Les Echos Judiciaires Girondins : Dans le cadre du budget 2025, quels changements ont été apportés en matière d’aides fiscales à l’innovation ?
Matthieu Bacquin : Je commencerais par rappeler que sur les trois dispositifs fiscaux à l’innovation, le crédit impôt recherche (CIR) est de loin celui qui coûte le plus cher dans le budget de l’État puisqu’il représente 7 milliards d’euros quand le crédit d’impôt innovation (CII) perçu par 10 000 PME est de l’ordre de 350 millions d’euros et le statut de jeune entreprise innovante (JEI) à moins de 500 millions d’euros. Dans le cadre du projet de budget 2025, le gros avantage du statut de JEI qui consiste à alléger les charges pour tous les profils scientifiques et techniques d’une entreprise technologique de moins de huit ans ainsi que le CII étaient menacés. Ils ont finalement été sauvés mais des coupes qui ne vont pas dans le bon sens ont été décidées.
Ainsi, pour obtenir le statut de JEI, le seuil minimum de dépenses en R&D nécessaire passe de 15 % à 20 % des charges de l’exercice. Autant dire que ce changement à la marge va générer des économies de bout de chandelle mais impacter des entreprises qui en ont vraiment besoin. Concernant le CIR, une entreprise qui embauchait un jeune docteur dans le cadre d’un premier CDI bénéficiait pendant deux ans d’une incitation fiscale forte. Elle est désormais supprimée pour une économie, là aussi, assez dérisoire alors que cela permettait de rapprocher l’entreprise du monde académique. Mais la coupe la plus importante concerne le CII avec un taux qui passe de 30 % à 20 % et une aide désormais plafonnée à 80 000 euros contre 120 000 auparavant.
EJG : Qu’est-ce que cela vous inspire ?
M. B. : Ces choix sont opérés en dépit des rapports d’évaluation qui disent tous la même chose : l’effet incitatif est près de deux fois plus élevé lorsqu’un euro d’aide est attribué à une PME que lorsqu’il est attribué à une grande entreprise. Malgré cela, on retire 33 % sur le dispositif du CII réservé aux PME et il n’y a aucune coupe sur le CIR des grandes entreprises. C’est un immense paradoxe, d’autant plus que des taux différenciés sont déjà appliqués en fonction de la taille de l’entreprise pour l’attribution des aides directes à l’innovation. Et Bercy coordonne les deux ! La fiscalité de l’innovation française n’est pas à la hauteur des enjeux.
EJG : Vous proposez donc de caler la fiscalité de l’innovation sur le dispositif des aides directes à l’innovation ?
M. B. : Cela paraîtrait effectivement logique qu’il y ait une différenciation du taux en fonction de la taille des entreprises. Mais il y a un autre sujet qui est celui de l’impact. Une entreprise qui va investir sa R&D pour développer, par exemple, de nouvelles technologies d’exploration pétrolière va toucher le même crédit d’impôt recherche, avec le même taux qu’une entreprise avec un impact environnemental positif.
Parallèlement, en matière de subvention à l’innovation, une entreprise dont le projet déboucherait sur la mise sur le marché d’un produit ou d’un procédé néfaste pour l’environnement, a aujourd’hui toutes les peines du monde à toucher une subvention ou la moindre aide Bpifrance.
Pour les aides directes à l’innovation, le critère d’impact est devenu prépondérant dans l’évaluation. Ce n’est pas le cas sur le volet fiscal, alors même que les outils existent. En travaillant sur un projet de réforme qui s’appuie sur des taux de CIR et de CII différenciés en fonction d’un impact positif ou néfaste pour l’environnement, j’aboutis à 1,5 milliard d’euros d’économies possibles. Il y a donc beaucoup mieux à faire.

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EJG : Serez-vous impacté au niveau de Self & Innov ?
M. B. : Il y aura un manque à gagner pour nos clients, mais il faut savoir que nous accompagnons 600 entreprises. Or, chaque année, plus de 80 000 TPE et PME passent à côté de tout ou partie des dispositifs de financement de l’innovation par méconnaissance ou découragement face aux démarches à entreprendre.
Donc nous allons continuer à aller chercher ces entreprises, ce qui nous permet d’avoir devant nous des perspectives de croissance. Après avoir connu une croissance de 30 % en 2024 (avec un chiffre d’affaires de 2,3 millions d’euros et 30 salariés, n.d.l.r), nous sommes sur les mêmes bases pour 2025.