Advertisers – USA) présente l’IA générative comme un outil clé pour optimiser et personnaliser le contenu marketing. Ainsi, avec seulement cinq minutes de séquences enregistrées de Lionel Messi, PepsiCo a réussi à générer 650 millions de vidéos personnalisées, créant ainsi une vraie connexion entre lui et ses fans. Néanmoins, l’association de marketeurs met en garde : « Nous devons aborder ces nouveaux outils avec prudence, en équilibrant les possibilités créatives infinies avec les défis potentiels autour des droits, des responsabilités et de l’authenticité ».
Ainsi, les marques sérieuses continueront à investir dans une production artistique de qualité, avec des photographes, des graphistes et des équipes de production dans le respect des droits de la propriété intellectuelle.
Les marques sérieuses continueront à investir dans une production artistique de qualité
Et si l’art du prompt nous aidait à clarifier nos besoins ?
Tous ceux qui utilisent l’IA générative au quotidien ont pu expérimenter que la clé de voûte de cette collaboration humain-machine est le prompt : la rédaction de l’instruction initiale. Il s’agit d’une consigne détaillée qui sert de déclencheur à l’IA pour produire une réponse pertinente en fonction de l’information demandée. Cela rappelle étrangement le mécanisme du brief, qu’il soit effectué en interne dans l’entreprise ou destiné à un prestataire. L’utilisation des IA génératives nécessite une grande rigueur dans l’expression de la demande : le contexte, les objectifs, les cibles, la mission de l’IA, le style attendu avec la possibilité de lui donner des exemples.
Ainsi, l’art du prompt est devenu en soi une aventure créative dans laquelle l’expérimentation et l’itération sont clés. On voit bien à l’heure du résultat que si la demande manque de précision, les hallucinations (réponses erronées ou incohérentes données par l’IA) sont garanties. Nous trouvons ici un parallèle intéressant avec l’un des problèmes clé dans nos métiers : des demandes floues, mal calibrées, sorties de leur contexte qui sont les cauchemars de nos créatifs et de tous les professionnels de la communication.
IA et écologie : un problème de forme et de fond
D’après l’institut Cushman & Wakefield, la consommation d’électricité des centres de données s’est élevée à 7,4 gigawatts en 2023, soit une hausse de 55 % par rapport à 2022. Quand on estime que 75 % des applications d’entreprise intégreront à terme une forme d’intelligence artificielle, on comprend aisément que cela signifie plus d’énergie consommée par les data centers.
De plus, l’IA pose un problème d’écologie de l’attention. Les machines sont capables de générer des textes en grande quantité et à une vitesse inégalée, mais toujours standardisés. Or, une surproduction de contenus par l’IA avec des textes répétitifs, ciblés à outrance et à l’origine incertaine crée une surcharge informationnelle : l’infobésité. Dans son livre : Information, l’indigestion,3 Benoît Raphaël évoque « les bulles d’information », des espaces dans lesquels les individus se retrouvent enfermés en raison de la personnalisation algorithmique des contenus. Il met en avant que ces bulles, créées par les algorithmes des réseaux sociaux, isolent les utilisateurs en leur montrant seulement les informations qu’ils souhaitent voir, ce qui limite leur exposition à des perspectives différentes et renforce leurs biais personnels. La communication perd ici un rôle essentiel, le « communicare » ou « mettre en commun »
Oui, l’intelligence artificielle révolutionne la communication d’entreprise. Elle ouvre chaque jour des perspectives incroyables en termes d’efficacité et d’accessibilité à des outils autrefois réservés à des experts ou à de grandes entreprises. Néanmoins, une question majeure demeure : comment utiliser l’IA de manière responsable, en respectant à la fois l’environnement et la demande des publics ? À nous professionnels d’éviter la standardisation des contenus pour devenir plus efficace dans l’équilibre entre créativité, clarté, sincérité et ressources.
À propos
L’Apacom, association loi 1901, a pour objectif de promouvoir les métiers de la communication, de favoriser les échanges professionnels et de valoriser le rôle stratégique de la communication auprès des chefs d’entreprise et des décideurs de la région Nouvelle-Aquitaine. Avec plus de 500 membres adhérents qui représentent la grande diversité des métiers de la communication : communicants en entreprises, agences, collectivités, administrations, prestataires, consultants, indépendants, formateurs et enseignants, elle représente l’une des plus importantes associations de communicants de France. https://www.apacom.fr/