Couverture du journal du 19/03/2025 Le nouveau magazine

Procédure collective : Sanctions professionnelles et responsabilité pénale des dirigeants

CHRONIQUE (2/2) - En cas de procédure collective, le dirigeant peut voir sa responsabilité engagée, entraînant des sanctions professionnelles ou pénales. Faillite personnelle, interdiction de gérer et poursuites pour banqueroute visent à sanctionner les fautes de gestion.

Olivier Nicolas

Me Olivier Nicolas © Louis Piquemil - Échos Judiciaires Girondins

Le Code de commerce prévoit deux sanctions susceptibles d’être prononcées par le tribunal de la procédure collective et dont la finalité est d’écarter le dirigeant de la vie des affaires à raison du trouble que son comportement y a causé. Les sanctions professionnelles et celles résultant de la mise en œuvre de sa responsabilité pénale visent à punir le dirigeant fautif.

Les sanctions professionnelles

Si la sanction d’interdiction de gérer n’est qu’une douce alternative à celle de la faillite personnelle, toutes deux sont soumises à des règles communes ou propres à chacune d’elles.

 

  • Règles communes à la faillite et à l’interdiction de gérer

 

Cadre légal et cible : À peine d’irrecevabilité de la demande, la personne morale dirigée doit avoir fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ce qui exclut la sauvegarde.

Les personnes visées incluent les individus exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle indépendante (y compris professionnel libéral), ainsi que les dirigeants de droit ou de fait d’une personne morale et les représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales débitrices.

Toutefois, les personnes physiques ou dirigeants de personnes morales exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires spécifiques peuvent éviter ces sanctions, leurs règles disciplinaires, prévalent et sont suffisantes, à moins qu’elles ne soient prononcées par le tribunal correctionnel en tant que peine accessoire à une condamnation pour banqueroute.

L’action peut être initiée par le ministère public, l’administrateur ou le mandataire judiciaire et se prescrit par trois ans après le jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective.

 

Sanctions : Le tribunal a un large pouvoir d’appréciation quant aux sanctions, si la juridiction estime que les fautes commises traduisent une malhonnêteté caractérisée, elle prononcera une faillite personnelle, à défaut, elle s’orientera vers une interdiction de gérer, et quant à la durée de la sanction, qui peut atteindre 15 ans mais n’est plus soumise à un quelconque minimum.

Le dirigeant condamné perd son droit de vote dans les assemblées de la société concernée, peut se voir contraint de céder ses droits sociaux et peut se voir punir d’un emprisonnement de deux ans et 375 000 € d’amende en cas de non-respect des obligations ainsi prononcées.

Le jugement prononçant la sanction est mentionné au casier judiciaire, au BODACC, dans le registre professionnel concerné, dans un journal d’annonces légales et au fichier national des interdits de gérer.

 

  • Règles spécifiques

 

La faillite personnelle : La faillite personnelle peut être prononcée pour des faits tels que la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu’à la cessation des paiements, le détournement ou la dissimulation d’actifs ou l’augmentation frauduleuse du passif.

Pour les dirigeants d’entreprises individuelles, divers comportements spécifiques sont sanctionnés comme la réalisation d’actes de commerce dans un intérêt autre que celui de l’activité ou du patrimoine visés par la procédure ou l’utilisation abusive des biens de l’entreprise à des fins personnelles et peuvent également entraîner la faillite personnelle.

En outre, les personnes jugées responsables d’une insuffisance d’actif et n’ayant pas acquitté les dettes mises à leur charge à ce titre peuvent de surcroît encourir la faillite personnelle.

Le prononcé de la faillite personnelle emporte interdiction de gérer et le tribunal peut en outre décider de l’incapacité d’exercer une fonction publique élective pendant la même durée que celle de la faillite personnelle, dans une limite de cinq ans.

 

L’interdiction de gérer : L’interdiction de gérer peut être prononcée pour les hypothèses prévues pour la faillite personnelle, auxquelles s’ajoute, le fait spécifique pour le dirigeant de ne pas remettre les renseignements qu’il est tenu de communiquer aux mandataires de justice ou de ne pas respecter l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article L. 622-22 ou encore le fait pour l’une des personnes visées par l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif d’omettre sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans les 45 jours à compter de la date de cessation des paiements sans avoir par ailleurs demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

L’interdiction de gérer est plus limitée que la faillite personnelle, car elle ne devra concerner que des entreprises spécifiques ou des fonctions précises. En outre elle ne fonde pas une interdiction d’exercer une fonction publique élective et ne permet pas de reprise des poursuites individuelles en cas de clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif, contrairement à la faillite personnelle.

En 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux n’a prononcé de sanctions professionnelles qu’à l’encontre de 17 dirigeants alors qu’il a ouvert 1 751 procédures collectives dont 1 092 liquidations judiciaires sur la même année.

La responsabilité pénale du dirigeant

Le comportement frauduleux du dirigeant d’entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire constitue le délit de banqueroute, mais d’autres infractions peuvent être également commises par d’autres personnes que le débiteur.

 

  • Le délit de banqueroute

La banqueroute concerne les dirigeants responsables des difficultés de l’entreprise, notamment lorsqu’ils ont pris des mesures abusives pour éviter ou retarder l’ouverture de la procédure collective. Les faits retenus peuvent inclure la réalisation de transactions à perte ou l’emploi de moyens ruineux, le détournement ou la dissimulation d’actifs, l’augmentation frauduleuse du passif ou encore la falsification ou l’absence de la comptabilité de l’entreprise.

Par ailleurs ces faits doivent être postérieurs à la date de cessation des paiements de la société en redressement ou liquidation judiciaire, à défaut, le délit d’abus de biens sociaux et non plus de banqueroute pourra être envisagé. Le tribunal correctionnel sera seul compétent pour juger le dirigeant soupçonné de banqueroute et aura la possibilité de condamner l’auteur à 5 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 75 000 euros (voire 7 ans et 100 000 euros en cas de société de prestation de services d’investissement).

 

  • Les autres infractions

 

Infractions applicables au débiteur : Le débiteur ou son dirigeant peut être pénalement responsable et craindre 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de paiement de créance antérieure ou réglementée non autorisé par le juge-commissaire, de violation d’un plan de sauvegarde ou de redressement, ou encore de tentative de soustraction d’actifs. Les sanctions peuvent aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour des faits de détournement ou de dissimulation d’actifs.

 

Infractions applicables à d’autres personnes : Le Code de commerce prévoit des sanctions pour les complices du débiteur et de son dirigeant en cas de banqueroute. L’abus de confiance simple peut être retenu à l’égard des proches (conjoints, descendants, ascendants, etc.) qui peuvent être punis en cas de détournement, diversion ou recel des biens appartenant à l’actif du débiteur en procédure collective. Les peines d’abus de confiance aggravée peuvent s’appliquer à des malversations commises par des acteurs de la procédure (administrateur, liquidateur, etc.). De plus, l’abus de confiance sera en outre envisagé à l’égard d’un créancier qui conclut une convention avantageuse avec le débiteur après l’ouverture de la procédure (cet accord sera annulé). Par ailleurs, les personnes accomplissant des actes de paiement ou de disposition interdits durant la période d’observation ou l’exécution d’un plan peuvent être pénalement sanctionnées. Enfin, la dissimulation, soustraction ou le recel des biens du débiteur entraîne des peines de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

 

Publié par