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Non, directeur « Communication » et « RSE », ce n’est pas la même chose !

CHRONIQUE DE LA COM - La tendance à recruter une seule personne pour prendre en charge la communication et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est tenace. Certes, les communicants sont plutôt résignés à voir leur métier réduit à un poste fourre-tout associant le marketing, les ressources humaines, le commercial, voire l’accueil (?). Mais avec la RSE, fonction stratégique et transverse s’il en est ? Voici pourquoi cet amalgame est, sans aucun doute, une erreur à éviter.

Marie Dubois, APACOM

Marie Dubois, APACOM © Louis PIQUEMIL - Echos Judiciaires Girondins

Les avez-vous vues ? Elles sont encore nombreuses, ces offres d’emploi proposant fièrement des missions de directeur ou responsable « communication ET RSE ». Sous l’effet de la demande croissante des consommateurs (en particulier des plus jeunes), de leur propre conscience citoyenne… ou de la législation, les dirigeants s’emparent aujourd’hui très largement de la RSE – qui évolue vers le concept d’ESG pour environnement, social et gouvernance, soit les critères figurant dans les rapports extra-financiers de plus en plus répandus. Fin 2023, 78 % des entreprises avaient désigné un responsable ou référent RSE et 28 % ont même créé une direction spécifique.

La RSE nourrit la communication et l’image de l’entreprise

La transformation sociale et environnementale plus ou moins forcée des entreprises peut être perçue, fort opportunément et pragmatiquement, comme un moyen pour elles de nourrir leur communication institutionnelle et ainsi leur image ou leur marque employeur. Et c’est très bien ainsi : la fin justifie parfois les moyens et si cet objectif constitue un aiguillon pour progresser, qui s’en plaindra ? Sous réserve de ne pas tomber dans le greenwashing…

Dans le même temps, la communication devient de plus en plus « responsable ». Elle intègre des enjeux de transparence, d’écoconception, d’inclusivité, et un nouveau rôle de vigie des pratiques de l’entreprise. Mais la « communication responsable », on va le voir, n’est qu’un des leviers de la RSE…

Tous ces facteurs peuvent conduire à un raccourci rapide : confier au responsable de la communication la casquette de la RSE. Après tout, valoriser les actions environnementales ou sociétales menées par l’entreprise auprès de ses publics fait bien partie de ses missions. Par ailleurs, force est de reconnaître que les entreprises petites, moyennes ou même de taille intermédiaire n’ont pas toujours les capacités à recruter deux cadres pour assurer ces deux fonctions. Il est compréhensible et, soyons honnêtes, valorisant pour le communicant de se voir ainsi désigné comme le leader de la démarche RSE. Positivons : ce choix peut démontrer une reconnaissance de sa vision stratégique, de sa connaissance profonde de l’entreprise et de ses hommes et femmes, de sa transversalité.

La stratégie précède toujours la communication

Oui, mais voilà : le communicant n’a pas pour mission de définir la stratégie de l’entreprise, mais sa stratégie de communication. Celle-ci découle d’une vision, de grandes lignes et grands objectifs fixés par le top management. Or, la RSE est justement une démarche stratégique. Elle implique toutes les fonctions et toutes les strates de l’organisation, à qui elle impose de s’interroger, de remettre en question leurs fonctionnements, de se fixer des objectifs de progrès. Au même titre que la stratégie financière ou industrielle, elle fournira à la fonction communication les moyens de bien effectuer son travail, de définir les bons messages, les bons canaux, les bonnes actions pour accompagner la performance de l’entreprise. La communication élabore et met en forme les rapports d’activité ou financiers, pour autant, imaginerait-on un directeur finance ET communication ?

Amalgamer les nobles missions de RSE et de communication envoie un certain nombre de signes (et nous y sommes sensibles dans notre métier)… Des signes qui risquent de s’avérer dévalorisants pour les deux parties prenantes.

Amalgamer les nobles missions de RSE et de communication, c’est envoyer des signes qui risquent de s’avérer dévalorisants pour les deux parties prenantes

D’une part, l’entreprise qui recrute peut ainsi donner l’impression de considérer la RSE comme un « habillage marketing » de son fonctionnement, au lieu d’une transformation en profondeur. Élaborer un rapport RSE… sans démarche RSE, ce n’est pas si exceptionnel ! Alors oui, un bon communicant pourra toujours inventorier et packager un ensemble d’actions menées ici et là dans une liste à la Prévert plus ou moins convaincante. Mais quel en serait le sens ? Autrement dit : la RSE, ce n’est pas « de la com’ ». Et tout ce qui peut le suggérer ne servira finalement pas l’image de la structure qui le laisse à penser.

La communication est un métier !

Et la communication ? On l’a déjà mentionné : celle-ci est déjà souvent malmenée lorsqu’on l’associe à d’autres services ou qu’on en fait cadeau comme un lot promotionnel à un collaborateur ou une collaboratrice dont ce n’est pas du tout le métier. C’est faire peu de cas de cette fonction essentielle (lire la chronique de l’APACOM dans Les Échos Judiciaires Girondins du 12 septembre 2023) et prendre le risque, histoire de la dévaloriser encore un peu plus, qu’elle soit gérée de façon peu qualitative et peu performante.

Mariée à la RSE, la voici suspecte d’avoir pour rôle la création artificielle d’actions avantageuses à promouvoir ou de storytellings prenant quelques libertés avec la réalité, bref, droit dans le mur du greenwashing. C’est un vrai piège pour un communicant qui se verrait confier la RSE sans réels moyens de mise en œuvre : se retrouver réduit à mettre ses compétences au service d’une coquille vide, au détriment de sa conscience professionnelle et citoyenne.

Un vrai piège pour un communicant qui se verrait confier la RSE sans réels moyens de mise en œuvre

Et lorsqu’on ne peut créer deux postes me direz-vous ? Direction générale, QSE… À chacun de trouver son organisation pour mieux faire infuser la démarche à tous les niveaux. Pourquoi ne pas confier le pilotage de la RSE à une fonction opérationnelle au cœur de l’activité de l’entreprise ? En s’attachant aux sujets majeurs que sont l’écoconception, l’empreinte carbone, le passage aux énergies renouvelables, les pratiques sociales et sociétales… elle ne pourra être soupçonnée de greenwashing ou social-washing.

Demain, avec l’arrivée de la « corporate sustainability reporting directive » (CSRD) 1, les entreprises de toute taille vont se trouver contraintes d’élaborer un rapport extra-financier recouvrant leurs impacts sociaux et environnementaux et les objectifs fixés pour les réduire. Vécu comme une contrainte administrative, ce cadre réglementaire est aussi une formidable opportunité de structurer sa démarche RSE en embarquant l’ensemble des fonctions de l’entreprise et une mission valeureuse pour un directeur ou une directrice RSE. L’entreprise disposera ainsi d’une colonne vertébrale à partir de laquelle déployer une communication riche et honnête.

Remettons chacun à sa place. Responsables RSE et communication travailleront très bien ensemble pour que le fond nourrisse la forme… Car « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface », c’est Victor Hugo qui l’a dit !

 

À propos

L’APACOM, association loi 1901, a pour objectif de promouvoir les métiers de la communication, de favoriser les échanges professionnels et de valoriser le rôle stratégique de la communication auprès des chefs d’entreprise et des décideurs de la région Nouvelle-Aquitaine. Avec plus de 550 membres adhérents qui représentent la grande diversité des métiers de la communication : communicants en entreprises, agences, collectivités, administrations, prestataires, consultants, indépendants, formateurs et enseignants, elle représente l’une des plus importantes associations de communicants de France.

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