La RSE est à la fois une démarche volontaire et une source d’obligations et donc de responsabilité pour une organisation (entreprise ou administration). La norme ISO 26 000, parue en 2010, décrit les actions RSE comme la mise en œuvre d’un comportement éthique et transparent.
Au fil des décennies, la RSE a développé des principes non plus seulement moraux mais également contraignants. La mise en œuvre de la pratique RSE consiste donc pour une entreprise à prendre en compte les impacts de ses activités sur l’environnement social et écologique, d’incorporer ces aspects dans sa stratégie de gestion et d’en rendre compte aux tiers concernés.
Qui est concerné par la RSE ?
Si l’on se place sur le volet volontariste de la RSE, toute organisation est susceptible de mettre en œuvre une démarche RSE ce sans distinction de taille, de secteur d’activité ou de forme juridique. Au-delà du simple volontarisme, la loi PACTE[1] a entendu généraliser l’objectif RSE à toutes les entreprises en consacrant dans l’article 1833 du Code civil l’obligation selon laquelle « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Selon une conception large, la RSE ne concerne pas uniquement le monde privé de l’entreprise. L’administration publique (État, collectivités territoriales, établissements publics) est également impliquée. Le droit de la commande publique est un exemple parlant de réglementation pour une activité éco-responsable[2]. La loi EGALIM[3] a fixé dans la restauration collective publique un taux de 50 % de produits durables issus du commerce équitable ou répondant à certaines conditions comme l’attribution à ces produits d’une certification environnementale[4]. De plus, 20 % de ces produits doivent provenir de l’agriculture bio. Depuis 2024, cette règle est également applicable dans la restauration collective privée.
La loi AGEC[5] impose notamment aux acheteurs publics qu’au moins 20 % de leurs achats proviennent du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage. La loi Chaize[6] fixe, à partir de 2025, l’obligation pour les communes et leurs intercommunalités de plus de 50 000 habitants d’élaborer une stratégie numérique responsable.
Enfin, la loi Climat et résilience[7] et la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables[8] ont successivement modifié et complété l’article L. 228-4 du Code de l’environnement de manière à imposer aux acheteurs publics la prise en compte, dans le domaine de la construction ou de la rénovation de bâtiments, des exigences de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de stockage du carbone et le recours à des matériaux de réemploi ou issus des ressources renouvelables. Ce même article exige également qu’à compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone interviennent dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique.
Quelles libertés ?
Les préceptes de management des entreprises ont progressivement été imprégnés d’éthique environnementale soucieuse des droits de l’homme, du salarié et de l’environnement. Dès 2001, la Commission européenne a produit un livre vert afin de « promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » en définissant la RSE comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales aux activités commerciales ».
La norme ISO 26 000 a édicté sept lignes directrices : la gouvernance de l’organisation, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les questions relatives aux consommateurs, les communautés et le développement local. C’est à la lumière de ces principes non contraignants que les entreprises développent des codes de bonne conduite à l’instar du code Afep-Medef, le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées. Elles insèrent également des clauses RSE dans les contrats qu’elles concluent avec leurs partenaires. Avec la Loi PACTE de 2019, de nombreuses entreprises ont saisi l’opportunité d’adopter le qualificatif de « société à mission » en insérant dans leurs statuts des objectifs sociaux et environnementaux[9]. Enfin, certaines entreprises ont fait le choix de participer au commerce équitable. Leur activité est dans ce cas certifiée par des labels comme Fairtrade/Max Havelaar, Ecocert Equitable ou Producteurs paysans.
Parallèlement, certaines obligations découlant de normes nationales et européennes se développent progressivement dans le but d’imposer aux entreprises l’adoption de pratiques vertueuses.
Obligations d’information
Ces impératifs se concrétisent par des obligations d’information et de communication environnementales. Ainsi certaines entreprises ont l’obligation de publier tous les ans un rapport de durabilité éclairant sur leur prise en compte des conséquences sociales et environnementales de leur activité[10]. Cette obligation de reporting concerne toutes les entreprises qui dépassent au moins deux de ces trois seuils : un bilan total de 25 millions d’euros, un chiffre d’affaires net de 50 millions d’euros, un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 250.
Devoir de vigilance
Le devoir de vigilance rythme également l’activité des organisations. L’obligation d’élaborer un plan de vigilance afin de prévenir et atténuer les atteintes aux droits de l’Homme, à l’environnement, à la santé et à la sécurité[11] s’applique ainsi aux entreprises ayant leur siège social en France et dont l’effectif est de plus de 5 000 salariés sur le territoire ou 10 000 dans le monde. Cela concerne aussi les entreprises dont l’effectif est de plus 5 000 et qui appartiennent à un groupe, dont la société mère est à l’étranger, et n’a pas établi de plan de vigilance.
Ce plan vise également les sous-traitants et les fournisseurs entretenant une relation commerciale avec la société. En cas de manquement à ces obligations, le Code de commerce prévoit dans son article L. 225-102-5 une action en responsabilité civile. La Cour d’appel de Paris a ainsi rendu le 18 juin 2024 trois décisions fondatrices[12] posant les bases de la jurisprudence en matière de responsabilité[13].
Au niveau européen, la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (directive CSDD) a été votée par une majorité d’eurodéputés en 2023 et a été adoptée par le Conseil de l’UE, le 24 mai 2024[14]. Harmonisant d’ici 2026 l’application du devoir de vigilance sur l’ensemble du territoire de l’UE, la directive a notamment pour but d’obliger les entreprises à se conformer par un plan de transition à la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique contenue dans l’Accord de Paris et d’entretenir un dialogue avec leurs salariés, les syndicats ou des ONG.
Un portail RSE
La réglementation sur la RSE ne s’arrête pas à ces deux aspects puisqu’il existe de nombreuses autres obligations comme la constitution d’une base de données économiques, sociales et environnementales, l’établissement d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre ou encore la mise en place d’un dispositif anticorruption. Afin de guider chaque entreprise dans la connaissance de ses obligations RSE, l’État a mis en place un portail RSE afin de se conformer plus facilement à la réglementation[15].
La RSE se caractérise par l’augmentation exponentielle de contentieux en responsabilité civile ou pénale et par l’application de sanctions administratives. La RSE est désormais une révolution concrète qui donne incontestablement à l’entreprise un rôle déterminant dans la protection des droits humains et environnementaux.
La RSE ne concerne pas uniquement le monde privé de l’entreprise
Certaines entreprises ont l’obligation de publier tous les ans un rapport de durabilité
[1] Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, article 169.
[2] H. Delzangles, « Vers une commande publique et des acheteurs écologiquement responsables ? », Rev. CMP 2023, no 3, Étude 1.
[3] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
[4] Art. L. 611-6 du Code rural.
[5] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
[6] Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
[7] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
[8] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
[9] Art. L. 210-10 du Code de commerce.
[10] Art. L. 225-102-1 et R. 225-105-1 du Code de commerce.
[11] Art. L. 225-102-4 du Code de Commerce.
[12] Affaires Total Energies, pôle 5, ch. 12, 18 juin 2024, n° 23/14348 ; EDF, pôle 5, ch. 12, 18 juin 2024, n° 21/22319 et Vigie Groupe, pôle 5, ch. 12, 18 juin 2024, n° 23/10583.
[13] A. Danis-Fatôme, « La quête d’un devoir de vigilance effectif : la voie contentieuse s’ouvre (enfin !) », Recueil Dalloz, 2024, p. 1556.
[14] Directive (UE) 2024/1760 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859.
[15] https://portail-rse.beta.gouv.fr/