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Médiation des litiges de la consommation : professionnels, êtes-vous en règle ?

TRIBUNE - Depuis 2016, le dispositif de médiation des litiges s’impose aux professionnels. Adhésion à un service de médiation, information des clients, mise à jour des conditions générales de vente : êtes-vous en conformité avec la réglementation pour éviter sanctions et litiges ?

Pierre LAMANT

Pierre LAMANT © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Depuis l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 transposant la directive du 21 mai 2013 dite « RELC », il a été institué à la charge des professionnels l’obligation de mettre en place un processus de règlement des litiges avec leurs clients dit de médiation de la consommation. Ces dispositions ont été intégrées dans le Code de la consommation aux articles L. 611-1 et suivants.

Le saviez-vous ? Depuis le 1er janvier 2016, tout consommateur peut faire gratuitement appel à un médiateur de la consommation en vue de résoudre à l’amiable un litige l’opposant à un professionnel. De leur côté, les entreprises ont l’obligation d’adhérer à un dispositif de médiation de la consommation et d’en informer leurs clients.

Cette obligation trop souvent oubliée constitue pourtant un enjeu important dans les contrats commerciaux et la documentation commerciale que doit mettre à disposition tout professionnel au profit de ses clients, dès le stade même du devis (au sein même des conditions générales de vente en général).

La commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CEMC) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont organisé, le 19 décembre 2024, un premier séminaire qui a été l’occasion de faire le point sur ce dispositif. Le constat est clair, à ce jour, en présence des 82 organismes agréés en tant que médiateurs : 206 000 saisines en 2023, soit 17 % d’augmentation sur une seule année.

Bien que ce dispositif ne soit pas récent, de nombreux professionnels ne sont pas à ce jour en règle, ni au niveau de l’adhésion à un service de médiation, ni dans les process à appliquer en cas de litige.

Dans quels cas le consommateur peut-il y recourir ?

Le mécanisme de la médiation vise tous les litiges intervenants entre un consommateur et un professionnel (quelles que soient son activité et leur taille). À ce jour, il existe des systèmes de médiation pour plus de 90 % des activités. Cela concerne par ailleurs à la fois les litiges en France et les litiges transfrontaliers.

Les litiges suivants ne sont pas couverts en revanche par ce dispositif :

– litige entre professionnels ;
– réclamation portée par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ;
– négociation directe entre le consommateur et le professionnel ;
– tentative de conciliation ou de médiation ordonnée par un tribunal saisi du litige de consommation ;
– procédure engagée par un professionnel contre un consommateur ;
– litige portant sur des services d’intérêt général non marchands, fournis par une administration ou une association, par exemple ;
– litige portant sur des services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients (y compris la prescription, l’administration et la fourniture de médicaments ou de dispositifs médicaux) ;
– litige portant sur des services rendus par des prestataires publics de l’enseignement supérieur.

Pour pouvoir y recourir néanmoins, le consommateur devra avoir respecté un certain formalisme :

– il doit avoir formulé une réclamation écrite préalable auprès de l’entreprise et rapporter la preuve de cette démarche en vue d’une solution amiable préalable ;
– la demande ne doit pas avoir un caractère manifestement infondé ou abusif ;
– le litige ne doit pas avoir fait l’objet d’une précédente décision ou être en cours d’examen par ailleurs ;
– le litige doit être dans un des cas visés ci-avant ;
– le consommateur dispose d’un délai d’un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel pour formuler une demande de médiation.

Un service de médiation en tant qu’alternative à la voie judiciaire

L’intérêt du service de médiation est d’éviter le recours à la voie judiciaire immédiatement. Le recours au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire ne doit intervenir, par principe, qu’en l’absence de règlement amiable. S’ils n’y parviennent pas, la médiation est une solution de règlement alternative qui a pour but d’éviter une procédure parfois longue et coûteuse, voire incertaine dans son issue.

Le médiateur peut leur proposer un délai de 90 jours pour trouver une solution amiable. À défaut, les parties demeurent libres d’aller devant le juge en suivant. L’absence de contrainte de ce mécanisme explique probablement en partie le faible attrait de cette procédure et sa méconnaissance encore aujourd’hui.

Et pourtant, depuis sa mise en place, sur les procédures déclarées recevables (environ la moitié des saisines réalisées), 75 % environ ont permis une issue hors judiciaire (chiffres du rapport de la CMEC pour 2019-2021) : 14,7 % ont permis de trouver un accord de gré à gré entre le professionnel et le consommateur, 60,4 % ont permis de trouver un accord sur proposition du médiateur.

Quelles conséquences pour les professionnels ?

La loi impose au professionnel de donner la possibilité au consommateur de recourir à la médiation à la fois en amont de la conclusion du contrat et également au cours du contrat en cas de litige (a minima dans le courrier de rejet de réclamation). C’est ainsi une obligation de résultat en deux temps qui s’impose au professionnel.

Cela suppose de choisir préalablement un service de médiation et d’en informer les consommateurs dès le stade de l’offre de prestation de services ou de biens (article L. 616-1 et R. 616-1 du Code de la consommation). En pratique, devront figurer dans les conditions générales de vente mises à disposition lors de cette offre de service :
– la possibilité du recours à la médiation pour le consommateur,
– le service de médiation retenu.

Il existe à ce jour environ 80 prestataires ou organismes agréés en tant que médiateur de la consommation dont certains sont spécialisés par activité (restauration, bâtiment…) et d’autres ont un champ plus généraliste. Il est ainsi possible :
– soit d’être rattaché à un médiateur public sectoriel ou d’une fédération dans laquelle le professionnel est adhérent ;
– soit de signer une convention avec une association ou une société de médiation ;
– soit de constituer au sein de l’entreprise ou du groupe un service de médiation (mécanisme assez lourd reposant avec un organe collégial composé d’associations de consommateurs et de représentants professionnels).

Il est donc important de s’assurer que les conditions générales de vente soient particulièrement à jour et notamment sur ce point, pour éviter toute sanction.

Si l’entreprise dispose d’un site internet, il doit prévoir un lien vers la plateforme d’information européenne de règlement des litiges également en ligne en application de l’article 14-1 du règlement (UE) numéro 524-2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 sous l’adresse https://ec.europa.eu/consumers/odr/main/index.cfm?event=main.home2.show&lng=FR

Gratuit pour le consommateur

Il convient de rappeler que le non-respect de ce dispositif peut entraîner l’application d’une amende administrative de 3 000 euros lorsque l’infraction est commise par une entreprise individuelle et de 15 000 euros lorsque l’infraction est commise par une société, outre les sanctions applicables en cas de défaut de mention obligatoire sur les documents commerciaux.

Le non-respect de ce dispositif peut entraîner l’application d’une amende administrative de 3 000 euros pour une entreprise individuelle et de 15 000 euros pour une société

En revanche, le professionnel ne peut pas imposer le recours systématique à la médiation par le consommateur avant toute voie judiciaire. Si le mécanisme s’impose au professionnel, il demeure optionnel pour le consommateur.

Le recours à un service de médiation est gratuit pour le consommateur. De ce fait, le coût de cette procédure incombe au professionnel si le consommateur y recourt. Ces tarifs fixés avec le médiateur retenu sont variables ou fixes suivant la nature et la complexité du litige. En revanche, l’entreprise n’a pas à prendre en charge les frais de conseil du consommateur (s’il entend être assisté d’un avocat ou d’un expert). Seuls les honoraires du médiateur demeurent à la charge du professionnel (sauf le cas où la médiation ne permettrait pas de trouver un accord et irait sur un terrain judiciaire en suivant).

Le coût de cette procédure incombe au professionnel si le consommateur y recourt

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